Optimiser la gestion de son patrimoine, c’est être capable de comprendre le besoin de la famille et utiliser avec habileté le code civil pour atteindre un objectif familial prioritaire parfois contraire à l’esprit du code civil.
En effet, la famille recomposée, qui est aujourd’hui une organisation courante de la famille, n’est pas parfaitement intégrée par le code civil qui est construit autour de la famille nucléaire traditionnelle et son mariage à vie.
Dans la vraie vie, les familles se construisent, les couples se déconstruisent puis se reconstruisent avec un nouveau partenaire, et les familles se reconstruisent avec de nouveaux enfants ou simplement autour des enfants de chacun des membres du couple.
Dans la vraie vie, les enfants de la première union acceptent parfois mal cette situation familiale et les liens familiaux se distendent. Dans la vraie vie, les parents, parfois, acceptent mal de devoir gérer équitablement les enfants du premier lit avec les enfants du second lit. Pour être très honnête, ce sont plus souvent les pères qui ont du mal à gérer cette double descendance et notamment les enfants du premier lit.
Dans la vraie vie, les parents n’ont pas toujours envie de respecter le code civil qui veut que le patrimoine doit être transmis à ses enfants, au détriment du nouveau conjoint et de ses enfants que le beau parent aura pourtant élevés comme ses propres enfants.
Dans la vraie vie, c’est le « bordel » et le code civil et les mœurs ne sont pas toujours adaptés.
A ce titre, il est intéressant de se pencher autour de la notion d’héritage, trop souvent perçu comme un dû par les enfants faisant fi de la liberté familiale de transmettre un patrimoine aux personnes qui sont importantes (Ps : Autant, il est accepté de transmettre un patrimoine culturel à un tiers que peut être le nouveau conjoint et ses enfants, autant, il est moins bien accepté de leur transmettre un patrimoine pécuniaire…)
Dans la vraie vie, il faut donc trouver des stratégies pour contourner les règles parfois trop strictes du code civil pour satisfaire les projets de vie de chacun.
Et c’est justement le sujet de nos livres « Succession » et « Assurance-vie et gestion de patrimoine«
Famille recomposée : Qui hérite de qui ?
Dans le code civil, la notion de famille recomposée n’existe pas et ne bénéficie pas d’un traitement particulier. Le code civil reconnaît :
- Des enfants
- Un conjoint.
C’est alors qu’au décès d’une personne, ses héritiers sont :
- Son conjoint (=mariage) pour 1/4 en pleine propriété en présence d’enfant d’une précédente union ou le choix entre 1/4 en pleine propriété et 100% en usufruit, avec la possibilité d’une donation entre époux pour augmenter les droits successoraux de ce conjoint. L’héritage transmis au conjoint portera sur l’intégralité du patrimoine du conjoint décédé. Il s’agit du patrimoine commun, mais aussi du patrimoine propre et notamment du patrimoine acquis à l’occasion du premier mariage (cf »Succession : Le conjoint est héritier des biens propres et personnels de son conjoint pré-décédé. »).
- Ses enfants, par parts égales entre eux, pour la part qui ne sera pas transmise au conjoint. Les enfants du premier lit et du second lit seront traités de manière égalitaire. Cela signifie que les enfants du second lit seront les héritiers du patrimoine acquis lors du premier mariage... et inversement, que les enfants du premier lit seront les héritiers du patrimoine acquis lors du second mariage. Mais cela signifie aussi que les enfants du conjoint de seconde noce (qui ne serait pas également les enfants du conjoint décédé) ne seront pas héritiers.
Le conjoint de seconde noce devra partager le patrimoine acquis pendant son mariage avec les enfants du premier lit !
Et là, c’est souvent le drame !
Imaginez-vous, devoir partager votre épargne et votre contrat d’assurance vie avec vos beaux-enfants.
Mais c’est aussi, pour les enfants, voir le patrimoine, et notamment le patrimoine acquis pendant le premier mariage avec leur mère, partagé avec le conjoint de seconde noce et les demi-frères, demi-sœurs.
Bref, la situation n’est pas simple.
En effet, dans la très grande majorité des situations, les époux ont souvent deux priorités qui ne sont pas prévues par le code civil :
- Protéger le conjoint de seconde noce afin que le décès du premier n’entraîne pas l’appauvrissement et la baisse de son niveau de vie ;
- Ensuite, une fois le conjoint protégé, assurer la transmission du patrimoine au profit des enfants. Mais attention, les époux ont souvent à cœur de transmettre le patrimoine acquis pendant le second mariage en priorité aux enfants issus de cette seconde noce ou au conjoint en l’absence d’enfant commun. L’idée de transmettre le patrimoine acquis pendant le second mariage aux enfants du premier lit est rarement acceptée.
