Reprenons nos esprits.

Perdre sur les marchés actions près de 10% en six séances n’est pas usuel. Si ce n’est pas un krach, cela lui ressemble étrangement. Souvent contrariant dans la hausse, on peut l’être aussi dans cette baisse. Expliquons les enjeux. Au-delà des aspects purement psychologiques, il convient de s’interroger une nouvelle fois sur la situation économique et financière, de la comprendre et d’en tirer une stratégie cohérente pour les prochaines semaines. Schématiquement, l’inquiétude est toujours la même, donc on peut être surpris d’une réaction aussi vive des marchés. Nous savons que le freinage de la liquidité, avec la fin du QE2, aura un impact négatif. Nous assistons aussi à une révision en baisse de la croissance mondiale, couplée à une forte aversion aux risques (crise grecque, plafond de la dette US, risque italien, et à nouveau Irlande…). Mais du côté positif, les bourses restent assez sous-évaluées, et même s’il existe un risque de révision à la baisse des résultats, la situation des entreprises reste saine.

Alors pourquoi ce début de cataclysme ?

D’abord un peu de recul, cette réaction suit un mouvement de hausse fin juin, qui n’avait pas plus de raison d’être. Finalement, les indices retrouvent des niveaux connus il y a peu, nous ne sommes pas encore dans une situation de sell-off. Le marché avait en effet plébiscité le vote du parlement grec, et notre dernière lettre montrait le caractère un peu exagéré de cette manifestation d’intérêt. Revenons sur la situation macro-économique du moment. Elle n’a pas beaucoup évolué et celle des Etats-Unis fait toujours l’objet de questions. L’immobilier reste problématique, la baisse des prix des maisons étant encore de 13,5% en 2011. La valeur du patrimoine immobilier est 30% inférieure au début de la crise. En conséquence, même avec un désendettement des ménages américains, le ratio dettes / patrimoine continue à augmenter, donc la solvabilité des ménages est moindre.

Les taux d’utilisation des entreprises restant assez élevés, la propension à investir reste assez limitée, donc les cash-flows pléthoriques des entreprises ne servent pour l’instant qu’à pratiquer des rachats d’actions, ce qui n’a aucun rôle positif pour la croissance. On peut ainsi parler d’une société bloquée avec aucun effet positif sur les salaires ni sur l’investissement. Cherchez l’erreur car même avec des exportations stimulées par la baisse du dollar, ceci ne permettra pas, au moins à court terme, à faire baisser le taux de chômage US. L’autre question est celle plus politique du relèvement du plafond de la dette. En Europe, notre lecture politique n’est peut être pas la bonne. Ce qui semblait impossible hier, le non-accord, devient une éventualité (probabilité de 15% ?) car il représente une bataille politique sans concession entre le clan républicain et démocrate. On peut se demander si les premiers ne souhaitent pas aller au défaut pour mettre l’ensemble de la crise à la charge d’Obama, ce qui constituerait une tension supplémentaire pour les marchés. Sans parier sur ce scénario catastrophe, l’économie américaine devrait donc rester en croissance assez faible (2% en 2012 ?), avec un taux de chômage en augmentation.

Du côté de la Chine,

On connait assez bien la problématique, poussée de l’inflation, 6,1% en taux affiché mais probablement plus en taux réel, resserement de la politique monétaire (taux à un an à 6,6%), donc le crédit va continuer à ralentir. Les indices boursiers, historiquement très correlés avec la masse monétaire M2, devraient donc avoir tendance à suivre cette restriction, donc être baissier. On constate aussi un ralentissement de la croissance au travers des importations chinoises, en hausse de +19% vs +30%, ces dix points manquants représentent 1 point de croissance mondiale en moins et pour les pays développés un différentiel de croissance de 0,5%. Finalement tout s’explique et tout est cohérent.

Enfin, revenons sur la question des dettes souveraines européennes.

Inutile de faire de longs discours. Oui, la situation est très préoccupante pour les investisseurs. Ni la Grèce, ni l’Espagne et ni l’Italie ne seront dans la capacité de rembourser leurs dettes rapidement et de remplir les critères de Maastricht (la France non plus d’aillleurs !), alors que la plupart des pays du Nord y parviendront. Que faire dans ces conditions ? Ce débat est une question politique, ce qui ne va pas faciliter des prises de position courageuses vu que beaucoup de pays concernés vont entrer en périodes électorales. La première question à laquelle on doit répondre est de savoir si on veut encore une Europe. Soyons franc, ceci revient à savoir si les pays du Nord acceptent encore de subventionner le Sud (la question Nord/Sud est dans tous les continents et pays, source de conflits majeurs). Une réponse positive à cette interrogation signifiera soulagement et nécessité de prendre des mesures drastiques pour enrayer la spéculation.

Prenons exemple sur les Etats-Unis, plutôt que de s’engager dans des plans d’austérité qui auront comme effet une forte réduction de la croissance (donc comment rembourse-t-on ?), il est peu probable que nous puissions échapper à une sorte de quantitative easing européen, et surtout il sera nécessaire de faire baisser la spéculation, par exemple en vendant de la dette allemande et en achetant de la dette italienne de façon massive. Les créanciers devront aussi dans ce contexte, accepter de rééchelonner leurs dettes sur 20 ou 30 ans, et à la limite pour aider le remboursement, devront abandonner les coupons, c’est toujours mieux qu’un défaut, même partiel ! Mais sauve qui peut pour les fonds euros !

En conclusion

La sonnette d’alarme vient d’être tirée, si des mesures très concrètes et crédibles ne sont pas prises au plan européen, on sera face à de graves problèmes, avec des effets collatéraux bien supérieurs à la faillite de Lehman. Qui y a intérêt ? Quelques Hedges qui auront joué cette stratégie, mais certainement pas les investisseurs qui sortent déjà d’une décennie perdue ! L’Europe doit, comme à des moments plus critiques de son histoire, reprendre en main son destin, mais on a du mal à voir aujourd’hui ceux qui peuvent incarner une nouvelle vision ! Après avoir paniqué hier matin, les marchés ont limité la casse, en particulier le secteur bancaire.
Un broker calculait l’effet d’un haircut des dettes des PIIGS sur une vingtaine de banques européennes. Le calcul est fait sur un défaut de 50% de la Grèce, 30% de l’Irlande, 20% du Portugal, 15% de l’Espagne et 10% de l’Italie. Le résultat est clair, l’impact pour les banques serait de 37 Md€, et elles viennent de perdre entre le 8 et le 11 juillet 32 Md€ de capitalisation boursière. Traduction simple, le marché est allé au-delà d’anticipations réalistes, probablement en imaginant une difficulté plus forte de l’Italie. La phase de rebond pouvait donc commencer hier. Cette lecture fondamentale et rationnelle, le marché ne l’a pas toujours, il lui faudra attendre des décisions politiques concrètes et pertinentes pour reprendre confiance. Ceci est loin d’être le cas. Aussi malheureusement, en dépit de ces exagérations, il est possible qu’à court terme, les rebonds doivent être mis à profit pour se protéger. Décidément, le fleuve tranquille est encore loin…

 

Jean Noel VIEILLE,

Directeur de la gestion collective

YCAP Asset Management.

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