Depuis le début de la crise financière de 2008, le rôle de la banque centrale est accru. Pourtant,dans notre quotidien, il n’est pas toujours simple de comprendre les effets de cette implication de la banque centrale dans le règlement de la crise.
Au travers d’un exemple concret, je voudrais vous faire comprendre pourquoi l’intervention de la banque centrale européenne a pour conséquence de maintenir les taux d’intérêt au plus bas. Vous allez enfin voir les conséquences directes de l’intervention de la banque centrale européenne.
Les banques centrales maintiennent des taux bas en créant une demande virtuelle d’emprunt obligataire.
A l’occasion d’un récent article sur l’émission obligataire du Crédit Foncier ouverte aux particuliers, le directeur de la communication externe du Crédit Foncier est intervenu dans les commentaires pour défendre l’émission obligataire du Crédit Foncier.
Extrait :
« Je pense important d’apporter une précision à vos lecteurs s’agissant de votre analyse sur le fait que les banques ne voudraient pas prêter d’argent au Crédit Foncier. Ce n’est fort heureusement pas le cas ! En effet, comme a pu s’en faire l’écho la presse, nous avons complètement mené notre programme d’émission 2011 et venons d’émettre (le 9 janvier) 1 Milliard d’euros sur 10 ans auprès d’investisseurs du monde entier à un taux d’environ 4,25 %.
Par type d’investisseurs, les compagnies d’assurances ont été les plus actives avec 41%, suivies par les banques (28%), les banques centrales (22%) et les asset managers (7%) »
Bruno Lorthiois – Directeur Communication Externe du Crédit Foncier.
Ps : je ne focalise absolument pas le propos sur le Crédit Foncier, mais c’est simplement le seul exemple sous la main. L’analyse est comparable pour beaucoup d’autres acteurs du secteur.
Grâce à cette intervention, on comprend que la Banque centrale a participé à l’émission obligataire du Crédit Foncier à hauteur de 22% (soit près 1/4 du montant total de l’émission) : La banque centrale à donc contribué à la réussite de l’émission obligataire en augmentant la demande de près 1/4.
Que se serait il passé en l’absence de l’intervention de la banque centrale ?
En l’absence d’une intervention de la banque centrale dans cette émission obligataire, on imagine aisément qu’en l’absence de demande (c’est à dire de prêteur), le crédit foncier aurait été dans l’obligation de proposer une meilleure rémunération (un taux d’intérêt plus élevé) pour attirer d’autres investisseurs.
Il s’agit là d’une simple mécanisme d’offre et de demande.Lorsque le demande de crédit est supérieur à l’offre de financement, on assiste à une compétition entre les emprunteurs pour séduire les prêteurs. L’augmentation des taux d’intérêt est le résultat naturel de cette différence entre l’offre de prêt et la demande de crédit.
Ainsi, en créant une demande artificielle par la banque centrale, cette dernière détruit l’efficience des marchés et contrôle le niveau des taux d’intérêt.
Mais quelles sont les conséquences pour votre quotidien ?
Le métier de base du crédit foncier est de réaliser des prêts bancaire. Le niveau des taux d’intérêt pratiqués par le crédit foncier est directement fonction du coût de ces capitaux propres et de son refinancement bancaire (pour comprendre, vous pouvez relire cet article : L’inévitable hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers, Epargne …)
Ainsi, lorsque la banque centrale permet à une banque d’emprunter des fonds à une faible taux d’intérêt, elle permet à cet établissement de faire des crédits à un taux faible. L’intervention de la banque centrale conduit mécaniquement à maintenir les taux de crédit aux particuliers ou aux entreprises à un taux faibles.
Si vous pouvez encore réaliser votre emprunt à des taux si faible c’est en parti grâce à l’intervention de la banque centrale.
Quelles sont les conséquences de taux d’intérêt maintenus artificiellement bas ?
L’enjeu est important le niveau des taux d’intérêt est essentiel est détermine la valeur de tous les actifs. La théorie moderne de l’évaluation des actifs détermine la valeur d’un bien comme étant la somme des flux futurs générés par le bien actualisé.
Par exemple, selon la théorie moderne, et notamment via les formules d’évaluation développées par Gordon Shapiro, la valeur d’une action comme est la somme actualisée de ses dividendes futurs. Ces derniers sont supposés croître tous les ans d’un même facteur.Dès lors, la valeur de l’action est égale au rapport du prochain dividende sur la différence entre le taux de rentabilité exigé et le taux de croissance du dividende par action.
Cette méthode de valorisation d’un actif est très proche de la méthode des cash flow actualisés ou encore discounting cash flow
Le coeur de l’analyse repose sur la notion d’actualisation et le taux d’actualisation est fondamentale.
L’actualisation consiste à déterminer la valeur d’aujourd’hui de flux qui se produiront dans le futur : elle est donc l’inverse de la capitalisation. Elle permet de comparer des sommes reçues ou versées à des dates différentes.
Selon le taux d’actualisation retenu, la valeur de l’actif varie. En maintenant, des taux d’intérêt faible, le taux d’actualisation est artificiellement maintenu bas et c’est la valeur de l’actif qui est maintenu à une valeur haute.
Ainsi, maintenir des taux artificiellement bas à pour conséquence de maintenir la valeur de l’ensemble des actifs à une valeur élevée. .
L’intervention de la banque centrale permet donc de maintenir des taux bas pour les crédits aux particuliers ou aux entreprises mais également de biaiser la valorisation de l’ensemble des actifs (immobilier, action … ).
Pour mieux comprendre ce concept je vous propose de lire un article excellent rédigé par Muriel MOTTE éditorialiste aux échos. Cet article est intitulé « Marché baisé » et a été publié le 15 décembre dernier :
Extrait :
« Cela fait maintenant plus de deux ans que la main très visible de la Fed sur le marché de la dette publique permet à Washington de s’endetter à un coût quasi nul. Aux politiques de « quantitative easing », efficaces pour prévenir la hausse des taux à long terme, a succédé la déclaration du 9 août sur le maintien prolongé des taux à court terme à leur niveau proche de 0 %.
Revers de la médaille, la chaîne de valorisation des actifs s’en trouve perturbée. Notamment, le calcul de la prime de risque, un des outils d’évaluation des actions fondé sur le taux sans risque.
Référence en la matière, une obligation d’Etat est de moins en moins considérée comme sans risque et son taux est de plus en plus manipulé, y compris au Royaume-Uni et dans une moindre mesure dans le reste de l’Europe. Les modèles historiques volent en éclat. On le constate d’ailleurs, un contexte de taux bas ne va plus de pair avec un « pricing » élevé des actions. Les performances intrinsèques des entreprises, leurs résultats et leur capacité à verser des dividendes retrouvent leurs lettres de noblesse. On pourrait s’en réjouir si les poussées régulières et nocives de volatilité ne traduisaient, entre autres, le grand malaise de la Bourse face à la perte de ses repères. »