Quelles stratégies pour préparer la transmission du patrimoine dans une famille recomposée ?
Sans avoir la prétention d’être exhaustif essayons de trouver les quelques solutions qui s’offrent aux époux pour optimiser et améliorer la transmission de leur patrimoine. Mais avant, un conseil indispensable : Les époux de seconde noce doivent séparer leurs biens et leurs placements en fonction de l’origine des deniers. Les biens propres des époux devront être séparés des biens communs.
Pour les placements tels que l’assurance vie, on évitera de mélanger biens propres et biens commun et surtout les biens propres seront identifiés grâce à une clause de remploi (cf »Assurance vie sans clause de remploi, bien propre ou commun ?« ). Cette précaution permettra d’éviter la confusion des patrimoines.
L’optimisation du contrat de mariage avec la communauté universelle ou la clause de préciput sera inutile.
Malheureusement, cette stratégie de base traditionnellement utilisé par les familles pour adapter la transmission de leur patrimoine en fonction de leurs projets de vie ne pourra être une solution efficace dans les familles recomposées.
En effet, l’article 1527 du code civil et l’action en retranchement anéanti les clauses du contrat de mariage qui aurait pour conséquence de réduire la transmission aux enfants (cf. « L’action en retranchement, une limite au contrat de mariage dans une famille recomposée. »)
Article 1527 du code civil :
« Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre » Des donations entre vifs et des testaments « , sera sans effet pour tout l’excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit.
Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le décès de l’époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège sur les meubles prévu au 3° de l’article 2374 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu’état des immeubles. »
Néanmoins, une donation entre époux universelle réductible sur demande des héritiers pourra être une alternative attrayante pour sélectionner, grâce au cantonnement, la nature des biens transmis au conjoint (cf »La donation entre époux universelle plus efficace que la communauté universelle pour protéger le conjoint ? »). Il ne s’agit pas d’augmenter la part de l’héritage transmis au conjoint (puisque les enfants conservent le droit à réduction), mais de lui laisser l’opportunité de cantonner son héritage aux biens en pleine propriété qui lui sont essentiels.
L’assurance vie, un outil formidable pour transmettre des capitaux hors succession.
L’assurance vie est hors succession et pourra être pleinement utilisée pour contourner les règles civiles inadaptées à la situation des familles recomposées. Il sera même possible, à l’extrême de l’utiliser pour déshériter les enfants du premier ou second lit.
Pour lutter contre les effets de la réponse ministérielle CIOT qui pourrait avoir pour conséquence de réduire le patrimoine au conjoint survivant, les époux mariés sous le régime de la communauté qui ont à cœur une protection optimale du survivant, devront utiliser leur argent commun pour souscrire un contrat en co-souscription dénouement premier décès.
Au décès du premier des époux, le contrat sera dénoué et les capitaux versés hors succession, et sans imposition, au conjoint désigné bénéficiaire dudit contrat d’assurance vie.
En désignant le conjoint comme bénéficiaire du contrat, sa protection est optimale … mais ce patrimoine financier qui lui est transmis sera à terme transmis de ses propres enfants.
Les enfants du premier du conjoint décédé seront alors pénalisés et partiellement déshérités. Seule une clause bénéficiaire démembrée entre l’usufruit pour le conjoint survivant et la nue-propriété pour tous les enfants du conjoint décédé (enfant du premier et second lit) permettra une protection optimale du conjoint… sans déshériter les enfants du premier lit. (cf »Démembrement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie : une fiscalité très favorable »).
Les libéralités graduelles ou résiduelles pourront être très efficaces pour protéger le conjoint… sans déshériter les enfants du premier lit.
Enfin, les époux pourront réfléchir à mettre en œuvre des libéralités (donation ou testament) graduelles ou résiduelles. Comme nous vous l’expliquons dans cet article « La libéralité (donation, legs) graduelle / résiduelle pour une succession sur deux générations et réduire les droits de succession », les libéralités graduelles ou résiduelles sont une solution très efficace pour transmettre un patrimoine au conjoint puis à l’ensemble des enfants de manière égalitaire et dans un contexte fiscal attrayant.
