– Une chronique rédigée par Celia Serge, Dirigeante de la société Synaxis, Spécialiste de l’achat / vente de commercialité à Bordeaux –
Locations de logements via les plateformes type Airbnb, Booking, Abritel, Homeaway, etc. : êtes-vous en infraction sans le savoir ?
Si la location meublée a le vent en poupe, la location meublée touristique l’a encore davantage avec un nombre toujours croissant de logements proposés via les différentes plateformes spécialisées.
Ce modèle serait-il cependant victime de son succès ?
Une réponse positive semble s’imposer de prime abord, car les capitales régionales ayant adopté des délibérations dites « anti-airbnb » se sont multipliées ces derniers mois afin de réguler ce type de location. C’est ainsi que les villes de Bordeaux, Nice et Lyon notamment se sont placées dans le sillage de celle de Paris afin d’instaurer des procédures spécifiques visant à contrôler les mises sur le marché de telles locations.
Pour la seule ville de Paris, 80% des annonces Airbnb seraient illégales et un montant d’amendes record de 1,38 M€ a été infligé pour la période courant du 1er janvier 2018 au 15 août 2018.
Quelles sont précisément les locations concernées par ces procédures spécifiques ?
Ces procédures spécifiques, applicables de plein droit dans les villes de plus de 200.000 habitants ainsi que celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, consistent à ce que les changements d’usage de locaux destinés à l’habitation soient soumis à une autorisation préalable de la municipalité (articles L631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation).
L’usage d’un local est une notion factuelle consistant à apprécier ce à quoi il est utilisé (habitation, bureau, commerce, hôtel, etc.), et il y a donc changement d’usage chaque fois que cette utilisation varie (installation d’un bureau dans un appartement, transformation d’une caserne en hôtel, etc.).
En matière de location meublée de courte durée, la loi est venue préciser que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage » (article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation).
Ainsi, proposer en location meublée de courte durée un local à usage d’habitation constitue juridiquement un changement d’usage devant faire l’objet d’une autorisation préalable de la municipalité. A défaut, la mise en location meublée de courte durée est tout simplement interdite et passible de lourdes sanctions (Cf. infra).
L’exception notable à ce principe réside dans les termes de l’article L631-7-1 A du même code selon lesquels « Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, (…) l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L631-7 du présent code (…) n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », étant précisé que cette notion de résidence principale s’entend « comme le logement occupé au moins huit mois par an » (art. 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).
Le champ d’application de cette exception est donc extrêmement précis puisqu’il implique, d’une part, que le logement loué soit en fait la résidence principale du loueur et, d’autre part, que le nombre total de locations consenties n’excède pas 120 jours dans l’année.
A défaut, cette exception ne sera donc pas ou plus applicable et le loueur sera dans la situation où il n’aura pas respecté le principe d’interdiction de changement d’usage sauf autorisation préalable, et encourra donc les sanctions prévues.
Comment obtenir cette autorisation préalable au changement d’usage ?
Dans les faits, les communes concernées ont majoritairement adopté des règlements précisant les procédures à respecter pour obtenir cette autorisation préalable au changement d’usage.
Or, à leur lecture, seules Paris, Lyon, Bordeaux et Nice ont prévu que cette autorisation sera subordonnée à une obligation de compensation, laquelle consiste à ce qu’un autre local -n’étant pas à usage d’habitation et situé dans un périmètre restreint (chaque ville ayant adopté ses propres zonages avec ses propres contraintes d’éligibilité)- soit concomitamment transformé à cet usage.
Cette notion de « compensation de commercialité » se comprend en ce qu’elle consiste à limiter l’érosion du parc d’habitation sur le territoire de la ville concernée.
Hormis les cas où les propriétaires concernés procèderaient eux-mêmes à une telle transformation sur un autre de leurs biens, il n’existe qu’une solution pour satisfaire à cette obligation : acheter des droits de commercialité auprès d’autres propriétaires réalisant de telles transformations.
Comment se concrétisent les cessions de « droits de commercialité » ?
Évidemment, la personne transformant un local commercial en logement est activement recherchée par tous les propriétaires souhaitant débuter (ou régulariser) une activité de location meublée de courte durée, aboutissant généralement à un phénomène de surenchère.
Il sera alors primordial pour l’aspirant loueur de trouver un vendeur dont le local présente des caractéristiques cohérentes par-rapport à son logement afin de ne pas surpayer ces droits (ce qui sera notamment le cas si le local est significativement plus grand que le logement devant être compensé, ou bien est situé au sein d’une zone plus contraignante que le logement devant être compensé).
