Depuis quelques semaines, deux ou trois mois, on entend régulièrement que les taux d’intérêt vont baisser dans les prochains mois.

  • Une baisse des taux des crédits immobiliers qui relancerait la dynamique du marché immobilier ;
  • Une baisse des taux d’intérêt qui permettrait d’encaisser facilement des plus-values sur les investissements obligataires ; …
  • Une baisse des taux d’intérêt qui nous permettrait de retrouver le monde d’avant, le monde des taux négatifs, un monde hérétique duquel nous sommes sortis grâce au talent des banques centrales.

Il faut se rendre compte de l’exploit des banques centrales : Nous sommes sortis des taux négatifs sans dégât ou presque. C’est là un exploit qui était encore inespéré en 2019.

Oui, il faut le dire : Les taux négatifs, ce n’est pas la vraie vie. Les taux négatifs, c’est une hérésie. Les taux négatifs ont été une erreur historique, probablement nécessaire faute d’autres outils, mais une erreur dans laquelle les banques centrales ne tomberont plus.

Demain, les banques centrales inventeront de nouveaux outils pour relancer l’activité (cf. « À l’aube d’une révolution monétaire qui sera expérimentée lors de la prochaine crise« ).

Quel est le niveau théorique des taux d’intérêt ?

Le niveau théorique des taux d’emprunt de l’État français.

Les taux d’intérêt sans risque, c’est-à-dire de manière excessivement simplifiée le taux d’emprunt de l’État, devrait être proche du taux de croissance nominal de l’économie.

Taux d’emprunt de l’état = PIB + Inflation = PIB Nominal.

Les politiques monétaires excessives depuis 2012, nous ont fait perdre de vue cette théorie pourtant incontestable.

Entre un taux d’inflation cible autour de 2% et une croissance potentielle autour de 1%, le taux d’emprunt de long terme de l’état devrait être autour de 3%.

Au moment où je rédige ces lignes, l’OAT 10 ans est autour de 2.82%. Nous y sommes. Les taux actuels semblent cohérents par rapport à la dynamique de long terme de l’économie.

Demain, le regain d’inflation ou une croissance économique plus forte pourraient avoir pour conséquence d’augmenter ce taux sans risque.

Au contraire, le retour de la déflation et une crise économique auraient pour conséquence une baisse des taux d’emprunt sans risque.

Simple & intuitif.

Anticiper une baisse des taux d’emprunt de l’État français, c’est anticiper l’effondrement de l’inflation et une récession économique. Ce n’est pas souhaitable et surtout, une baisse des taux qui ne pourrait pas être favorable à la valorisation de votre patrimoine.

La baisse des taux, c’est la récession, la déflation. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la croissance et donc la valorisation de votre patrimoine.

Au contraire, la valorisation de votre patrimoine sera meilleure si les taux sont plus élevés. Votre patrimoine repose sur la croissance économique. Plus la croissance économique est forte, plus votre patrimoine se valorisera. Plus la croissance économique est forte, plus les taux d’intérêt sont élevés.

Nous sortons d’une drôle de période qui nous laissait croire que les patrimoines se valorisaient (immobilier, bourse) avec la faiblesse des taux d’intérêt. Ce n’était qu’une illusion liée à une politique monétaire excessivement accommodante qui ont poussé les taux à des niveaux excessivement faibles.

Il est illusoire de croire que nous retrouverons cette situation ubuesque.

Il faut revenir aux fondamentaux : Votre patrimoine augmentera si la croissance économique est forte… La baisse des taux d’intérêt à cause d’une dégradation de l’économie ne serait vraiment pas une bonne nouvelle.

Le niveau théorique des taux d’emprunt des entreprises.

Une entreprise qui émet une obligation, emprunte de l’argent auprès des épargnants (intermédiés par les investisseurs institutionnels).

Des investisseurs institutionnels qui acceptent de prêter de l’argent aux entreprises après prise en compte du risque de non-remboursement de ladite dette. On parle alors de prime de risque.

Taux d’emprunt des entreprises sur le marché obligataire = Taux sans risque (taux d’emprunt des états) + prime de risque.

Toutes les entreprises sont notées en fonction du risque spécifique de l’entreprise. Plus le risque est élevé, plus la prime de risque doit être importante.