Le conjoint sera l’héritier de tel ou tel bien immobilier. Il en sera plein propriétaire, ne pourra pas le vendre en cas de donation graduelle, mais pourra le vendre librement en cas de donation résiduelle.
Au décès du conjoint héritier du bien immobilier, celui-ci sera transmis aux héritiers de l’époux décédé en premier (c’est à dire aux enfants du premier lit).
C’est une stratégie simple pour combiner protection du conjoint et transmission du patrimoine aux enfants.
je viens de vivre cette situation ! je pense qu’il est bon de préciser quand cas de démembrement d’un contrat d’assurance vie il faudra introduire une clause de réemploi sans ça, le survivant touche l’assurance vie ! A charge à sa succession de rembourser aux enfants d’un 1er lit. donc si le conjoint survivant ne laisse rien et bien les enfants ne pourront récupérer le capital ! 2 ans de procédure pour récupérer notre argent sinon c’était le fils de madame qui touchait tout alors que tout l’argent a été gagné par notre père. (il y avait même un contrat alimenté lors de son mariage avec notre mère. En cas de famille recomposé (mon cas actuellement) mariage sous contrat ce qui est à lui pour ses enfants ce qui est à moi pour les miens. comme ça pas d’histoire. A l’heure d’aujourd’hui on est suffisamment informé pour éviter les bévus. Vous dites que le problème vient souvent des pères mais vous oubliez l’influence des belles mères ! il suffit de lire les forums pour voir à quel point leurs envies d’évincer les enfants d’un premier lit est grande ! Ma chance aura été la demande de mon père de m’occuper de sa succession !
Bonjour,
La clause bénéficiaire d’assurance vie démembrée sur les enfants des 2 lits me pose problème lorsque le père se remet avec une femme jeune, à peine plus âgée qu’un ou des enfants du premier lit.
En effet l’héritier du premier lit reçoit une nue propriété dont il ne verra la forme en espèces sonnantes et trébuchantes que s’il survit à sa belle-mère (2de épouse). C’est identique au démembrement d’un bien immobilier, sauf l’indivision de la nue propriété.
Auriez-vous des idées à ce sujet, suffisamment pour nous faire une deuxième version (ou une suite comme vous le faites souvent) de cet article ?
Je pense que le père doit faire plusieurs contrats : pour les enfants du premier lit des contrats individuels avec clause bénéficiaire en PP pour eux, et seulement de la clause démembrée (avec charge de remploi dans un contrat de capitalisation par exemple) pour les enfants du second lit.
Merci d’avance
Merci d’avance
Bonjour, et oui les enfants d’un 1er lit sont souvent les « oubliés » ou les défavorisés » en cas de remariage ! vous dites très justement « que l’enfant doit survivre à sa belle mère s’il y a peu d’écart d’âge mais n’oubliez pas que la belle mère peut aussi tout dépenser ! quand à la clause de reemploi cela signifie que le capital est bloqué et l’enfant d’un 1er lit doit attendre le décés de sa belle mère ! je peux vous dire que c’est très difficile à vivre pour l’enfant. De plus en cas de reemploi la belle mère touchant les interets du placement, les enfants à son déces ne toucheront que le capital ! si elle décède 20 ans aprés il y a une perte de valeur de ce capital. Votre solution me parait bien. Elle protège les enfants d’un 1er lit sans défavoriser les enfants du second. Quand au bien immobilier l’indivision peut être source de problème car les frais afférents au bien sont aussi divisible en fonction des parts de chacun ! l’idéal étant de sortir au plus tôt de l’indivision avec les enfants du conjoint. le bien immobilier doit imperativement être acheté par les 2 et non être la propriété de l’un ou l’autre avant le mariage. En effet une loi a donné des droits au nouveau conjoint même si le bien a été acquis avant par l’un des 2 !. pour exemple : mon père c’est installé avec sa nouvelle femme dans la maison qu’il a construit avec notre mère (sic). A son décés madame a récupéré 1/4 en pleine propriété du bien ! heureusement pour moi ma mère avant le divorce nous avait donné ses parts ! elle a donc eu qu’un quart sur la part de notre père. la suite est à pleurer ! notre belle mère étant décédé avant le règlement de la succession c’est donc son fils qui a touché ce quart ! la loi est tout simplement scandaleuse mais malheureusement elle existe. ce n’était pas la volonté de notre père qui a toujours dit que la maison était à nous mais pour cela il fallait aller chez le notaire (trop malade pour l’emmener). Personnellement ayant vécue cela en tant qu’enfant d’un 1er lit si mon conjoint devait partir en 1er je revendrais la maison pour donner la part à ses filles et sortir de l’indivision pour qu’à mon décés ce qui restera sera à moi et pour mes enfants .
