Ce début d’année est marqué par une forte recovery des marchés actions, ces derniers progressant de près de 10% en 2012.

Peu d’intervenants avaient ce schéma en tête, puisqu’à bien y regarder, la situation économique et politique a relativement peu changé par rapport à la fin de 2011.Ce rallye résulte d’abord d’une rotation sectorielle, dont la seule légitimité est une logique de valorisation, c’est en particulier le cas des banques et de certaines cycliques telles que l’automobile.

Dans une situation qui reste toujours assez préoccupante du côté des dettes souveraines, on peut aussi déceler quelques points intéressants, qui sont de nature à maintenir une opinion positive sur le moyen terme. Nous allons en expliquer les principales raisons tout en gardant évidemment en tête les zones de risque.

Gérer, c’est anticiper, même si la théorie nous dit que l’on ne peut pas forcément s’affranchir de la psychologie du marché.
La période très froide actuelle est propice à certaines lectures nocturnes devant un feu de cheminée, et on peut revisiter ce que nous rappelle Keynes sur le fonctionnement du marché.

Pour ceux qui seraient allergiques à l’histoire, le nouveau livre d’André Orlean, l’empire de la valeur, est un bon substitut. Dans sa « théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936), au chapitre 12, Keynes utilise la métaphore du concours de beauté pour illustrer le fonctionnement du marché boursier. Un journal londonien de l’époque organisait un concours de beauté consistant à élire les plus belles jeunes femmes parmi des photographies publiées. Le gagnant était le lecteur dont la sélection se rapprochait au mieux des cinq photographies les plus choisies. Keynes remarque que pour remporter ce jeu, on ne doit surtout pas raisonner par rapport à ses goûts personnels, mais il faut savoir déterminer le choix (le consensus) de tous les autres lecteurs, ce qui est une toute autre problématique.

Ainsi, Keynes veut montrer que le prix d’un titre financier dépend plus de représentations et d’anticipations que de fondements réels. Les meilleurs acteurs du marché, surtout durant les crises, ignorent les fondamentaux et essaient à la place, de prédire ce que fera le marché. Ce comportement est accentué dès lors qu’il y a incertitude sur les déterminants de l’évolution d’un titre.

Ce rappel théorique semble important dans la situation particulière actuelle. Les anticipations sont connues au travers de certains indices de sentiment de marché, qui fin 2011 étaient proches de ceux de mars 2009, point qui a correspondu au point d’inflexion du marché, avant un rallye de pratiquement une année.

 

L’année 2012 sera t’elle comparable à 2009 ?  Pouvons nous jouer un tel scénario ?

La poursuite du rebond peut se justifier par le fait que les gérants qui ne sont pas encore tous rentrés dans le marché profitent de tous mouvements de consolidation pour acheter, ce qui alimente la hausse.
En 2009, on connait les facteurs explicatifs de ce rebond, on a assisté à une forte recovery des entreprises (certes après une cassure des croissances de résultat fin 2008 et début 2009), des indicateurs ISM nettement plus favorables, ceci dans un contexte de politique monétaire très « accomodante », il aurait fallu dire très laxiste eu égard à ce qui s’est passé par la suite.

La situation est loin d’être identique aujourd’hui et d’ailleurs elle a un côté inédit, ce qui complexifie les stratégies d’intervention. En incertitude, l’individu préfère souvent reproduire et imiter des comportements qu’il connait plutôt que de créer de la nouveauté. Pour l’instant, la différence de situation tient à ce que la question des dettes souveraines hante les marchés alors que le comportement des entreprises est assez correct.

On peut clarifier quelques points sur ces deux éléments :

Sur les dettes souveraines et en particulier la Grèce,

la réponse ne fait plus aucun doute. La situation de ce pays est dramatique, un taux de chômage de 21% et le PIB 2012 est attendu en baisse de 4 à 5%, comment dans ces conditions croire à un possible remboursement des dettes ? Que de temps politique perdu ! Donc, nous devons désormais anticiper une provision à 100% des créances sur la Grèce.

