Simple partage de frais entre particuliers, activité rémunérée permettant un enrichissement de l’acteur de l’économie collaborative… la question du traitement fiscal de l’économie collaborative n’est pas limpide dans le code général des impôts.
Dans le prolongement de notre article « AirBNB, Blaclacar, Leboncoin : Les revenus sont ils imposables à l’impôt sur le revenu ? » et notre lecture littérale des articles 12 et 13 du code général des impôts, l’administration fiscale vient d’apporter des précisions très importantes pour vous acteur de l’économie collaborative avec les blablacar, air BNB et autre Leboncoin.
Pour mémoire les articles 12 et 13 du code général des impôts précisent :

 – Article 12 du code général des impôts : L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année.
Article 13 du code général des impôts : Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’ excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et la conservation du revenu.

– Extrait de la doctrine fiscale sur la notion de revenu imposable : On entend en principe par revenu tous les produits qui se renouvellent ou sont susceptibles de se renouveler quel que soit leur montant. Ainsi, la circonstance qu’une rémunération est exagérée n’est pas de nature à lui donner le caractère d’une libéralité non imposable. La fraction excédant la rétribution normale des fonctions exercées constitue aussi un revenu au sens de l’article 156 du code général des impôts (CGI) (CE, arrêt du 6 mars 1974, n° 88043)

L’administration fiscale admet que les revenus tirés de la co-consommation d’un bien ou d’un service et le partage de frais soient exonérés d’impôt sur le revenu.

La modification de la doctrine fiscale afin de tenir compte de ces nouvelles normes de consommation collaborative confirme le principe d’une imposition des revenus de l’économie collaborative sauf lorsqu’il s’agit d’un simple partage de frais qui n’entraîne pas un enrichissement du contribuable.
Ainsi, comme nous l’exprimions dans notre article « AirBNB, Blaclacar, Leboncoin : Les revenus sont ils imposables à l’impôt sur le revenu ? » :

« Dans la mesure ou le montant des revenus n’est pas supérieur au montant des frais engagé, il n’y a pas de bénéfice et l’assiette de l’impôt est donc nulle. L’impôt doit être payé sur le montant des bénéfices réalisés, à défaut de bénéfices, il n’y a donc pas d’imposition. » 

 
L’administration fiscale fait alors la différence entre les revenus tirés de l’activité de l’économie collaborative qui ne sont que des « partage de frais » et de la co-consommation d’un produit ou d’un service et les revenus de l’économie collaborative qui ont pour objectif un enrichissement (même modeste) du contribuable.
 

Définition de la co-consommation ou du partage de frais.

Pour l’administration fiscale, la notion de co-consommation ou de partage de frais permettant de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu, c’est :
 

Une prestation de service dont bénéficie également le particulier qui la propose, et non pas seulement les personnes avec lesquelles les frais sont répartis.

Nous faisons ici la différence entre Uber (trajet avec chauffeur rémunéré pour transporter les personnes) et Blablacar (proposition de transport de personnes à l’occasion d’un déplacement réalisé par le conducteur). C’est ainsi que les revenus qui sont perçus par des personnes morales, ni les revenus qui sont perçus par des personnes physiques dans le cadre de leur entreprise ou en lien direct avec leur activité professionnelle ne sont pas considérés comme relevant de la co-consommation et de l’exonération de l’impôt sur le revenu. 

Nous comprenons assez facilement l’application d’une telle définition pour blablacar qui permet de partager un voyage, mais qu’en est il pour airbnb, lorsqu’un particulier loue une partie de sa maison. Ne pourrions nous pas considérer qu’il s’agit là d’une co-consommation d’une habitation ?

La location d’une maison ou d’une partie séparée de la maison ne pourrait être considérée comme de la co-consommation puisqu’il s’agit de louer un bien dissociable dans l’espace et le temps, mais la co-habitation temporaire rendue possible par la location d’une partie indissociable de sa maison ne pourrait elle pas répondre à cette définition de la co-consommation et bénéficier de l’exonération de l’impôt sur le revenu ? 

En effet, l’administration fiscale précise que les revenus tirés par un contribuable de la location d’un élément de son patrimoine personnel comme, par exemple, la location de son véhicule de tourisme ou la location, saisonnière ou non, de sa résidence principale ou secondaire ne bénéficie pas de l’exonération au titre de la co-consommation. Mais ne pourrait il pas en être autrement pour la seule location d’une chambre de sa maison ? (même si l’administration fiscale refuserait probablement cette exonération, il y a lieu de s’interroger…)

– Des revenus, perçus dans le cadre d’une « co-consommation », qui n’excèdent pas le montant des coûts directs engagés à l’occasion de la prestation objet du partage de frais, part du contribuable non comprise.

La notion de partage de frais est stricte et le revenu tiré de cette activité collaborative de co-consommation doit couvrir les frais directement engagés par le contribuable à l’exclusion :

– Des frais liés à l’acquisition,

– L’entretien ou l’utilisation personnelle du ou des bien(s), support(s) de la prestation de service partagée.

Afin de simplifier les calculs, il est possible d’utiliser le barème kilométrique proposé par l’administration fiscale.

Puissance administrative Jusqu’à 5 000 km De 5001 à 20 000 km Au delà de 20 000 km
3CV et moins d x 0,41 (d x 0,245) + 824 d x 0,286
4 CV d x 0,493 (d x 0,277) + 1 082 d x 0,332
5 CV d x 0,543 (d x 0,305) + 1 188 d x 0,364
6 CV d x 0,568 (d x 0,32) + 1 244 d x 0,382
7 CV et plus d x 0,595 (d x 0,337) + 1 288 d x 0,401

Lorsque le revenu réalisé excède le montant du partage de frais, il est imposable au premier euro.

Exemple : Un particulier habitant en région parisienne se rend tous les week-ends dans sa résidence secondaire située à Rennes. Sur une plate-forme spécialisée dans le covoiturage entre particuliers, il propose ce trajet dans la limite de 2 places disponibles. La puissance fiscale du véhicule de tourisme est de 6 CV. Le carburant utilisé est du super sans plomb :

– nombre de kilomètres parcourus par trajet : 360 km ;

– frais de péage inhérents au trajet : 29 € ;

– barème forfaitaire pour un véhicule de 6 CV: 0,568 € / km ;

– évaluation forfaitaire du trajet : 360 x 0,568  =   204,48 € ;

– nombre de places disponibles : 2.

Si le contribuable souhaite recourir au barème kilométrique, le coût du trajet par personne s’élève à 204,48 / 3 = 68 € .

Si le prix proposé sur la plate-forme n’excède pas 68 € par personne, le revenu ainsi réalisé est exonéré.