La semaine dernière, nous posions la question : « le sell off a-t-il eu lieu ? ».

Certes timidement, la réponse apportée était positive, considérant que le marché se faisait peur en jouant la politique du pire. Les événements actuels nous donnent tort. Bien gérer consiste à faire preuve d’anticipation.

Intégrer différents scénarii macro-économiques, analyser le comportement des entreprises, détecter les gagnants et les perdants de demain, et en déduire une allocation d’actifs sont notre lot quotidien. Depuis trois ans, l’ensemble des « métiers » financiers a toutefois perdu beaucoup de ses repères. Les anciennes recettes classiques ne s’appliquent pratiquement plus, la rationalité des marchés est de moins en moins perceptible (au moins sur le court terme) et les stratégies gagnantes d’hier sont perdantes aujourd’hui et vice-versa.

Dans ce contexte, peu de gérants parviennent à maintenir une régularité de leurs performances. Une des raisons tient à ce que la mondialisation financière complexifie les vecteurs directeurs du marché et la vitesse de l’information amplifie la réactivité des intervenants. Nous tirons deux leçons immédiates de ces nouveaux comportements, d’abord la nécessaire humilité, humilité du gérant vis-à-vis des clients professionnels, humilité des clients professionnels vers les clients finaux. On touche à l’éthique et la situation qui prévaut renvoie aussi à un besoin de régulation. Ethique et régulation permettront de recréer une confiance durable entre l’investisseur et les marchés financiers. Enfin, l’information est primordiale, expliquer ses choix, analyser les erreurs éventuelles, expliquer les stratégies mises en place occupent désormais une place importante dans notre métier.

Pourquoi ouvrir ce débat et cette réflexion aujourd’hui ?

Car ni l’entreprise (sujet observé), ni l’analyste (l’observateur), ni le gérant (le preneur de décision), ni le conseiller financier ne peuvent être comptables de tout. On peut difficilement continuer à faire notre métier de façon professionnelle avec un environnement aussi irresponsable. Ceci motive notre indignation. Irresponsabilités politiques. Ce qui se passe aux Etats-Unis n’est pas acceptable aux yeux du reste du monde. Nous assistons sans rien dire à une prise d’otage. La bataille entre républicains et démocrates est en passe de mettre en péril la stabilité financière mondiale sans réaction (alors qu’Obama n’a pas manqué de s’immiscer dans les questions européennes comme si le cas grec était plus important que les US !).

On ne peut imaginer que demain, les Etats-Unis aient une notation dégradée, les répercussions pour tous les détenteurs de dettes, et donc pour la Chine seraient graves. Ceci devrait logiquement entraîner une baisse du dollar et un renforcement de l’euro, peu favorable aussi à nos entreprises. Imaginer un non-accord revient à penser que les considérations politiques nationales l’emporteraient sur des enjeux mondiaux.

La Maison-Blanche estime qu’un compromis reste possible mais ce scénario est jugé de moins en moins crédible par les marchés. Pour la première fois, le porte-parole d’Obama a indiqué que le Trésor préparait l’adaptation du fonctionnement de l’Etat après le 2 août si aucun accord n’était trouvé. Récemment, une forte hausse du CDS à 1 an était observée sur la dette souveraine US. Désormais, le CDS à 5 ans accélère aussi sa progression, signe que la nervosité s’accroît. Même si les républicains et les démocrates parviennent à s’entendre, les agences de notation ne vont pas se satisfaire d’un projet de coupes budgétaires insuffisant. S&P réclame plus de 4000 Md$ de baisses des dépenses, un objectif qui est loin d’être acquis.
L’autre irresponsabilité politique vient de l’ Allemagne, avec des discours pour le moins ambigüs des politiques allemands sur la crise souveraine européenne.

D’autres informations économiques sont venues aggraver la situation.

Les commandes de biens durables aux Etats-Unis ont été publiées en recul de 2,1% alors que le consensus attendait une hausse de 0,3% en juillet. Quant au Beige Book, il a entrainé une accélération de la baisse des indices. L’activité économique continue à croitre mais 8 districts sur 12 notent un ralentissement depuis le dernier rapport. Au-delà de ces facteurs connus, mais qui continuent à perturber les marchés, nous sommes peut-être en train de vivre un retournement de conjoncture. Après les banques, c’est maintenant au tour des valeurs cycliques d’être attaquées. Aujourd’hui, 230 sociétés cotées publient leurs résultats en Europe. Une concentration qui a pour effet de sanctionner lourdement certains titres, parfois sans discernement, dans un contexte où le sentiment de marché était déjà dégradé. Les plus grosses chutes parmi les grandes valeurs européennes sont sur Vallourec, SBM Offshore et Finmeccanica, avec un recul moyen de 15%. Jusqu’à présent, les craintes étaient concentrées sur la macro et sur la thématique des dettes souveraines. Désormais, les opérateurs sanctionnent les titres qui ratent le consensus, parfois sans vraie raison et alors même que les actions ne s’échangent pas à des niveaux de valorisation très élevés. La défiance des investisseurs concerne donc aussi la micro. Implicitement, avec des variations très importantes des cours à la baisse, le marché anticipe une rechute économique au T3 et au T4, un peu comme en 2008. Si certaines baisses sont justifiées, ce n’est pas le cas de l’ensemble. Par exemple, la baisse de Cap Gemini correspondrait plutôt à une sur-réaction puisque globalement les chiffres publiés sont en ligne et les objectifs annuels sont maintenus. A l’inverse, il existe quelques bonnes nouvelles avec Thales qui progresse d’environ 5% sur la base de la confirmation de marges opérationnelles très favorables, comme Safran, +4%.

En conclusion,

Nous nous indignons car une bonne partie des désagréments connus aujourd’hui résultent de fautes de communication (politique américaine, allemande, erreurs de guidance de résultats pour certaines entreprises). Cette volatilité aurait donc pu être évitée, au moins en partie. La situation reste compliquée car depuis plus d’un an, ce qui tenait le marché a toujours été la qualité des profits des entreprises. La publication du T2 renvoie à une autre lecture et le marché, très nerveux, en accentue les effets.

Que faire ? A court terme, nous pensons tout de même à un accord sur le plafond de la dette US. Les marchés devraient alors rebondir la semaine prochaine, ce sera probablement l’occasion de reprendre des positions plus défensives en attendant une clarification de la situation micro et macro-économique.