Le démembrement de la propriété immobilière entre l’usufruit et la nue propriété est une situation extrêmement courante. Que le démembrement soit subi (suite à un décès) ou voulu (suite à une donation avec réserve d’usufruit), les règles et les droits et les devoirs de l’usufruitier et du nu propriétaire sont identiques.
Au travers de cet article, nous allons essayer de vous décrire des schémas d’optimisation des règles du démembrement de propriété.
 

Rappel, qu’est ce que l’usufruit et la nue propriété d’un immeuble.

Comme nous l’avions déjà présenté dans cet article « Usufruit, Nue propriété, Quasi-usufruit : Définition, droits et obligations.« , le démembrement de propriété est un partage de la propriété dans le temps entre l’usufruitier et le nu propriétaire .
L’usufruitier pourra librement profiter de son bien immédiatement et durant toute sa vie. Le nue propriétaire, dispose lui d’une jouissance différée, puisqu’il devra attendre le décès de l’usufruitier pour jouir du bien.
Ce partage de la propriété dans le temps, impliquer des droits et des obligations assez simple à comprendre.
L’usufruitier possède un droit de jouissance sur l’immeuble, il pourra le louer, l’occuper, le conserver libre… mais il devra néanmoins le conserver en l’état afin d’assurer le transfert de la jouissance au nu propriétaire à son décès. Le démembrement de propriété étant un partage dans le temps, le premier (usufruitier) à pouvoir jouir du bien devra le conserver en l’état afin d’assurer la jouissance du second (nu propriétaire).
Conserver le bien immobilier en l’état, signifie que l’usufruitier devra l’entretenir et en conserver la substance. L’usufruitier ne pourra pas le vendre ou en modifier l’usage. S’il s’agit d’un immeuble d’habitation ou un logement, l’usufruitier ne pourra pas en modifier l’usage en le transformant en local commercial.
Le nu-propriétaire devra lui « attendre » le décès de l’usufruitier pour pouvoir en profiter et disposer librement de l’immeuble.
 
Pour ceux d’entre vous davantage attachés aux strictes définitions juridiques, voici quelques extraits du code civil :

Article 578 : L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.
Article 579  : L’usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de l’homme.
Article 580  : L’usufruit peut être établi, ou purement, ou à certain jour, ou à condition.

 Article 581 : Il peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles.
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Qui paye les travaux sur l’immeuble démembré ?

En ce qui concerne le paiement des travaux, la logique de la description ci dessus doit être appliquée.
L’article 605 du code civil précise :

L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien.
 Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu.

 
Assez logiquement, c’est l’usufruitier qui doit réaliser l’entretien de l’immeuble. Dans le cadre du partage de la propriété de l’immeuble dans le temps, l’usufruitier doit assurer que le nu propriétaire pourra jouir de l’immeuble dans des conditions proches de l’état de l’immeuble à l’ouverture du démembrement de propriété. C’est le minimum pour assurer la qualité du démembrement.
C’est l’article 606 du code civil qui permet de comprendre encore mieux « qui paye les travaux ? » :

Article 606 du code civil :
Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.
 Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
 Toutes les autres réparations sont d’entretien.

 
Ainsi, et de manière très simple, l’usufruitier doit payer l’ensemble des travaux à l’exception des grosses réparations (murs porteurs et poutres, rétablissement des poutres et charpentes et couvertures et des murs de soutènement et des clôtures). Tout le reste, doit être à la charge de l’usufruitier.
Néanmoins, ni le nu  propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. Les travaux doivent être engagés pour maintenir les lieux en l’état, mais en aucun cas pour l’amélioration ou la rénovation complète de l’immeuble. La rénovation de l’immeuble n’est pas une charge imposée à l’usufruitier, ni au nu propriétaire.
 
 

Qui doit payer les travaux d’un immeuble « délabré » et « non habitable » ?

L’article 607 du code civil précise (et heureusement pour le pauvre usufruitier) que « Ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. » Cela signifie que la rénovation d’un immeuble tombé en ruine ne peut être imposée, ni à l’usufruitier, ni au nu propriétaire.
Néanmoins, si l’usufruit est le droit de jouir de l’immeuble (l’occuper, le louer, …), à quoi correspond le droit de jouir d’un immeuble en ruine ?
L’usufruitier ne pourrait t’il pas engager les travaux de rénovation pour jouir de l’immeuble ? L’usufruitier ne pourrait il pas faire et payer seul les travaux de rénovation ?
La réponse est « OUI ». L’usufruitier à l’obligation de maintenir en état un immeuble (afin d’en assurer la substance et la transmission au nu propriétaire) mais il peut, sans rendre de compte, engager des travaux de rénovation d’un immeuble délabré. C’est la manière pour lui de jouir de son usufruit.
Et là c’est l’article 599 du code civil qui vient à notre secours:

Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l’usufruitier.

 De son côté, l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée.

Il peut cependant, ou ses héritiers, enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état.

 
Si l’usufruitier veut engager des travaux de rénovation de l’immeuble pour améliorer la jouissance qu’il en aura, nul ne peut l’empêcher et l’usufruitier ne pourra pas réclamer d’indemnité aux nus propriétaires.
Donc les travaux de rénovation seront à la charges de l’usufruitier qui améliore ainsi sa jouissance de l’immeuble. Le nu propriétaire profitera pleinement de cette rénovation, sans coût, ni impôt au décès de l’usufruitier. Cette amélioration de jouissance ne sera pas taxable au titre des droits de succession.

 
 

Quid du terrain constructible ou terrain à bâtir démembré : Qui paye la construction de la maison ?

Toujours dans la même réflexion, la question se pose pour les immeubles bâtis par l’usufruitier (c’est l’usufruitier qui paye la construction de la maison) sur un terrain démembré dont l’usufruit appartient à l’un et la nue propriété à l’autre.
La réponse est la même : l’usufruitier peut engager seul les travaux de construction. Construire une maison n’est ce pas seule manière de jouir d’un terrain constructible ?
L’usufruit est le droit de jouir de la chose démembrée et nul peut l’empêcher d’en jouir à charge d’en conserver la jouissance pour le nu propriétaire.
Les travaux de construction de l’immeuble pourront donc être payé par l’usufruitier. Le nu propriétaire n’aura aucun droit de succession à payer au décès de l’usufruitier et aucune indemnité pour amélioration ne pourra être réclamée par l’usufruitier en vertu de l’article 599 ou 555 du code civil.