D’après ce que j’ai compris : Si un père a eu des enfants d’un premier mariage, puis s’est remarié et a eu un enfant de ce second mariage, si le père décède, ses enfants héritent à part égale et sa nouvelle femme de 1/4.
Mais si les enfants de son premier Mariage ont un grand héritage côté maternel, est ce possible de favoriser l’enfant du second mariage pour lui assurer un meilleur avenir ?
Merci pour votre aide
Vous soulignez très justement qu’un enfant du premier lit peut se trouver presque totalement déshérité par la superposition de l’assurance vie et de la donation dite « au dernier des vivants » . C’est exactement ce qui m’est arrivé ( succession paternelle : un fait sociologique) . Je m’y étais préparée. Il faudrait s’aligner sur les anglo-saxons et supprimer la réserve héréditaire, cela susciterait moins de conflits et de rancœurs entre collatéraux, notamment quand ils sont de lits différents. A ne rien attendre de ses parents on n’est pas déçu et on peut conserver des rapports harmonieux avec les cohéritiers . A lire l’évolution des droits du conjoint survivant dans notre code civil, il semblerait que le législateur n’ait tenu aucun compte de la réalité sociologique et de la multiplication des familles recomposées.
Merci pour ce commentaire.
Pourriez vous détailler pour les autres lecteurs ce que vous appelez « succession paternelle : un fait sociologique ». Je crois que votre expérience pourrait apporter beaucoup à de nombreux lecteurs qui y sont confrontés.
D’avance merci.
bonjour Monsieur
C’est sans doute à vous lire que j’ai appris que les pères avaient tendance à négliger les enfants du premier lit au contraire des mères ( ou dans un autre article ? ) ; c’est exactement ce qui s’est produit dans ma famille . Ma mère a marqué sa volonté de traiter à égalité ses trois enfants, y compris par le biais de ses modestes assurance vie bien qu’elle ait eu de nombreux désaccords et conflits avec moi . J’ai ainsi très bien admis l’usufruit son conjoint (qui n’a que 12 ans de plus que moi ) . Je précise que le patrimoine de ma mère à son décès provenait exclusivement de ses parents et qu’elle était mariée sous le régime de la séparation de biens. Mais savoir que votre mère traite à égalité ses enfants de lits différents en dépit des mésententes qui avaient pu exister aplanit les difficultés par la suite c’est un symbole très fort . Concernant la succession paternelle (qui était beaucoup plus importante) il s’est produit très exactement l’inverse, j’ai été traitée en pièce rapportée, mais je dois dire que mon père m’y avait préparée par des allusions . Il en résulte quand même un fort sentiment d’exclusion dont on ne se remet jamais . C’est pourquoi je pense qu’il serait plus judicieux de carrément supprimer le principe de la réserve qui suscite attentes et déceptions puis rancœurs conflits et dissimulations entre collatéraux .
Un sujet qui m’est cher, pour avoir la liberté de gérer notre succession à notre guise, nous partons vivre en Irlande dans 1 an. Un pays où le mot Liberté signifie encore quelque chose!
Sinon moi aussi je suis issue d’un premier mariage, je paye très cher le divorce de mes parents et surtout les exigences de la seconde épouse de mon père qui répétait à tout va: « Ils en auront déjà bien assez comme ça »
Suite au décès de mon père en février 2020, marié pourtant sous le régime de la séparation de bien. Elle a réussit à obtenir par testament (à force de chantages) 1/4 en pleine propriété et la totalité en usufruit. Pas belle la vie!
2 héritiers du premier mariage qui se retrouvent à payer des frais de succession sans rien en contrepartie, si ce n’est une nue propriété et beaucoup de travaux à engager!
1 héritier du second mariage!
Et au décès de notre belle-mère ses 2 enfants issus d’un autre mariage vont hériter d’elle!
De tout temps notre père nous a répété « Tout ce qui vient de la famille, doit rester dans la famille » et il en a fait tout autrement. Faites de ce que je dis mais pas ce que je fais
Toujours compliqué les successions!
En tous les cas, il me semble important de la préparer et d’en faire part à ses enfants!
Qu’ils ne se retrouvent pas placé devant le fait accompli, le jour J