Rien ne semble vouloir empêcher le gouvernement à se lancer dans la réforme explosive des retraites. Dans le contexte social particulièrement violent qui touche la France depuis 4 mois, cette obstination me laisse perplexe : Pourquoi continuer à mettre de l’huile sur un feu déjà bien vif ?
Cette obstination à une réforme des retraites est d’autant plus étonnante qu’il ne semble y avoir aucune urgence majeure. Les précédentes réformes des retraites semblent avoir résolu la question de l’équilibre du système à long terme. L’allongement de la durée de la vie active et donc un âge de départ à la retraite qui s’allonge progressivement sont déjà en cours. En 2018, l’âge moyen de départ à la retraite est de 62.7 ans et cet âge devrait continuer à augmenter dans les prochaines années grâce aux réformes déjà mise en œuvre.

Bref, comme nous vous l’expliquions déjà dans cet article « La retraite par répartition est sauvée ! La faillite s’éloigne et le retour à l’équilibre devient une réalité. » construit autour des analyses du Conseil d’Orientation des Retraites. En Octobre 2018, Alternatives Économiques confirmait cette analyse d’une étrange obstination dans un article « Une nouvelle réforme des retraites se justifie-t-elle ?« .
Au final, incapable de trouver des réponses cohérentes, nous nous étions résolu à croire que le véritable objectif de la réforme des retraites était de baisser le montant des retraites afin de réduire le montant de la dépense publique (cf »Pourquoi une grande réforme de la retraite par répartition ? Quels sont les véritables objectifs ? et Baisser les retraites et les prestations sociales sont les solutions pour réduire la dépense publique !).
L’objectif initialement annoncé d’uniformiser les 42 régimes de retraites apparaît dépasser puisqu’ils pourraient être maintenus en partie dans la prochaine grande réforme des retraites. Le projet de réforme des retraites s’interroge sur la possibilité de mettre en place un système universel de retraite qui permettrait de “maintenir des dispositifs particuliers dès lors que ces dérogations reposent sur des spécificités objectives qui justifient un droit au départ anticipé [NDLR : avant 62 ans]”. (cf : »Retraites : des régimes spéciaux sauvegardés« ).
 

En 2018, la réforme des retraites faisait partie des recommandations de réforme de la commission Européenne.

Obstination contre obstination, j’ai à cœur d’essayer de comprendre les véritables raisons de cette réforme des retraites. Si les enjeux d’uniformisation et d’équité du système des retraites semblent secondaires, l’objectif principal semble bien être la baisse des dépenses publiques, c’est à dire la baisse du montant des retraites.
François FILLON en 2016 avait peut être raison sur les raisons fondamentales d’une réforme des retraites par point. Je vous laisse juger du propos dans cette très courte vidéo :

C’est de le même ordre d’idée d’une nécessaire réforme des retraites dans l’objectif de baisser les dépenses publiques que la commission Européenne demande à la France d’accélérer sa réforme des retraites.
En effet, dans son rapport 2019 pour la France comprenant un bilan approfondi des mesures de prévention et de correction des déséquilibres macroéconomiques, la commission Européenne constate que

« Globalement, la France a enregistré certains progrès dans la mise en œuvre des recommandations par pays de 2018. Des progrès substantiels ont été accomplis dans la réforme de l’enseignement et de la formation professionnels. Certains progrès ont été accomplis dans les domaines suivants:

  • Modération de l’évolution du salaire minimum;
  • Simplification du système fiscal;
  • Réduction des formalités administratives.

Des progrès limités ont été accomplis dans les domaines suivants:

  • Réforme du système de retraites;
  • Amélioration de l’accès au marché du travail et renforcement de l’égalité des chances;
  • Renforcement de la concurrence dans le secteur des services;
  • Accroissement de l’efficience du système d’innovation.

Aucun progrès n’a été accompli en ce qui concerne le développement et la mise en œuvre d’une revue des dépenses publiques dans le cadre du programme Action publique 2022. […] La France progresse de manière satisfaisante en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, d’augmentation du taux de diplômés de l’enseignement supérieur et de lutte contre le décrochage scolaire.
Des mesures supplémentaires demeurent nécessaires pour faire reculer la pauvreté, accroître le taux d’emploi, augmenter les investissements dans la recherche et le développement (R&D), promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables et améliorer l’efficacité énergétique. « 

 
Un peu plus loin dans le rapport de la commission Européenne, la commission Européenne explique que « réduire le ratio de la dette publique améliorerait en outre les perspectives de croissance de l’économie française et sa résilience. La réforme prévue des systèmes de retraites et de santé pourrait contribuer à alléger la dette publique à moyen terme et réduire ainsi les risques pesant sur sa soutenabilité. [NDLR : on parle ici de soutenabilité de la dette publique, et pas particulièrement du système des retraites, qui est, nous vous l’avons expliqué ci-avant, proche de l’équilibre]  »
Cet extrait semble bien confirmer le lien entre « réduction du ratio de la dette sur PIB » et « la réforme du système des retraites et de santé« . Il semble bien que la réforme des retraites est guidée par la volonté de baisser la dépense publique, en d’autres mots, cela signifie que la réforme des retraites doit aboutir à une baisse du montant des retraites versées.
Cette conclusion se confirme par la lecture précise de la recommandation de la commission Européenne : « veiller à ce que le taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes ne dépasse pas 1,4% en 2019, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6% du PIB. Utiliser les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio de la dette publique. Réduire les dépenses en 2018 et pleinement préciser les objectifs et les nouvelles mesures nécessaires dans le contexte de l’Action publique 2022, afin qu’ils se traduisent en mesures concrètes de réduction des dépenses et de gains d’efficience dans le budget 2019. Uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite pour renforcer l’équité et la soutenabilité de ces régimes. »
Bref, la réforme des retraites doit permettre d’atteindre l’objectif de maitrise des dépenses publiques ! En d’autres mots, la réforme des retraites doit permettre de verser moins de retraite à l’avenir (à taux de cotisation égal bien évidemment). En effet, si les cotisations devaient baisser au même rythme que le montant des retraites, les finances publiques ne seraient pas améliorées. Pour améliorer les finances publiques, il convient de baisser les retraites tout en maintenant le niveau des cotisations.
Cette stratégie de la baisse de la dépense retraite est une volonté ancienne de nos gouvernants. L’indexation des retraites sur l’inflation et non plus sur les salaires était déjà une mesure qui visait à baisser progressivement le montant des retraites (il s’agit d’une  mesure très ancienne qui remonte à 1987).
Extrait du rapport de la commission Européenne sur cette question de l’indexation des retraites sur l’inflation : « La baisse des coûts du vieillissement s’explique en particulier par la diminution prévue des dépenses publiques de retraite (contribution de -2,0 pp du PIB), qui est imputable principalement à l’indexation des retraites publiques sur l’inflation, mesurée par les prix à la consommation, ce qui signifie que, en moyenne, les retraites devraient progresser plus lentement que les salaires. »
 
A suivre.