Dans ces conditions, que faut-il penser de la question de la solvabilité des banques et en particulier des banques françaises ?

Fin 2009 (dernière statistique obtenue), les banques françaises détenaient 36,9 Md$ de la dette publique grecque, les banques allemandes 19,8 Md$ et les italiennes 4,4 Md$. Pour l’instant la politique de place a été de déprécier environ 60% de cette dette au T3. On devrait aller jusqu’à 80% au T4, soit un provisionnement supplémentaire de 590 M€ pour BNP et de 272 M€ pour la Société Générale. Donc certes, les banques françaises sont exposées mais les allemandes le sont aussi et un défaut total aura aussi un effet très négatif pour elles.

Nous restons en conséquence assez sceptiques sur la hausse des banques en ce début d’année et une gestion prudente doit consister selon nous à prendre des bénéfices sur ces hausses. Leur nouveau business model est loin d’être clair. L’autorité bancaire européenne va très prochainement rendre un nouveau rapport sur la capacité des banques à absorber différents chocs (nouveaux stress tests) tout en respectant, d’ici à juin 2012, un objectif de ratio de fonds propres durs (core tier one) à 9%  contre 5%. Les calculs se feront en valeur de marché et on verra si ce nouveau test sera plus « sérieux » que les précédents, (Dexia avait en effet très bien passé les précédents stress tests).

Pour l’ensemble des banques européennes, on parle maintenant d’un montant de recapitalisation de l’ordre de 106 Md€, majoritairement centré sur les banques du Sud de l’Europe. Pour bien stigmatiser le non fonctionnement actuel du système, on constate que les banques européennes sont venues auprès de la BCE emprunter à 1% pour 3 ans, à hauteur de 589Md€, dont 463 Md€ ont été redéposés avec une rémunération de 0,25%, ceci probablement pour faire face à une échéance globale de refinancement au premier semestre 2012 de 230 Md€.

C’est ce que Keynes définit comme « la trappe à liquidité », qui lui permettait de privilégier à la politique monétaire, l’efficacité de l’investissement productif qui impacte directement l’emploi. On peut juger aussi qu’il aurait été plus judicieux que cet argent serve à racheter directement de la dette des pays en crise plutôt que d’aller augmenter la liquidité bancaire qui n’est pas en défaut, mais on sait que le dogme allemand l’interdit. Reste que pour retrouver une crédibilité économique, il faut maintenant un volontarisme politique. Le marché s’attend d’ailleurs à un nouvel LTRO, entre 200 et 1000 Md€, ce qui même si on n’en comprend pas toujours la logique économique, pourrait continuer à doper le marché.

Enfin, plus important, nous continuons à analyser le comportement des entreprises.

Nous maintenons notre analyse que la situation économique, vue au travers de ces entreprises ne présente pas pour l’instant de signes de ralentissement. Les résultats qui ont déjà été publiés sur 2012 sont généralement conformes aux attentes, il y a peu de mauvaises surprises.

Sur les bases des résultats attendus, notre objectif de valorisation du CAC réalisé en début d’année donnait 3450, nous y sommes. Il peut y avoir une extension par un phénomène de liquidités, mais le fondamental devient tendu et le défaut de la Grèce amènera bien une tension sur les banques qui risquera alors de peser sur le marché.
En conclusion, il nous semple opportun de sécuriser en ce moment les portefeuilles, nous devrions retrouver une certaine volatilité. C’est ce qui a été mis en place dans la plupart des portefeuilles d’Hixance où les expositions actions ont été allégées.

Wait and see .. and act.

 

 

 

 

 

Jean Noël VIEILLE

Gérant de Portefeuille HIXANCE Asset Management

 

Information : HIXANCE Asset Management et Leblogpatrimoine.com n’ont aucun lien commercial, capitalistique. Nous apprécions tout simplement la qualité d’analyse de Jean Noël VIEILLE et nous espérons que sa vision des marchés financiers vous permettra d’investir avec davantage de sérénité.

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