La hausse des marchés est-elle tenable ?

Le marché boursier s’accroche à quelques certitudes puisqu’il vient de revenir en Europe à la situation de fin juillet 2011. Répondre à la question de la poursuite de cette hausse revient à analyser quelques fondamentaux économiques simples, à savoir la situation macro-économique et le comportement des entreprises. Avant cela, il convient aussi de s’assurer que la question des dettes souveraines ne va pas revenir dans le débat et réinscrire alors de la volatilité dans les marchés. On constate en effet que dès que l’actualité quitte le périmètre des dettes souveraines, le niveau de stress diminue nettement et les marchés retrouvent alors une certaine efficience.

 

La contrainte des dettes publiques semble moins présente.

Nous ne prendrons évidemment pas le risque de soutenir l’idée que la crise des dettes souveraines est terminée mais on doit reconnaître objectivement qu’après des mois de discussions stériles et souvent contradictoires, la raison l’a emporté. Après la « solution grecque » assez douloureuse pour l’ensemble des intervenants, les inquiétudes semblent aujourd’hui moins fortes, au moins à court terme, sur le cas de l’Irlande et du Portugal. Ce dernier a en effet donné quelques garanties sur la tenue de ses objectifs budgétaires et l’Irlande ne devrait pas connaître de fortes contractions de la croissance de son PIB. Plus généralement, on peut être un peu plus optimiste car semble se dessiner une nouvelle prise de conscience d’ordre économique et politique. Il y a quelques mois, un seul axe était exigé par les « médecins », celui de la réduction drastique des dépenses publiques. Le cas grec, certes particulier, a servi d’exemple pour démontrer que l’on pouvait « tuer » le malade si le médicament, où sa posologie, n’était pas adapté. En dépit, sur le plan européen, de positionnements politiques tactiques des principaux dirigeants (en particulier en France !), un certain pragmatisme reste possible. Ainsi, on a peu relayé la réunion mardi dernier entre Madame Merkel et Mario Monti. En résumé, les deux responsables ont évidemment demandé à ce que le nouveau traité renforçant la discipline budgétaire soit rapidement ratifié, mais Mario Monti a aussi exigé que l’Union Europénne prête une attention analogue aux politiques de croissance. Un certain consensus semble ainsi se dessiner : au-delà des mesures structurelles destinées à renforcer la compétitivité et à réduire les déficits, il est nécessaire de mettre en place des mesures de soutien à l’activité économique. La sortie de crise passe ainsi nécessairement par un dosage subtil entre réductions budgétaires et politique de relance ciblée afin de maintenir un rythme de croissance qui puisse soutenir à nouveau l’emploi, la consommation et l’investissement. Un retour rapide vers des trends de croissance de l’ordre de 2% est d’ailleurs nécessaire pour atteindre les objectifs budgétaires. En conclusion, il faut sortir d’un mythe, on ne peut opposer réduction des déficits et relance, car ce n’est que cette dernière qui permettra d’atteindre les objectifs du premier. Cette voie reste étroite et les institutions européennes devront rapidement être mises à contribution. Ainsi, il devient urgent que la BCE baisse à nouveau ses taux directeurs pour diminuer le coût du financement des entreprises et des ménages à la condition évidente que le système bancaire joue le jeu et ré-alimente le circuit du crédit aujourd’hui toujours paralysé. Enfin, les institutions communautaires devront financer des investissements structurants afin de participer à la stimulation de la demande finale.

 

La récession semble être évitée, vers une stabilisation de l’activité.

Revenons rapidement sur l’environnement économique. Les résultats des différentes enquêtes confirment dans la zone euro que l’on s’éloigne du spectre de ce qui s’est passé fin 2008 et début 2009, à savoir une forte récession. On a en effet un peu oublié qu’en 2009, le PIB de l’euroland a reculé de 4,1%, les Etats-Unis de 2,8%, la croissance mondiale tombant à -1,4%. On s’attend en 2012 à une croissance mondiale du PIB un peu supérieure à 3%, avec probablement un léger fléchissement en zone euro et au contraire une croissance plutôt dynamique aux US (+2,5% ?). Même si on parle effectivement d’un tassement de la croissance des émergents, nous sommes néanmoins encore loin d’une menace de contraction du commerce mondial. Le scénario de la BCE confirme un peu ces propos en parlant de « stabilisation de l’activité à un bas niveau ». La confiance des industriels est également au rendez-vous, avec une amélioration du carnet de commandes, des stocks assez bien maîtrisés, qui devraient conduire les entreprises à augmenter leur production dans les prochains mois et donc à relancer l’emploi. Aussi, ces éléments, même s’ils restent toujours fragiles sont de nature à rassurer les investisseurs et il est donc normal que les cours boursiers s’éloignent des niveaux du début 2009.

Si on a désormais quelques assurances du côté de la macro-économie mondiale, l’attention des investisseurs va se porter sur le comportement des entreprises. La prochaine publication des chiffres d’affaires trimestriels va donc être la variable explicative importante de l’évolution des marchés. L’analyse ne sera pas simple. En effet, si nous avons raison sur notre scénario, stabilisation puis reprise, ce premier trimestre sera, en termes de données financières, le plus difficile de l’année puisque ce ralentissement va se comparer avec un premier trimestre 2011 qui était encore assez favorable. Donc il y aura un effet de base plutôt en défaveur des entreprises, avec probablement suivant les secteurs et les entreprises des écarts assez significatifs de performance. Après la hausse boursière de ce premier trimestre, on pourrait donc assister à une « respiration » du marché sans que cette dernière soit forcément violente. En sens contraire, il n’est pas exclu que le marché ait déjà anticipé cette donne, aussi nous pensons que le facteur déterminant sera plutôt l’éclairage que donneront à cet instant les entreprises sur leurs perspectives. Nous assisterons ainsi à un retour de la volatilité. Dernier point un peu technique, mais qui a son importance, l’arrivée de la saison des dividendes peut aussi amener un flux positif qui pourrait aussi soutenir les cours.

 

Pour que la hausse se poursuive, il faut que la prime de risque diminue.

En conclusion, on peut imaginer désormais une consolidation mais qui ne devrait pas remettre en cause la tendance haussière des marchés. Ce sentiment s’incrit dans un certain contexte, qui est celui d’un assouplissement des conditions de crédit, de la mise en place d’une politique de relance au plan européen et d’une moindre tension géopolitique. Sur ce dernier point en particulier, nous ne croyons pas par exemple à une attaque israélienne de l’Iran pour la bonne et simple raison qu’Israël n’aura jamais le soutien américain sur cette question (élections désormais trop proches) et que la situation en Egypte, en Syrie et finalement dans l’ensemble du Maghreb ne lui est plus favorable. Du point de vue des valorisations, il reste encore de la place à la hausse, par la simple diminution de la prime de risque. En effet, cette dernière reste toujours structurellement très élevée, autour de 7%, contre une situation normative d’environ 3%. Il y a donc un potentiel de diminution de l’ordre de 3 points, ce qui correspond schématiquement au niveau du CAC 40 à 300 points de mieux environ.