Notons que la ville de Paris précise sur son propre site » (sous le dépliant « Compensation : quelles sont les démarches ? » de la FAQ) ce qui suit : « Cette dépense (NB : l’achat de droits de commercialité) est-elle proportionnée ? En dehors de la nécessaire protection du logement qui nécessite de reconstituer une surface au moins identique (ordonnance de 2005 et article L 631-7 CCH) en cas de suppression de logement, la dépense apparaît économiquement justifiée : rentabilité entre 1,6 et 2 fois plus qu’en location nue (Etude APUR 2011), et un investissement rapidement remboursé : pour un studio de 20 m² coût de 20K€ qui pourrait être remboursé en moins de 8 mois (avec recette de 1 000 € / semaine et taux d’occupation à 60%) ».
Une fois le vendeur ciblé et le prix de cession arrêté, celle-ci doit être réalisée devant notaire afin que soit rédigée une attestation de mise à disposition de compensation (ou encore « titre de compensation ») : ce n’est qu’une fois ce document établi que l’ensemble des démarches administratives pourront être initiées auprès de la municipalité concernée.
Quelles sont les autres obligations administratives à la charge du loueur en meublé de courte durée ?
Bien que la notion de changement d’usage précitée n’implique pas nécessairement la réalisation de travaux, l’obtention d’une autorisation d’urbanisme est généralement requise pour acter le changement de destination résultant de ce changement d’usage, étant précisé qu’il s’agit d’un point est à apprécier selon la définition donnée de chaque destination par le plan local d’urbanisme applicable (notamment au regard des dispositions de l’article D324-1 du Code du tourisme).
Aussi, ce type de location se voit par ailleurs généralement soumise à une déclaration préalable distincte auprès de la municipalité concernée, et ce dès la première nuitée, afin que soit délivré un numéro d’enregistrement devant impérativement figurer sur les annonces et être transmis à tout intermédiaire concerné (agence immobilière, site internet, etc.).
En outre, ce type de location nécessite une vérification du règlement de copropriété de l’immeuble au sein duquel se trouve le bien afin de s’assurer que ses dispositions ne s’y opposent pas.
Il est enfin obligatoire de procéder à une déclaration d’existence (ou encore « déclaration de début d’activité ») auprès du greffe du Tribunal de Commerce territorialement compétent dans les 15 jours suivant le commencement de l’activité de loueur en meublé afin de pouvoir notamment souscrire aux bonnes options fiscales et sociales et que soit délivré un numéro SIRET.
A défaut de respecter l’ensemble de ces règles, quelles sont les sanctions encourues ?
Hors les cas où il s’agirait de la résidence principale du loueur, proposer son bien en location meublée de courte durée sans acquérir de droits de commercialité, et donc sans satisfaire à l’obligation de compensation, est passible des sanctions suivantes :
- Sanctions civiles (applicables dès lors que l’infraction est caractérisée : art. L651-2 du Code de la construction et de l’habitation) : amende d’un montant de 50 000 € par local irrégulièrement transformé et injonction de retour à un usage d’habitation sous astreinte (1 000 € / jour / m2 de locaux irrégulièrement transformés) ;
- Sanctions pénales (applicables uniquement en cas de fraude : art. L651-3 du Code de la construction et de l’habitation) : amende d’un montant de 80 000 € et un an d’emprisonnement.
Par ailleurs, proposer son bien en location meublée de courte durée implique que soit déclaré son changement de destination auprès de la ville concernée. Bien qu’il s’agisse d’une problématique distincte des problématiques de compensation, la méconnaître est passible d’une amende de 300 000 € et, en cas de récidive, de six mois d’emprisonnement (art. L480-4 du Code de l’urbanisme).
Pour être tout à fait exhaustif, le défaut de déclaration de l’activité en mairie (afin que soit délivré le numéro d’enregistrement à faire figurer sur chaque annonce) est passible d’une amende de 450 €.
En conclusion, la mise en location de meublés de courte durée répond d’une réglementation diffuse et complexe qui, lorsqu’elle n’est pas maîtrisée (et a fortiori lorsqu’elle n’est même pas connue !), peut engendrer de lourdes sanctions.
Les propriétaires concernés ont donc tout intérêt à se rapprocher d’acteurs spécialisés dont l’activité consiste à permettre le respect de l’ensemble de ces obligations par la fourniture de solutions simples et rapides pour régulariser leur situation grâce à :
- leur réseau, lequel permet d’avoir accès à un portefeuille important de locaux éligibles à offrir en compensation ;
- leur maîtrise de l’ensemble des aspects juridiques et techniques liés aux problématiques de compensation ;
- leur assistance lors de chaque démarche nécessaire à l’obtention de l’autorisation préalable au changement d’usage.