Les drivers du marché : Stabilité de la zone Euro, comportement des émergents, dynamique des flux

La séquence baissière que nous venons de connaître est assez logique après un trimestre haussier. Eu égard à une conjoncture toujours incertaine et au poids du politique qui reste élevé, la volatilité des marchés va d’ailleurs rester forte en 2012. Néanmoins, le pilotage de ce marché devient peut être un peu plus facile et nous souhaitons éclairer le lecteur sur ce sentiment, en sachant qu’il faut rester humble dans un exercice toujours assez périlleux. Nous allons ainsi revenir sur les facteurs qui vont influencer le marché au cours des prochaines semaines et nous en déduirons alors une stratégie d’investissement. La situation économique et financière de l’Europe est un élément déterminant, de même que la situation des émergents et nous souhaitons aussi revenir sur la dynamique des flux de ce premier trimestre

 

Certains indicateurs chinois sont défavorables

Revenons tout d’abord sur la consolidation de cette semaine, toujours en cours. Plusieurs inquiétudes ressurgissent, certaines sont réelles et d’autres participent plus à du « bruit », c’est-à-dire l’amplification de thèmes déjà connus, ou de rumeurs. On a assisté à une déception concernant la Chine, sous deux angles différents. Le premier concerne les ventes automobiles 2012, qui devraient être inférieures à la croissance attendue de 8%. Ensuite, d’après l’indice PMI calculé par HSBC pour le mois de mars, l’activité manufacturière ne reviendrait pas à la zone d’expansion de 50, mais serait de 48,1. Autre signe inquiétant, la Chine serait cette année en assez forte surcapacité de production en acier. Se trouve ainsi posée la question de la croissance en Chine sur 2012 et plus globalement de celle des émergents. Ces chiffres sont évidemment cohérents avec le ralentissement économique assez général dans le monde sur la fin de l’année dernière et sur le premier trimestre 2012. Mais ne commettons pas une erreur d’analyse, l’économie mondiale n’est pas en récession, à la différence de ce qui s’est passée en 2009 (retrait de 1,4% pour la croissance mondiale du PIB, avec -2,6% pour les USA et – 4,1% pour l’Euroland). On s’attend ainsi toujours en 2012 à une croissance mondiale de l’ordre de 3,4%, avec 2,1% aux USA et 0,2% pour l’Euroland. Bercy vient d’ailleurs ce matin de relever sa prévision de croissance 2012 à 0,7% contre 0,5% précédemment, ce qui est plutôt de bon augure. Deuxième problème important, la hausse du baril de pétrole, finalement assez cohérente avec ce qui précède. Si en effet la croissance mondiale devait entrer en récession, nous aurions alors logiquement un ajustement à la baisse du prix des matières premières et en particulier du pétrole. S’il n’en est rien, c’est soit que les anticipations des acteurs n’est pas celle-là (notre conviction), soit que le prix devient spéculatif à cause notamment de la situation iranienne. Sur cette question, une discussion privée récente avec un ancien ministre des affaires étrangères confirme que même les services secrets israéliens ne sont pas favorables à une attaque de l’Iran, donc on évitera d’intégrer ce scénario du pire. Enfin, le « bruit » a concerné l’Espagne. Les économistes américains, à la recherche d’une nouvelle proie, pour faire fructifier quelques opérations spéculatives, viennent de découvrir que ce pays « n’a jamais été autant en risques et qu’un basculement du mauvais côté du spectre s’est opéré ». Le gouvernement espagnol a la semaine dernière réalisé la prouesse d’annoncer qu’il était d’accord avec le nouveau traité européen, instaurant le retour à l’équilibre budgétaire, tout en affirmant immédiatement après qu’il ne serait pas en mesure de respecter ce traité. Ce traité ne serait-il pas à revoir ?