Ainsi, en période de récession économique, la prime de risque doit augmenter, car le risque de non-remboursement augmente.

Voici le taux d’emprunt des entreprises en fonction de leur niveau de risque.

Assez logiquement, les entreprises les plus sûres (AAA) obtiennent un taux d’emprunt assez proche de celui d’un état.

On remarquera qu’en réalité, les taux d’emprunt des entreprises « Investment Grade » ne sont pas très élevés au regard du niveau du taux sans risque. La prime de risque n’est pas très élevée (à mon humble avis).

Pour obtenir un rendement attrayant, il faut envisager des obligations « high yield », c’est-à-dire prêter de l’argent à des entreprises plus fragiles. Des entreprises qui pourraient avoir des difficultés si l’économie devait traverser une période plus complexe.

Le niveau théorique des taux de crédit immobilier.

De manière empirique, sans que le lien soit pourtant direct, il est de coutume de constater que le taux de crédit immobilier sur 20 ans soit de 1 % supérieur au taux d’emprunt sans risque.

Taux théorique d’un crédit immobilier sur 20 ans = taux d’emprunt de l’état + 1%

Cela signifie qu’avec un taux d’emprunt de l’État français autour de 3%, le taux de crédit immobilier théorique / 20 ans devrait être autour de 4%.

Nous y sommes. Il ne faut pas anticiper une forte baisse des taux de crédit immobilier dans les prochains mois, sauf si l’économie devait s’écrouler (ce qui ne serait pas une bonne nouvelle pour le marché immobilier, car les revenus des emprunteurs baisseraient avec une éventuelle crise – Une récession n’est jamais favorable à la dynamique du marché immobilier).

On ne peut se réjouir d’une éventuelle baisse des taux pour relancer le marché immobilier. Cela ne fonctionne pas comme ça. Une baisse des taux est défavorable pour le marché immobilier tant elle est le signe d’une économie faible, d’un pouvoir d’achat en berne, d’un taux de chômage en hausse…

Quelle évolution des taux d’intérêt des livrets et autres placements bancaires ?

Il faut faire la différence entre les taux long terme et les taux court terme.

Les taux long terme, ce sont les taux de crédit immobilier, les taux obligataires ou encore les taux d’emprunt des états. Des taux long terme qui sont fixés par les marchés. Ce n’est pas la banque centrale qui fixe les taux long terme.

Les taux court terme sont fixés par la banque centrale. Les taux court terme, ce sont les taux des livret, des CAT, des sicav monétaires. Des taux qui sont directement pilotés par la banque centrale.

Lorsque l’activité économique faiblit, la banque centrale baisse les taux court terme pour relancer la production de crédit (via une baisse du coût de la ressource pour les banques – Ce sont les banques commerciales qui créent la monnaie via les crédits).

Aujourd’hui, le taux court terme de la banque centrale européenne est de 3.90%. C’est là un taux très élevé qui vise à ralentir l’économie après des années post-covid euphorique.

Un taux court terme supérieur au taux long terme. C’est typique des moments pendant lesquels la banque centrale cherche à freiner l’activité économique.

Demain, lorsque les excès post-covid seront purgés, la banque centrale devrait chercher à baisser les taux court terme (ce devrait être le cas dans les prochains mois).

Le taux des livrets, des sicav monétaires et des CAT devraient alors baisser. Pour autant, l’impact sur les taux long terme n’est pas direct.

Ce n’est pas parce que la banque centrale baisse les taux court terme que les taux long terme baissent. Il est important de bien faire cette distinction.

Conclusion :

  • Oui, les taux court terme pourraient baisser, entraînant à la baisse le taux des livrets, CAT et autres SICAV monétaires ; La banque centrale européenne pourrait baisser les taux court terme dès lors que les excès post Covid seront purgés. Nous y sommes. C’est une question de semaine/mois.
  • Non, les taux long terme pourraient ne pas baisser. Le niveau actuel des taux long terme semble en accord avec la dynamique économique et la croissance nominale de l’économie. Les taux pourraient même augmenter si l’inflation et la croissance économique devait se renforcer.
  • Des taux de crédit immobilier autour de 3.50% / 4% semble assez cohérent au regard de la dynamique économique. Il est illusoire d’attendre une forte baisse de ce côté là.