Nous sommes entrés dans la zone de turbulence dont nous avons déjà plusieurs fois parlé ici même. Nous avons en ce moment le 3eme coup de semonce des marchés actions, depuis le mois d’août 2021. Enfin un peu de volatilité. Une baisse des cours saine et salvatrice tant la hausse récente n’était confortable pour l’investisseur de long terme qui n’aime pas les excès à la hausse contrairement au spéculateur qui joue avec les excès pour espérer s’enrichir.

Pour l’instant les indices des grandes valeurs classiques ont entamé une légère correction, contrairement aux indices des valeurs technologiques américaines ( Nasdaq) qui ont baissé d’avantage (parce qu’elles sont plus sensibles aux taux comme expliqué dans cet article « Pourquoi la hausse des taux d’intérêt fait-elle baisser le cours de bourse des entreprises tech et/ou croissance ?« ). La question de la hausse des taux d’intérêt en est l’élément moteur. La crise ukrainienne pourrait être un déclencheur rapide d’une poursuite de cette baisse si l’on passait au stade militaire. Je n’y crois pas trop, mais chacun peut avoir son idée là dessus…

Nous avons traité l’essentiel de cette question des taux dans le récent article sur l’inflation sous le titre « EDITO : L’inflation et les taux négatifs, une opportunité ?» en expliquant que même si nous avions une inflation persistante au-delà de l’été, ou de 2022, les taux ne remonteraient pas  beaucoup pour la période avenir prévisible, et en tous cas que les taux réels ( taux – inflation) resteraient très négatifs. Dans une étude récente publiée par Patrick Artus sous le titre « Que se passe-t-il quand la hausse de l’inflation conduit à la baisse des taux d’intérêt réels ?  » explique :

Si l’inflation augmente et si les Banques Centrales veulent vraiment lutter contre l’inflation, elles doivent augmenter les taux d’intérêt réels en réaction à la hausse de l’inflation, pour freiner la demande de biens et services. Mais aujourd’hui, les Banques Centrales sont beaucoup plus prudentes : quand l’inflation augmente, certes elles augmentent les taux d’intérêt nominaux, mais moins que de la hausse de l’inflation et les taux d’intérêt réels diminuent. Si la hausse de l’inflation conduit à une baisse des taux d’intérêt réels, alors de nombreuses conséquences apparaissent:

– l’inflation réduit les taux d’endettement ;

– l’inflation fait monter les prix des actifs (actions,immobilier,actifsréels…) et la détention de ces actifs protège effectivement contre l’inflation ;

– la politique monétaire n’aide pas à réduire l’inflation.

Les marchés eux, sont pusillanimes, hypersensibles, voyant déjà un changement d’attitude des banques centrales se mettant prochainement à lutter contre une inflation non maîtrisée.

Il est tout à fait possible, peut être probable qu’après 40 années de baisse de l’inflation pour arriver quasiment à zéro nous connaissions à l’avenir de nouveau une période historiquement inflationniste. Si cela devait se produire, il faudrait encore que les banques centrales décident de lutter contre, en augmentant les taux au moins a hauteur de cette inflation pour que cela soit efficace, avec pourquoi pas un arrêt des rachats d’actifs.

Plus facile à dire ( c’est ce qu’ils font) qu’à faire !!

C’est donc peu probable pour les 2 ou 3 années devant nous et pour les raisons déjà expliquées.

Les USA  où l’inflation est plus élevée qu’en Europe vont monter les taux petit à petit jusqu’en 2024.

Par contre ils prévoient de réduire les rachats d’actifs, ( la dope monétaire !!) et ce n’est pas favorable aux actions US et  une baisse de Wall street impacterait le reste du monde.

En Europe rien de prévu pour le moment.

Mais de plus en plus d’intervenants pensent que cette inflation ne sera pas uniquement transitoire, et qu’il en restera quelque chose après la résolution de la pandémie, ce qui approche à grands pas. (pour l’été sans doute) Cela pèse sur les marchés.

Mais personne n’est capable à l’heure actuelle de prévoir l’inflation ne serait ce que pour 2023, compte tenu de la multitudes des facteurs conjoncturels en jeu, dont certains pourraient devenir structurels.

il est à peu près certain par contre que les chiffres actuels (7 % aux USA et 5 % en Europe vont encore gonfler d’ici l’été). Certains prévoient une baisse à la rentrée 2022,  (courbe en cloche) mais c’est loin d’être certain.

Donc 8 % aux US  et 6 % en Europe minimum d’ici 6 mois c’est  beaucoup, cela sème le doute, pèse sur le pouvoir d’achat des salariés, et les marchés vont probablement avoir d’autres  accès de mauvaise humeur d’ici là.

Dans ce contexte il suffit d’un élément déclencheur pour faire baisser les cours de bourse… Pourtant l’investisseur de long terme gardera en mémoire que la perspective de taux d’intérêt réel négatifs, c’est à dire inférieur à l’inflation, est un mécanisme favorable aux actions et globalement à tous les actifs.

Dans le même sens, cette analyse « L’inflation n’est pas nécessairement mauvaise pour les actions, elle peut même être favorable » de Patrick Artus explique :

On entend souvent dire en ce début d’année 2022 qu’un des risques qui pèse sur les marchés d’actions est celui de l’inflation. Effectivement, l’inflation va être forte aux États-Unis et dans la zone euro probablement jusqu’à l’été 2022, mais cela n’est pas nécessairement défavorable aux actions, au contraire. En effet:

les salaires nominaux sont loin d’être complètement indexés sur l’inflation; il y a donc recul des salaires réels tant que l’inflation est forte, ce qui est favorable pour la profitabilité des entreprises, donc pour les cours boursiers;

 les taux d’intérêt nominaux suivent très peu l’inflation à la hausse ; les taux d’intérêt réels sont donc très bas tant que l’inflation est forte, ce qui est aussi favorable à la hausse des cours boursiers.

On voit donc que, dans la configuration présente, l’inflation va pousser à la hausse et non à la baisse les cours boursiers. Il ne faut pas oublier que, si rien d’autre ne bouge, une hausse des prix de production est favorable aux entreprises.

Conclusion

  • Si vous êtes en position d’investir à long terme, il faut patienter avant d’y investir massivement ou profiter de la volatilité retrouvée pour investir progressivement. A chaque forte baisse, l’épargnant de long terme pourra être tenté d’investir une petite partie du capital (5% à 10%) qu’il souhaite investir à long terme en actions.

  • Si vous êtes déjà investi en action, vous avez déjà pas mal gagné depuis 2 ans. Le spéculateur pourra raisonnablement alléger partiellement pour avoir plus de liquidités, espérer se repositionner plus favorablement en cours d’année, alors que l’investisseur de long terme, qui sait que le market timing est un art difficile, voire impossible, acceptera la volatilité sans bouger (ou à la marge) et restera confiant pour le long terme, même si le long terme pourrait être très long pour les valeurs de croissances qui devront justifier leur capacité à être rentable pour espérer résister.

  • Si vous avez besoin de vendre ou pourriez en avoir besoin dans moins de 3 ans, il faut profiter des niveaux actuels pour vendre car la volatilité à venir pourrait être psychologiquement compliqué à gérer.

N’oubliez pas qu’à long terme, il faut être investi. Attendre éternellement le meilleur moment pour investir peut avoir pour conséquence de regarder le train passer, et repasser.

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