Dans l’industrie commerciale de la gestion de patrimoine, l’OBO (Owner Buy Out) ou autrement dit la vente à soi-même est une stratégie régulièrement utilisée pour trouver le moyen de faire du business avec des clients qui n’auraient pas d’argent à placer ou de projet patrimonial à mettre en œuvre.
Et oui, arrêtons l’hypocrisie. L’industrie de la gestion de patrimoine est un business et non une activité de conseils. Il faut faire des actes, vendre des biens immobilier, faire des crédits, placer de l’argent en assurance-vie pour vivre ! Parfois, on met en place une usine à gaz au service du business. Tel est le cas, à mon humble avis, de ces stratégies de vente à soi-même.
Pour le conseiller en gestion de patrimoine, qui se déguisera sous un costume de notaire, d’expert-comptable, de banquier ou encore de vendeur d’assurance-vie, la vente à soi-même est une opération extrêmement rentable (pour le conseiller) qui permettra de justifier les meilleurs arguments (parfois trompeurs) pour convaincre le client de l’intérêt patrimonial majeur d’une telle opération.
Comme nous avons cesse de vous l’expliquer, tant à l’occasion de nos consultations d’assistance et bilan patrimonial ou dans nos livres/conseils « Investir sans l’immobilier« , le mieux est souvent le mortel ennemi du bien.
Pour faire simple, le rachat à soi-même est une stratégie patrimoniale complexe (tellement complexe que personne n’est capable de chiffrer l’intérêt réel et qu’il est ainsi facile de convaincre le prospect de l’intérêt) qui consiste en la vente d’un patrimoine immobilier détenu en propre à une SCI ou autre structure sociétaire dont les associés seront, directement ou indirectement les propriétaires de l’actif immobilier en question.
L’opération se déroule en 4 étapes :
- 1- Constitution d’une SCI dans laquelle le propriétaire de l’immeuble objet du rachat à soi-même aura une participation majoritaire ; Dans une optique de préparation de la succession, le démembrement des parts de SCI pourrait être envisagé (Cf « Bien utiliser la SCI pour transmettre un patrimoine sans droit de succession ?« ) ;
- 2- Vente de l’immeuble à la SCI qui souscrit un crédit immobilier total ou partiel pour financer cette acquisition ; Le conseiller expliquera qu’il s’agit là de l’intérêt patrimonial majeur : Profiter des taux bas pour s’endetter à bas coût ; Le client notera surtout les frais d’actes notariés qui accompagneront cette vente à soi-même et les plus-values immobilières qui pourraient devoir être payées lorsque le propriétaire détient l’immeuble depuis moins de 30 ans.
- 3- Le propriétaire vendeur de l’immeuble encaisse le prix de vente (après déduction des frais d’actes notariés et de l’impôt sur la plus-value) ; Le plus souvent, c’est la que les difficultés arrivent. Que faire de l’argent ? Investir dans un bien immobilier. L’opération d’OBO perdrait sa justification, car il suffirait de faire un nouveau crédit immobilier pour financer ce nouveau projet ; Dépenser l’argent, se faire plaisir. Pourquoi pas ? Dans cette seconde hypothèse, le propriétaire bailleur aura échangé un revenu locatif par un capital ; souscrire un contrat d’assurance-vie et rechercher un effet de levier financier ? Ce sera le conseil régulièrement prodigué par les conseillers qui aimeraient bien multiplier leur marge commerciale ! C’est bingo à tous les étages : Crédit immobilier, contrat d’assurance-vie ; sans compter la rémunération du notaire qui ne pourra pas dire qu’il s’agit d’une mauvaise stratégie (pour ses bénéfices).
- 4- Pendant l’exploitation locative de l’immeuble, les loyers remboursent tout ou partie des mensualités du crédit immobilier ; Le propriétaire bailleur initialement propriétaire sans crédit perd alors un revenu complémentaire, aujourd’hui affecté aux mensualités du crédit immobilier. Dans une hypothèse de transmission, la tenue d’une comptabilité sera indispensable pour éviter l’anéantissement de la stratégie par le compte courant d’associé qui se créerait automatiquement au nom des usufruitiers de parts sociales (cf »SCI, transmission du patrimoine et la question du compte courant d’associé« ).
Au final, l’OBO ou le rachat à soi-même est une stratégie d’une telle complexité qu’il est difficile de chiffrer avec exactitude le bénéfice d’une telle opération. S’il est difficile de comprendre et de le chiffrer pour l’ingénieur patrimonial, imaginez le niveau de complexité pour le client à qui cette stratégie est conseillée.
La complexité est telle que le client doit faire confiance aux arguments commerciaux du conseiller qui évoquera des atouts incontestables :
- « Profiter des taux bas pour s’endetter » ;
- « Générer de la trésorerie »
- « Organiser la transmission de son patrimoine »
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Devant de tels arguments commerciaux qui ne sont qu’une vision biaisée de la réalité du montage, comment ne pas trouver géniale cette stratégie. Pourtant, comme vous l’avez compris l’intérêt est bien maigre (et du moins, je ne parviens pas à identifier l’avantage qui rendrait cette stratégie comme pertinente) :
- Que faire de l’argent tiré du prix de vente de l’immeuble ? Placer l’argent dans un contrat d’assurance-vie dont les frais sont tellement élevés que les perspectives de rendement sont bien faibles. Ceux qui épargnent en assurance-vie et plus particulièrement en unités de compte depuis 25 ans vous le confirmeront : Il n’est pas si simple que cela d’obtenir des rendements élevés, même en acceptant une prise de risque. En réalité, tout l’intérêt de cette opération repose sur l’effet de levier du crédit immobilier et donc sur le haut rendement tiré du placement du prix de vente. La perspective d’un rendement médiocre détruit l’intérêt même de l’OBO et rend les frais insupportables.
- La multiplication des frais (frais d’acte notarié, plus-value immobilière, frais de tenue de comptabilité de la SCI, …) ;
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