– Un article rédigé avec passion par Sonia SILVENTE, experte en protection sociale et bilan retraite – Sonia SILVENTE vous conseille sur toutes les questions « retraite » dans le cadre d’un rendez vous « d’assistance retraite » et la réalisation d’un « bilan retraite »

 
Nous le savons, lorsqu’un enfant arrive dans le foyer conjugal, il n’est pas rare que la mère mette sa carrière de côté pour s’occuper du nouveau-né.
Les deux raisons principales ?

  • La faiblesse des systèmes d’accueil qui sont : soit trop chers, soit saturés
  • Une désinformation totale de l’impact que cette rupture professionnelle aura sur leur future pension retraite

Fatalement, ces interruptions successives du marché professionnel ralentissent l’évolution des salaires des femmes et creusent davantage l’écart salarial homme-femme.
 

Quelle est la conséquence directe ?

Les pensions de retraite des femmes sont largement inférieures à celles des hommes ce qui crée inexorablement une certaine dépendance financière des femmes à la retraite.
En effet, le rapport parlementaire sur la séniorité des femmes enregistré le 04 juin 2019 relate que « les pensions de retraite perçues par les femmes sont très nettement inférieures à celles perçues par les hommes avec un écart, tous régimes confondus, de l’ordre de 42 % si l’on considère exclusivement les droits directs. Ces différences à la retraite sont le reflet des 40 années précédant sa liquidation »
« Parmi les retraités, les hommes ont validé en moyenne davantage de trimestres pour leur retraite que les femmes. Les hommes cotisent en moyenne quarante trimestres de plus que les femmes, reflétant la moindre participation de ces dernières au marché du travail. »
Vous le comprenez bien, la retraite n’est que le reflet des inégalités professionnelles et des interruptions de carrière :

 
La réforme des retraites s’est donc donnée pour mission de rétablir une certaine équité entre les hommes et les femmes à la retraite en cherchant à compenser les « sacrifices professionnels » des femmes pour leurs enfants.
 

Qu’en est-il réellement ?

Partons déjà de l’existant, pour mieux comprendre les changements et leurs « bénéfices » :
1. Les femmes bénéficient d’un système avantageux appelé « la majoration de la durée d’assurance (MDA) qui leur permet de cumuler 8 trimestres supplémentaires par enfant (4 pour la maternité et 4 pour l’éducation). Ce système très profitable aux femmes leur permet d’atteindre plus facilement leur retraite à taux plein.
➔La MDA sera supprimée par la réforme des retraites ce qui obligera les femmes à travailler plus longtemps ou à subir une baisse importante de leur pension. C’est précisément ce changement majeur qui crée légitimement un climat d’inquiétude général chez les femmes et pour cause, une femme qui aurait eu 4 enfants perdrait 32 trimestres avec cette réforme ! L’état prévoit-il une compensation ?
L’Institut de la protection sociale (IPS) chiffre la perte à 750 euros par an pour une mère d’un enfant gagnant 15 000 euros par an et ayant cotisé 152 trimestres et de 1633 euros par an pour une mère de deux enfants. Pour les familles de trois enfants, la perte serait plus grande encore (entre 944 euros par an à 2 518 euros par an).
 
2 – A ce jour, les foyers de trois enfants ou plus se voient accorder une revalorisation de leur pension de 10% chacun.
➔L’état entend compenser la suppression de la MDA en élargissant cette revalorisation aux couples ayant seulement un ou deux enfants. Certes, c’est une avancée certaine et nous pouvons nous en réjouir puisque les pensions des femmes se verront augmenter de 5% dès le 1er enfant et ce, sans plafonnement annoncé pour le moment.
Toutefois, il convient de prêter une forte attention aux mots utilisés pour comprendre que certaines familles seront largement défavorisées par cette réforme. En effet, jusqu’à lors les 10% de pensions supplémentaires étaient accordés au père ET à la mère. Or, la nouvelle réforme instaure une revalorisation partagée entre les deux parents OU au bénéfice de l’un d’entre eux ce qui est tout à fait différent.
Prenons un exemple :

Julie et Grégory ont 3 enfants. Julie perçoit une pension de 1200€ et Grégory 1800€. Avec le système actuel, la pension de Julie passera à 1320€ et celle de Gregory a 1980€ soit un total pour le couple à 3300€.

Après la réforme, Julie et Gregory pourront se partager 15% de revalorisation de rente chacun soit 7.5% chacun. Julie passera alors a 1290 € et Gregory a 1935€ soit un total pour le couple de 3225€.

Par ailleurs, n’oublions pas que le risque est que, bien souvent la pension des hommes est de loin supérieure à celle des femmes, certains foyers seront plus enclins à accorder le bénéfice totale de cette majoration au père puisque plus la pension est élevée et plus la revalorisation sera profitable au couple. Encore un système qui va créer une dépendance économique chez la femme.
 
3- Et la pension de réversion alors ?? Les veuves et veufs peuvent aujourd’hui prétendre à une pension de réversion dès l’âge de 55 ans. Il s’agit de la possibilité pour le conjoint marié ou divorcé de percevoir une partie des droits à retraite du défunt, entre 50 et 60%.
➔La réforme des retraites entend uniformiser le système de réversion des retraites à la hausse puisque le conjoint survivant pourra prétendre à 70% des droits à retraite dont bénéficie le couple (soit la somme des deux retraites) et ce, sans condition de ressources ce qui n’était pas le cas jusqu’à lors.
MAIS parce qu’il y a un mais, seules les personnes âgées de plus de 62 ans pourront y prétendre. Les salariés du secteur privé verront donc leurs droits reportés de 7 années. Pourquoi ??? Comment vont faire les femmes (l’espérance de vie des femmes étant plus longues) de 55 à 62 ans ? Nous n’avons pas encore d’information sur les mécanismes de solidarité mis en place pour empêcher certaines femmes, trop souvent dépendantes de la rémunération ou pension de leur époux, pour vivre.
Et ce n’est pas tout, la pension de réversion serait supprimée pour les ex-conjoints au profit d’une compensation financière calculée par le Juge aux affaires familiales au moment de la liquidation du régime matrimonial. Nous laissons donc la sécurité financière d’une femme qui aurait sacrifié sa carrière pour élever les enfants du couple à la subjectivité d’un juge ? Cela me laisse perplexe…
 
En définitive, si certaines avancées sont notables, d’autres mettraient très fortement en péril l’autonomie financière de certaines femmes à la retraite. Je pense qu’avant de réformer il conviendrait de trouver des solutions plus en amont pour permettre aux femmes de réussir à conjuguer vie de famille et prospérité professionnelle sans avoir à choisir entre l’un ou l’autre.