L’article 587 du code civil dispose que « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution
C’est le quasi usufruit. La seule manière de jouir d’une somme d’argent, c’est de la dépenser. Les capitaux décès sont donc intégralement versés à l’usufruitier. Ce dernier pourra librement jouir de ce capital, le dépenser, le réinvestir … et ce n’est qu’au décès de l’usufruitier que le nu propriétaire pourra, à son tour, jouir du capital.
Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et le nu-propriétaire devient plein propriétaire du capital. Pour exercer son droit de propriété sur le capital démembré, il prélève sur l’actif de succession, avant la dévolution successorale et le partage de la succession entre les héritiers, une créance dont le montant est égal à la valeur du capital soumis au démembrement de propriété. Cette créance du patrimoine du défunt au profit du nu-propriétaire est nommée créance de restitution.
 

La créance de restitution née de la convention de quasi-usufruit entre usufruitier et nu-propriétaire

Cette créance prend le nom de « créance de restitution ». Elle trouve son origine dans la clause bénéficiaire démembrée, dans la dévolution successorale, dans la vente d’un bien démembrée mais devra être confirmée par un acte ayant date certaine que l’on nomme « convention de quasi-usufruit ».
La « convention de quasi-usufruit » aura date certaine de part son enregistrement à l’administration fiscale ou une rédaction notariée. Elle est un acte, signé entre les parties usufruitier et nu propriétaire, qui réglera, organisera le démembrement de propriété portant sur la somme d’argent. Les droits et devoirs des parties, mais également, le montant de la créance de restitution et son indexation éventuelle, seront détaillés dans cette convention de quasi usufruit
Dans le cadre du démembrement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie, ou de la vente d’un bien immobilier démembré, l’origine du quasi-usufruit étant « conventionnel », l’absence d’une convention de quasi-usufruit serait de nature à remettre en cause la déductibilité, au passif de succession du quasi-usufruitier, de la créance de restitution.
 

Une convention de quasi-usufruit indispensable pour autoriser la déductibilité de la créance de restitution

En théorie, la « créance de restitution » doit avoir date certaine pour pouvoir être admise en déduction dès lors qu’elle est d’origine conventionnelle et cela en conséquence de l’alinéa 2° de l’article 773 du code général des impôts.

Extrait de l’article 773 du CGI
« Toutefois ne sont pas déductibles :
Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées. Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans les articles 911, dernier alinéa, et 1100 du code civil.
Néanmoins, lorsque la dette a été consentie par un acte authentique ou par un acte sous-seing privé ayant date certaine avant l’ouverture de la succession autrement que par le décès d’une des parties contractantes, les héritiers, donataires et légataires, et les personnes réputées interposées ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l’ouverture de la succession ; »

 
L’administration fiscale commente cet article 773 du CGI avec cette précision indispensable :

Enfin, la prohibition du 2° l’article 773 du CGI n’est applicable qu’aux seules dettes d’origine contractuelle et ne peut viser celles résultant d’un quasi-usufruit qui trouve sa cause dans la loi (Code civ., art. 587) [Cass. com., arrêt du 4 décembre 1984].

En l’espèce, la défunte avait consenti à ses enfants une donation-partage de la nue-propriété d’un immeuble, tout en se réservant l’usufruit de celui-ci. À la suite d’une déclaration d’utilité publique, ce bien a ultérieurement été vendu à l’État et le prix intégralement versé à la mère. Les droits des intéressés se sont donc trouvés reportés sur cette somme d’argent (application de l’article L 13-7 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique).

Ainsi, après transformation de l’usufruit portant sur un immeuble en un quasi-usufruit, les enfants de nus-propriétaires sont devenus créanciers. Ils pouvaient donc déduire de l’actif de la succession de leur mère, dans les conditions prévues par l’article 768 du CGI le solde de l’indemnité d’expropriation qui leur restait dû à son décès.

En revanche, c’est à bon droit qu’un tribunal a écarté du passif successoral une dette consentie par le défunt à son fils, dette qui était établie uniquement par des documents comptables auxquels se référait un acte de constitution de société enregistré avant le décès (Cass. com., 15 avril 1986, n° 84-15539).

 
Ainsi, lorsque le quasi-usufruit naît d’un démembrement conventionnel (clause bénéficiaire démembrée, compte titre avec quasi-usufruit, quasi-usufruit sur cession d’un bien immobilier démembré, …), la rédaction d’une convention de quasi-usufruit est indispensable (et nous recommandons bien évidemment l’acte authentique notarial) pour pouvoir admettre la déductibilité de la créance de restitution.
A défaut, l’administration fiscale serait en droit de ne pas accepter la déductibilité de la dette de l’actif successoral, réduisant à néanmoins la pertinence du démembrement de propriété.
 

L’indexation de la créance de restitution, pour une meilleure protection de la valeur patrimoniale des nus propriétaires

La question de l’indexation de la créance de restitution est également fondamentale et peut s’avérer attrayante pour les nus propriétaires.
L’absence de revalorisation de la créance de restitution conduit naturellement à une perte de valeur du nu propriétaire qui verra l’inflation grignoter lentement la valeur de son capital.
Il est alors intéressant d’envisager l’indexation de la créance de restitution, même si la pratique de cette indexation peut s’avérer délicate, voire impossible à mettre en œuvre.
En effet, l’article L112-1 du code monétaire et financier interdit l’indexation automatique des prix de biens ou de services. La créance de restitution ne pourra donc pas évoluer au gré de l’inflation.
L’article L112-2 du même code monétaire et financier interdit également une indexation basée sur le salaire minimum de croissance (SMIG devenu SMIC), sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n’ayant pas de relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties.
La seule solution pour indexer la « créance de restitution » serait alors d’envisager une indexation basée sur l’évolution des produits ou services ayant une relation directe avec l’objet du placement bancaire ou avec l’activité de l’une des parties.
Nous pourrions par exemple envisager une indexation de la créance de restitution sur l’évolution des OAT.