Alors que nous pensions tous qu’un amendement voté par le SENAT permettrait aux contrats d’assurance vie en Euros de contourner l’application de la loi SAPIN 2, le texte définitif voté par l’assemblée nationale ne reprend cet amendement et confirme donc que les fonds euros des contrats d’assurance vie au Luxembourg sont concernés par la loi SAPIN 2 et le blocage des capitaux en cas de survenance d’un risque systémique (ou d’une remontée trop forte des taux d’intérêt). 
 

Une première rédaction de l’article 21 bis de la la SAPIN 2 qui concerne tous les contrats d’assurance vie y compris les fonds euros du Luxembourg fruit d’une réassurance entre une compagnie Française et une compagnie au Luxembourg

En effet, l’alinéa 8 de l’article 21 bis de la loi SAPIN 2 prévoyait inclusion de tous les contrats d’assurance vie, y compris des fonds euros Luxembourgeois, qui ne sont en réalité que des contrats miroirs des fonds euros Français bénéficiant de la réassurance de la société mère Française (cf cet article dans lequel nous vous expliquons le mécanisme de la réassurance pour l’assurance vie au Luxembourg : Non, l’assurance vie au Luxembourg ne vous protégera pas contre la faillite du fonds euros !« ).
L’article 21 Bis de la loi SAPIN 2 est un article visant à envisager le blocage de votre épargne investie dans les contrats d’assurance vie et notamment en cas de forte hausse des taux d’intérêt (cf « Assurance vie : le gouvernement pourra suspendre, retarder ou limiter les rachats, arbitrages, ou avances grâce à la loi SAPIN 2« ).
Cet article était initialement rédigé comme suit :

« Le livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au 7° du I de l’article L. 612‑33, les mots : « ou limiter » sont remplacés par les mots : « , retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, » ;
2° L’article L. 631‑2‑1 est ainsi modifié :
a) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France et en vue de prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques, fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou de l’Autorité des marchés financiers et ayant reçu l’autorisation d’exercer cette activité, lorsque ces entités consentent des prêts à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d’actifs localisés sur le territoire français ; »
b) Après le même 5°, sont insérés des 5° bis et 5° ter ainsi rédigés :
« 5° bis Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices pour l’ensemble ou un sous‑ensemble des personnes mentionnées aux 1°, 3° et 5° du B du I de l’article L. 612‑2 ; (NDLR : Sont alors exclues les opérations de réassurance et donc les contrats d’assurance vie au Luxembourg car définies au 2° du B du I de l’article L.612-2 du code monétaire et financier)
« 5° ter Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, après avis du collège de supervision de cette autorité, à l’égard de l’ensemble ou d’un sous‑ensemble des personnes mentionnées aux 1° à 5° du B du I du même article L. 612‑2 (NDLR : La réassurance est alors expressement inclue dans la loi SAPIN 2) lorsqu’ils contractent des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, afin de préserver la stabilité du système financier ou prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l’ensemble ou d’un sous‑ensemble significatif de ces personnes, prendre les mesures conservatoires suivantes :
« a) Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ;
« b) Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
« c) Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ;
« d) Limiter temporairement la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.
« Le Haut Conseil de stabilité financière décide des mesures prévues au présent 5° ter pour une période maximale de trois mois, qui peut être renouvelée si les conditions ayant justifié la mise en place de ces mesures n’ont pas disparu, après consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.
« Dans sa décision, le Haut Conseil veille à la protection de la stabilité financière et des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires ; »
c) Aux treizième et quatorzième alinéas, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° ter » et, à l’avant‑dernier alinéa, les références : « 4° et 4° bis » sont remplacées par les références : « 4°, 4° bis, 5° bis et 5° ter » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 631‑2‑2 est complété par les mots : « ainsi que toute personne dont l’audition lui paraît utile. Ces personnes peuvent, à cet effet, lui transmettre des informations couvertes par le secret professionnel ».

 
 

Mais un amendement du SENAT tente d’exclure les opérations de réassurance et donc les fonds euros au Luxembourg…

L’amendement du SENAT visait alors une modification de cet alinéa 8 de l’article 21 bis, en remplaçant les références : 1° à 5° ; par les références : 1° , 3° à 5°. Cette modification avait pour conséquence d’exclure la réassurance et donc l’assurance vie au Luxembourg des risques de blocages prévus par la loi SAPIN 2.
Les sénateurs expliquaient alors dans un propos dicté par certains lobbying que :

« L’article 21 bis du présent projet de loi exclut les entreprises exerçant une activité de réassurance – visées au 2° du B du I de l’article L. 612-2  du code monétaire et financier – s’agissant de la possibilité pour le Haut Conseil de stabilité financière de « moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices ». Pourtant, en l’absence de précision similaire, les autres mesures conservatoires prévues dans cet article sont de facto étendues aux réassureurs alors qu’elles ne leur sont pas réellement applicables.
Tout d’abord, les réassureurs ne sont pas exposés au risque de devoir liquider certains actifs rapidement – a fortiori si des mesures conservatoires sont imposées aux assureurs directs. La réassurance est une activité spécifique, distincte de l’assurance directe, dans laquelle le réassureur n’est pas en relation directe avec l’assuré ou le bénéficiaire du contrat d’assurance (B to B). Les réassureurs se concentrent sur la couverture des risques biométriques (mortalité, longévité) et ne délivrent pas de garanties financières du type engagement de taux. L’environnement des taux d’intérêt et ses évolutions ne sont donc pas susceptibles de les exposer à une vague de rachats des contrats.
En outre, l’activité des grands réassureurs mondiaux est par nature très diversifiée en termes de risques et de géographies. Toute interférence dans la libre conduite de leurs activités, notamment la « limitation temporaire de l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes », risque de réduire leur capacité à atténuer l’effet de difficultés locales grâce à leur modèle d’affaires diversifié et global.
Enfin, imposer des limitations aux distributions de dividendes ou à la libre disposition des actifs est susceptible de ruiner la confiance des entreprises qui veulent se réassurer et des investisseurs dans les sociétés pratiquant la réassurance, sans bénéfice réel, les réassureurs n’offrant pas de garanties financières.
Aussi cet amendement propose-t-il d’exclure les entreprises exerçant une activité de réassurance de l’ensemble du dispositif prévu à l’article 21 bis. »

 
 

Mais un amendement qui ne sera finalement pas retenu par l’assemblée nationale dans le vote final de l’article 21 bis de la loi SAPIN 2….

Quelle surprise de constater que la rédaction finale de la loi SAPIN 2 et plus particulièrement de l’article 21 bis ne reprenne pas cet amendement. L’assemblée nationale ne l’a même pas mis au vote.
 
Donc, au final, Oui, les fonds euros des contrats d’assurance vie au Luxembourg seront concernés par le risque de blocage de la loi SAPIN 2. Pour finir de vous en convaincre, il vous suffit de l’ex article 21 bis devenu article 49 :

« Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, après avis du collège de supervision de cette autorité, à l’égard de l’ensemble ou d’un sous-ensemble des personnes mentionnées aux 1° à 5° du B du I du même article L. 612-2 (c’est à dire y compris la réassurance), afin de prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l’ensemble ou d’un sous-ensemble significatif de ces personnes ou pour la stabilité du système financier, prendre les mesures conservatoires suivantes : »

 
 
A suivre… merci à l’agefiactifs pour sa lecture attentive du texte