 

Le marché commence à craindre la situation financière espagnole

Il n’y a rien de nouveau sur le cas espagnol puisque l’on sait depuis longtemps que l’objectif du déficit budgétaire à 4,4% du PIB ne sera pas atteint cette année en raison de la forte récession. On s’attend à une baisse du PIB de 1,5% contre une croissance prévue à +2,5% lorsque le programme d’ajustement avait été réalisé, d’où la négociation de l’Espagne pour demander un allongement du délai pour atteindre les objectifs. Même si cette situation est connue, le marché pourrait néanmoins s’appuyer par exemple sur un prochain abaissement de la note de la dette espagnole pour se faire à nouveau peur. C’est pour cette raison que l’Europe doit agir par anticipation. Deux mesures sont désormais nécessaires afin de rassurer les marchés. Selon le Financial Times, d’après une note de la Commission Européenne, la taille des pare-feux, qui est toujours en discussion, devrait être portée rapidement à 940 Md€ (FESF-MES). Enfin, sur la pression américaine et aussi par la volonté de certains Etats européens, il faudra ajouter prochainement un volet croissance au traité. T. Geithner s’est ainsi inquiété des mesures d’austérité prises par l’Europe qui conduiraient à la faire entrer en récession, rendant alors impossible la réduction des dettes (cercle vicieux). On doit bien comprendre qu’il s’agit aussi de l’intérêt américain (pour pouvoir recréer des emplois), car leur croissance ne saurait résister à une réduction de celle des émergents et à une entrée en récession de l’Europe.

 

Abondance des liquidités et diminution de l’aversion aux risques

Pour terminer, revenons sur une problématique importante qui est celle de la dynamique des flux financiers au sein des différents marchés. Les raisons de la hausse des marchés d’actions sur ce trimestre tiennent au fait que la liquidité mondiale a beaucoup progressé (créations monétaires des banques centrales, hausse des pétro-dollars, excédents financiers des émergents, .. ) et que l’aversion aux risques a diminué (reprise de la croissance US, solutions apportées à la crise de la zone euro, récession évitée –au moins pour l’instant-, ….). Ceci n’a pas encore totalement profité aux marchés des actions, les souscriptions sur les fonds actions sont toujours faibles alors que c’est la classe d’actifs « credit corporate » qui a bénéficié de nouvelles allocations. Toutefois, les spreads se sont considérablement réduits, (on a pratiquement perdu 100 points de base en deux mois), ce qui va rendre ce placement, certes assez sécurisant, mais moins rémunérateur (bonne chance aux derniers arrivants sur ce marché avec des fonds datés !). Ainsi la question intéressante est celle de savoir à quel moment les investisseurs institutionnels vont considérer que l’achat de dettes corporate n’est plus aussi attractif que l’achat d’actions ? Nous pensons que nous ne sommes pas loin de cette analyse, confirmée par les mouvements de flux récents. Ainsi d’après le stratégiste actions de BofA Merrill Lynch, nous allons bientôt assister à une forte rotation des « bonds » vers les « Equities ». Un potentiel important existe : depuis 2008, la collecte des fonds obligataires aux Etats-Unis a totalisé 480 Md$ contre 48 Md$ de décollecte sur les fonds actions. Cette tendance s’améliore au cours de la dernière semaine qui a vu pour la première fois depuis un an une collecte de près de 10Md$ sur les actions, avec une rotation de la thématique « demande dans les pays émergents » vers la « demande domestique US ». Historiquement, une rotation majeure en faveur des actions va de pair avec une remontée des taux longs et c’est ce qui vient de se passer.

 

Toute baisse doit être mise à profit pour sensibiliser les portefeuilles aux actions.

En conclusion, on ne peut totalement négliger l’hypothèse que les indices actions aillent plus haut, voire même beaucoup plus haut dans un marché en manque d’actifs susceptibles de délivrer des rendements supérieurs à une inflation plus élevée. Si le mouvement de baisse devait s’accentuer, cf 3% de baisse supplémentaire, alors il faudra faire à nouveau confiance aux actions, tout en étant très attentif à la situation économique et politique de la zone euro car les hirondelles ne font pas toujours le printemps, …. .

 

 

 

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