L’édito hebdomadaire (provocateur ?) de Julien Bonnetouche, notre lecteur passionné des questions patrimoniales

Il n’y a pas suffisamment de logements pour tout le monde en France, et les permis de construire sont en stagnation depuis des années (autour de 500.000/an, en baisse cette année, ce qui ne veut pas exactement dire 500.000 nouveaux logements occupés, puisque permis ne signifie pas logement construit et habité, et il y a aussi ceux que l’on détruit).

Mais la demande de logements, elle, progresse régulièrement, et surtout dans les zones urbanisées, de la région parisienne, du couloir rhodanien, de la côte méditerranéenne, de la côte atlantique, et quelques grandes métropoles.

Cette demande progresse, parce que les enfants s’émancipent, les couples divorcent, les familles se recomposent, et même les personnes isolées souhaitent des appartements plus grands pour accueillir leurs proches, enfants et petits enfants.

Sans compter l’immigration légale et illégale qu’il faut bien loger, elle aussi en progression constante.

Il y a tout de même des logements vides dans notre pays, (environ 1 à 1,5 millions) mais pour l’essentiel dans des régions où peu de gens veulent aller, parce qu’il n’y a pas grand-chose à faire, le grand est, le centre du pays, dans la fameuse «diagonale du vide» du sud ouest au nord est, régions dans lesquelles se concentrent les personnes âgées puisque les jeunes ne veulent pas y vivre.

Les jeunes ayant eux-mêmes des enfants, (pas les vieux) cela contribue à aggraver le déséquilibre des zones urbaines.

Un certain nombre de jeunes ont quitté Paris et les zones urbaines denses de la région parisienne, au moment, ou après le confinement, assez peu en s’éloignant tout en conservant leur travail (on le voit au nombre d’abonnements TGV qui reste dérisoire (approximativement 6000) mais, plutôt pour aller vivre dans une de ces zones recherchées ; les banlieues proches et aérées d’abord où l’on peut encore trouver des maisons avec jardin dont les prix ont explosé, et puis celles dont je parle plus haut en province, reportant là-bas les problèmes de logement qu’ils avaient à Paris et alentours.

Car ailleurs, tout comme en région parisienne, on construit peu.

L’explication est simple : les maires ne veulent pas, parce que leurs électeurs ne veulent pas de «tour en face de chez eux».

Un maire qui construit est un maire qui perd son mandat à l’élection suivante.

Et puis, qui dit nouvel apport de population dit aussi infrastructures et services communaux nouveaux qui vont avec, (écoles, crèches …), qui coûtent de l’argent, argent que personne n’a plus comme nous le savons ici sur leblogpatrimoine !! surtout depuis la suppression de la taxe d’habitation.

Et, bien sûr aussi, le foncier coûte cher, et plus cher encore, dans les régions urbanisées.

La seule solution serait par conséquent d’augmenter la hauteur des immeubles à construire, alors que justement dans ces zones à forte densité d’habitants, la hauteur est limitée la plupart du temps à 3 ou 4 étages comme en région parisienne, (pour plaire aux électeurs et rendre le paysage urbain rassurant) alors que déjà sous Haussmann, on construisait à 6 ou 7 étages.

On se rappelle des idées un peu provocatrices de Mme la Maire de Paris autorisant l’élévation des immeubles existants (haussmanniens peut-être ?) ou du collègue à l’ENA de notre président, Gaspar Gantzer, ex-candidat éphémère à la présidence de la république préconisant la fermeture du Bd Périphérique et son remplacement par un ensemble harmonieux de tours !!

Sur le fond, ils n’ont pas tort !!

Ce genre de politique urbanistique serait sûrement de nature à améliorer la crise du logement dans notre pays.

Mais bien évidemment, tout cela n’aura pas lieu, et pour faciliter l’accès aux logements urbains des populations à revenus modérés, on préfère contraindre ceux que l’on peut facilement «montrer du doigt» c’est-à-dire les propriétaires, avec l’interdiction de fait d’Airbnb, l’encadrement les loyers, et la mise aux normes DPE anti-gaspi énergie, aux frais des bailleurs évidemment, afin de faire baisser les charges des locataires entre autres objectifs.

Il est à noter par ailleurs que l’effet réduction du «bilan carbone» espéré de cette rénovation énergétique reste à démontrer à long terme, les habitants ayant tout de suite tendance à remonter le thermostat à 21° pour le même coût, plutôt que de rester à 19°.

Mais si l’on revient un instant sur le rôle de l’État en face du problème de la sous-dotation du logement en France, la priorité devrait logiquement s’exercer de la manière suivante et dans cet ordre :

-Loger les gens d’abord.

-Les loger décemment ensuite.

-Les loger écologiquement enfin.

Or dans les hautes sphères, on n’entend personne s’étonner que l’on ait inversé l’ordre des priorités !!

De la même manière, personne ne s’étonne qu’un compte rendu de diagnostic technique à 150€ puisse avoir une incidence décisionnelle directe sur les travaux qui peuvent coûter des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros, ou qui ne seraient tout simplement pas faisables au regard de la nature de l’immeuble (haussmannien..) où d’une copropriété conflictuelle.

En tout cas, l’effet obtenu dans l’immédiat, n’est pas exactement celui souhaité, comme nous le verrons plus bas, et comme il arrive souvent pour les mesures politiques ou réglementaires qui viennent d’en haut.

Le problème est quasiment le même partout dans le monde urbanisé, et dans les pays où les propriétaires sont encore libres de fixer les loyers comme aux USA on note une augmentation phénoménale des prix des loyers, de l’ordre de 25 % depuis 2 ans.

Dans notre pays, les propriétaires, eux, restent matraqués de tous les côtés, (charges, fiscalité à tous niveaux ;voir la récente et pertinente conférence-vidéo de Guillaume sur la location meublée de vendredi dernier – « Location meublée : Comprendre et analyser le bilan comptable et compte de résultat ».), l’impossibilité de faire partir, dans des délais normaux, un locataire qui ne paye pas son loyer, (alors qu’il faut quand même déclarer le loyer non payé !!) encadrement, DPE, enfin tout ce que nous savons sur ce sujet tant il est difficile d’être exhaustif !!

Le résultat étant qu’on observe une baisse nette de l’offre locative.

Déjà en septembre dernier PAP signalait une demande globale augmentée de 10 % versus 2019 ( on met de côté la période covid) avec une offre en baisse de 5 %

Mais à Paris, depuis quelques mois, c’est -10% à -30% de logements proposés à la location selon les mois, alors que la demande, elle, a augmenté de 15 %. (source Book a flat)

Ça « coince » forcément.

Les loyers se tendent bien évidemment malgré l’encadrement, ou bien les propriétaires renoncent.

Les agences immobilières prospectent énergiquement, et proposent pour certaines d’entre elles, un repas pour 2 offerts dans un restaurant de qualité, et même une prime allant jusqu’à 500€ pour qui les tuyautera sur un appartement à louer (parent amis…). Les candidats locataires également sont à la peine.

Nul doute que devant un tel cataclysme social annoncé, l’État saura comme à l’accoutumé, dans sa grande sagesse, prendre les mesures nécessaires, aussi opportunes que judicieuses…