Trop souvent, de nombreux professionnels du conseil en droit patrimonial de la famille et principalement les notaires réduisent la question de la protection du conjoint survivant à l’adoption de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant.

Il s’agit effectivement de la mesure la plus efficace, mais faut-il toujours sortir « l’artillerie lourde », n’est-il pas possible d’envisager des aménagements matrimoniaux moins lourds et moins onéreux qu’une communauté universelle avec attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant ?

N’est-il pas possible d’envisager une meilleure protection du conjoint survivant sans pour autant « déshériter » les enfants à la première succession ?

Dans notre livre « Succession« , nous détaillons de manière exhaustive toutes ces stratégies de protection des époux et de préparation de la succession

Qu’est ce qu’ améliorer la protection du conjoint survivant ?

Ainsi, avant la mise en œuvre d’une stratégie complexe et définitive, il convient de se poser les bonnes questions. Qu’est-ce que j’entends par une meilleure protection du conjoint survivant ?
 

Assurer au conjoint la pleine propriété de la résidence principale et de la résidence secondaire ?

La loi n’est effectivement pas suffisante pour que le conjoint survivant soit le seul propriétaire de la résidence principale. Le cas échéant, vous devrez trouver une stratégie pour améliorer la protection du conjoint survivant.

La loi assure néanmoins au conjoint, l’usufruit de la résidence principale mais également un droit d’occupation viager, c’est le droit viager au logement de la famille.

Comme nous vous l’expliquons dans cet article « Usufruit, Nue propriété, Quasi-usufruit : Définition, droits et obligations« , disposer de l’usufruit de la résidence principale, c’est pouvoir y habiter, la mettre en location, faire des travaux d’entretien et de rénovation sans pouvoir en modifier la substance (ex ; les demandes de permis de construire doivent être signée par le couple usufruitier/nu propriétaire).

Sans pouvoir y déroger, disposition d’ordre public définie par les articles 763 à 766 du code civil, le conjoint successible a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier qui le garnit. Au-delà de cette première année, le conjoint dispose également d’un droit d’habitation sur la résidence principale et un droit d’usage sur le mobilier. Ce second droit n’est pas d’ordre public, il peut donc être supprimé par voie testamentaire par l’époux décédé.

Est-il nécessaire d’augmenter les droits du conjoint survivant sur la résidence principale ? Les dispositions légales ne sont-elles pas suffisantes ?
 

Assurer au conjoint la perception des revenus locatifs ?

La loi est suffisante dans un certain nombre de situations. En héritant de l’usufruit du patrimoine de l’époux décédé, le conjoint pourra librement jouir du patrimoine et donc percevoir les revenus attachés aux immeubles locatifs. Cf article « Protection du conjoint : quel héritage pour le conjoint survivant ? pour mieux comprendre les droits du conjoint dans la succession.
 

Assurer au conjoint la pleine propriété du patrimoine acquis en commun, y compris les placements, les liquidités bancaires et les contrats d’assurance vie ?

Par principe, au décès du premier des époux, le conjoint survivant ne peut pas s’approprier l’intégralité de la communauté. La communauté est partagée à 50/50 entre le conjoint survivant et l’actif de succession.

Le conjoint devra donc partager la propriété des biens communs (y compris les placements et les contrats d’assurance vie non dénoués). S’il est usufruitier de la succession, il devra partager la gestion du patrimoine avec les enfants nus-propriétaires. (cf »Succession : Que deviennent argent et placements du conjoint décédé et du couple ?)

Le conjoint survivant deviendra donc plein propriétaire de la moitié des placements, mais seulement usufruitier de l’autre moitié;

Les dispositions légales ne permettent donc pas au conjoint d’appréhender l’intégralité des actifs communs, des placements, des liquidités bancaires (PEL, LEP, CEL, Livret A …), ni même des contrats d’assurance vie.

Un aménagement devra être mis en œuvre pour atteindre cet objectif de protection et notamment concernant les contrats d’assurance vie souscrit par le survivant des époux. (cf. article ‘ Les pièges de l’assurance vie pour réduire les droits de succession et protéger le conjoint.’) pour comprendre pourquoi les contrats d’assurance vie souscrit par le conjoint survivant doivent être partagés avec les enfants et pourquoi ils devront être déclaré par le survivant lors de la déclaration de succession du premier décédé).

Néanmoins, avant d’envisager une stratégie qui aurait pour conséquence d’attribuer l’intégralité des placements au conjoint survivant, n’est il pas important de s’interroger sur ces besoins pécuniaires ?

