Après avoir mis en évidence la nécessaire rédaction d’une clause de remploi afin de conserver le caractère propre des deniers appartenant à un époux marié sous le régime de la communauté, approfondissons ensemble la mécanique des reprises et récompenses qui accompagne la liquidation du régime matrimonial, qu’elle soit par le décès ou par le divorce.
En effet, le régime de la communauté légale réduite aux acquêts, c’est à dire le contrat de mariage applicable aux époux mariés sans contrat depuis le 01 février 1966, suppose la distinction entre des biens propres et des biens communs.
Heureusement, la vie conjugale ne rime pas toujours avec rigueur juridique, et les époux n’ont pas toujours une gestion rigoureuse de l’origine des deniers : Un époux vend un terrain ou un immeuble, et c’est la communauté qui encaisse l’argent et en profite pour rénover la maison du couple ou pour souscrire un contrat d’assurance vie ; Un conjoint finance la rénovation d’un bien propre reçu en héritage avec de l’argent commun provenant de l’épargne des époux, …
Bref, la vie, ce n’est pas le code civil et tout le monde de gère pas sa vie maritale avec l’ambition de réussir son divorce ou sa succession.
Le calcul des récompenses a justement pour mission de rétablir la réalité du patrimoine du couple entre patrimoine commun et patrimoine propre.
Cette notion de récompense recouvre deux réalités :

  • La récompense due par la communauté à un époux.
  • La récompense due par un époux à la communauté.

 

La récompense due par la communauté à un époux.

L’article 1433 du code civil précise que « La communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi. Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions. »
L’esprit du texte est relativement simple à comprendre : Un époux a droit à récompense à chaque fois que la communauté s’est enrichie au détriment du patrimoine propre de cet époux. 
L’exemple typique ou la récompense due par la communauté peut être réclamée par un époux est le cas de la vente d’un bien propre par l’un des époux et l’absence de remploi : Le prix de vente du bien propre, en l’absence de rédaction d’une clause de remploi, devient alors un bien commun. C’est la récompense qui permettra de rétablir le caractère propre du prix de vente.
 

La récompense due par un époux à la communauté.

L’article 1437 du code civil organise la réciproque de la récompense : Toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.
L’esprit du texte est tout aussi simple à comprendre : La communauté a un droit à récompense à chaque fois qu’un époux à tirer un profit personnel des biens de la communauté.
Le cas typique est ici la souscription d’un contrat d’assurance vie par un seul des époux avec des fonds communs, et dont le bénéficiaire n’est pas le conjoint (cf »Assurance vie et récompense au profit de la communauté : lorsque le décès fait naître une récompense … »).  Ou encore le financement de la rénovation d’un bien propre grâce à un crédit immobilier remboursé par les époux grâce à leurs biens communs ou grâce à de l’épargne des époux. Dans cette hypothèse, le patrimoine propre du conjoint s’est valorisé au détriment du patrimoine commun.
 
 

Pour être reconnue, la récompense doit cumuler « appauvrissement d’un patrimoine … et preuve du profit retiré par l’autre patrimoine ».

La récompense n’est pas automatique. Elle devra donc être prouvé par celui des époux qui l’invoque à son profit ou au profit de la communauté.
La preuve repose sur deux éléments majeurs :

  • La preuve de l’appauvrissement d’un des époux ou de la communauté ;
  • La preuve de l’enrichissement de la communauté ou d’un des époux.

En l’absence d’une de ces deux éléments de preuve, il ne pourra y avoir de récompense.
 
 

La preuve de l’appauvrissement d’un des époux ou de la communauté

La preuve de l’appauvrissement est relativement simple, il peut s’agir de la vente d’un bien propre, sans remploi, le remboursement d’un crédit immobilier pour la rénovation d’un bien propre ou encore la souscription d’un contrat d’assurance vie nominative avec des fonds communs.
Bref, à chaque fois, l’un des époux ou la communauté s’appauvrit ….
 

La preuve de l’enrichissement retiré par la communauté ou l’un des époux.

Ce second élément de preuve est plus délicat. Il convient de prouver que la communauté ou l’un des époux s’est enrichit. Attention, il ne suffit pas de prouver que ce dernier a encaissé les fonds ! Il faut prouver qu’il a utilisé les sommes en question pour valoriser son patrimoine ! Cette nuance est très importante : Le simple encaissement des fonds ne suffit pas à démontrer l’enrichissement et donc la récompense. 
Par exemple, lorsque la communauté a utilisé le prix de vente d’un bien propre pour financer le train de vie du couple tel que le financement de voyages, l’achat d’une voiture, ou de tout autre financement de consommation ne pourra constituer un enrichissement. Dans une telle situation, l’enrichissement ne pourra être prouvé, car les sommes ne pourront être retrouvées sur le compte commun (car dépensée). Il n’y aura donc pas récompense.
Pour obtenir récompense, il faut prouver l’enrichissement d’un patrimoine, c’est à dire l’utilisation de la somme par ce patrimoine. L’encaissement des fonds sur un compte chèque n’est pas suffisant à démontrer l’enrichissement. L’encaissement des fonds communs sur un comptes joint constitue une simple présomption. Celui des époux qui conteste la récompense devra prouver que la communauté n’a pas tiré profit des fonds propres.
 

Comment déterminer le montant des récompenses ? Quelle valeur ?

La réponse est donnée par l’analyse de l’article 1469 du code civil :
La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
 
Le principe édicté par le premier alinéa de cet article 1469 du code civil est simple à comprendre, il s’agit de la somme la plus faible entre :

  • Le montant de la dépense, de la somme d’argent payée ;
  • Le profit subsistant qui pourrait être définit comme le montant de l’enrichissement du patrimoine débiteur, évalué au jour de la liquidation du régime matrimonial (décès ou divorce).

En revanche, lorsque la récompense concerne les dépenses d’acquisition, de conservation ou d’amélioration, c’est à dire « quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur », le montant de la récompense ne pourra être inférieure au profit subsistant, c’est à dire à son enrichissement patrimonial, même s’il est supérieur ou inférieur à la dépense faite. 
 
Bref, pour éviter toute cette complexité, le plus simple est de faire une clause de remploi (cf »Rédiger une clause de remploi lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie afin de conserver ses biens propres »)