L’usufruit sur les comptes bancaires et sur les placements ne serait il pas suffisant ?
 

La clause de préciput, pour optimiser « finement » la protection du conjoint.

A mon sens, la mise en place du régime de la communauté universelle avec attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant ne doit pas être systématique. Avant d’arriver à une telle extrême, il faut avoir épuisé l’ensemble des clauses qu’il est possible d’insérer dans un contrat de mariage.
 

La clause de préciput permet d’attribuer certains bien au conjoint survivant.

L’utilisation d’une clause de préciput est à ce titre une des clauses les plus efficaces pour assurer une protection optimale du conjoint survivant, sans pour autant déséquilibrer la transmission du patrimoine familial.
 
La clause de préciput est présentée par l’article 1515 du code civil dans ces mots :
Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens.
 

La clause de préciput permet une protection sur-mesure du conjoint survivant.

La clause de préciput permet donc au survivant des époux de se voir attribuer tel, tel ou tel bien. Contrairement à la clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant toujours présente dans les contrats de communauté universelle, la clause de préciput permet de choisir les biens que les époux veulent voir attribuer au conjoint survivant.

Là où la communauté universelle attribue l’intégralité du patrimoine au conjoint survivant, la clause de préciput permet de choisir les biens qui seront attribuer, hors succession, au survivant des époux. Il pourra par exemple être prévu une clause de préciput sur la résidence principale, afin d’assurer la pleine disposition du logement au survivant des époux (contre un seul usufruit dans le cadre d’une succession classique), sur les placements bancaires, sur les contrats d’assurance vie, …
Cette attribution sera réalisée avant l’ouverture de la succession et le patrimoine objet de la clause de préciput ne sera pas dans la déclaration de succession.

C’est seulement au décès du conjoint survivant bénéficiaire de la clause de préciput que les héritiers du conjoint survivant recevront ce patrimoine (attention, pour les couples sans enfant, ce sont les héritiers du survivant qui reçoivent le patrimoine intégré dans la clause de préciput et non les héritiers du conjoint décédé le premier).
 

Une clause de préciput pour faire échec à la réponse ministérielle CIOT.

Il pourra également être prévu une clause de préciput sur les contrats d’assurance vie afin de faire échec à la réponse ministérielle CIOT (cf. article :C’est officiel : L’assurance vie du conjoint survivant est exonérée de droit de succession pour moitié.) et assurer au conjoint survivant la pleine disposition des contrats d’assurance vie ouvert à son nom.

Comme vous le savez, la réponse ministérielle CIOT est une « bombe patrimoniale » pour ceux qui ont pour objectif de réduire les droits de succession… mais, c’est aussi un facteur de moindre protection pour le conjoint survivant puisque les contrats d’assurance-vie souscrit par le conjoint survivant devront être partagés avec les enfants, héritiers (cf. « La réponse ministérielle CIOT : Une bombe patrimoniale qui permet de réduire les droits de succession, mais …« )

Une réponse ministérielle CIOT que nous analysons de manière exhaustive dans notre livre « Assurance-vie et gestion de patrimoine« 

Une clause de préciput sur plusieurs biens, dont le conjoint aura la faculté d’accepter ou de renoncer.

Il est possible de rédiger une clause de préciput pour chacun des biens que les époux souhaitent assurer au survivant. Néanmoins, pour chaque clause rédigée, le conjoint survivant aura la faculté d’accepter ou non en fonction de ses besoins et des objectifs de la famille.

Ainsi, la clause de préciput, peut être rédigée de manière à y inclure l’intégralité des biens composant la communauté, laissant la liberté au survivant des époux de choisir les biens sur lequel y désirera posséder une pleine propriété.
 
 

La clause de préciput, un changement de régime matrimonial, peu onéreux, mais terriblement efficace.

La clause de préciput est à mon sens la crème des clauses d’optimisation matrimoniale car elle permet une parfaite protection du survivant des époux tout en assurant un équilibre avec la transmission du patrimoine familial aux enfants (contrairement à la clause d’attribution intégrale de la communauté que l’on retrouve systématiquement dans les régimes de communauté universelle – cf »Comment changer de régime matrimonial ? Quel coût ? »).

Néanmoins, un bémol, la clause de préciput ne peut être établie que sur des biens communs (ou société d’acquêts pour les régimes de séparation avec société d’acquêt et en aucun cas sur des biens propres. Une clause de mise en communauté de certains biens sera peut-être nécessaire pour appliquer une clause de préciput sur les biens propres