Avec l’évolution de la société et surtout avec la modification tendancielle de la composition des ménages, nous allons revenir aujourd’hui sur les moyens de protéger les concubins lors de l’acquisition de leur résidence principale.

Par protection du concubin, il faut entendre « comment assurer un toit au survivant », il ne s’agit pas de déshériter les héritiers légaux, mais simplement d’utiliser les règles fiscales et civiles disponibles pour protéger le co-emprunteur / co propriétaire de la résidence principale.
La situation classique dans laquelle les concubins, propriétaires de leur résidence principale, n’ont pas mis en œuvre de stratégies patrimoniales pour se protéger, est organisée par l’indivision. L’indivision permet une acquisition en commun et chacun des concubins reste propriétaire et seul responsable des décisions concernant sa part d’indivision.

Le régime de l’indivision…

L’indivision est une notion du code civil définie dans les articles 815 et suivants. Ainsi, chacun des indivisaires acquiert sa quote part dans la résidence principale en fonction de ses capacités contributives (Capacité d’emprunt des concubins en pratique) et la gestion du bien est organisée par le code civil.

… présente peu de difficultés pendant la vie de couple…

Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation (dépenses d’entretien, réparation) des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence. Il peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers.
A défaut de fonds de l’indivision, il peut obliger ses indivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.
Lorsque des biens indivis sont grevés d’un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l’usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations.
Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité (lorsque l’indivision est composée de deux personnes, c’est l’unanimité qui s’impose donc ) :

Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis (Acte d’exploitation ou de gestion courante du patrimoine) ;

Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;

Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;

Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° (les actes de vente de l’immeuble nécessité l’unanimité).
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.
Ainsi, pendant la vie du couple, l’indivision ne pose pas beaucoup de difficulté : l’amour et l’eau fraîche facilite la prise de décision en toute unanimité.
Par contre, on comprend aisément les difficultés lorsque l’amour et l’eau fraîche ne suffisent plus. L’unanimité peut être un piège lorsque les couples se séparent et surtout lorsque la séparation en longue. Dans cette hypothèse, la gestion du bien est figée et l’absence d’entretien peut conduire à une détérioration de ce dernier.

… Mais de réelles difficultés en cas de disparition de l’un des concubins.

En cas de disparition de l’un des concubins, le survivant n’est pas l’héritier de l’autre (faute de disposition contraire via un testament). cela signifie que le concubin survivant devra partager la jouissance et la propriété de sa résidence principale avec les héritiers de son concubin pré-décédé.
A la peine de la disparition de l’être aimé, s’ajoute la peine d’un partage de la propriété de sa résidence principale avec sa belle-mère. Lequel est le plus difficile à gérer ??

Plaisanterie à part, ce partage de la propriété pose de réel problème car chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité au profit de l’indivisaire qui ne profite pas de son bien. 
Faute d’avoir préparer l’acquisition de la résidence principale par les concubins, les difficultés pourraient être réelles et le co-propriétaire pourrait être dans l’obligation de céder la résidence principale. 


Le testament, une première disposition « faute de mieux ».

Ainsi, l’une des solutions pour éviter le régime de l’indivision entre le concubin survivant et les héritiers du concubin pré-décédé reste la rédaction d’un testament. C’est de loin la solution la plus simple, rapide et la moins coûteuse (en apparence).
Ce testament aura pour objet :
1- De désigner héritier le concubin copropriétaire comme héritier et
2- En l’absence de descendant, de déshériter les parents du concubin.
Le testament, tout en étant une solution simple à mettre en œuvre, présente deux difficultés majeures :
  • Fiscalement, même s’il est possible de transmettre son patrimoine au concubin, celui ci devra s’acquitter de droits de succession à hauteur de 60% de la valeur du bien transmis. La seule solution pour éviter cette taxation confiscatoire est le PACS ou la mariage. Le PACS + Testament permettra une transmission sans aucun droit de succession (cf : « Mariage ou PACS : Quelle meilleure protection de la famille ?« ). Mais, là on sort du sujet de l’article qui évoque la question des concubins. Il faudrait alors changer le titre en « concubin, la meilleure solution pour vous protéger, c’est de vous marier ou de vous PACSER.
  • Civilement, lorsque le concubin a des enfants, ceux ci sont dits « réservataires » et ne peuvent être déshérités. Une partie du patrimoine de leur père ou de leur mère doit leur revenir obligatoirement, limitant donc la possibilité de transmettre un patrimoine au concubin (même si ce dernier est le parent des enfants). En Effet, le patrimoine transmis au partenaire de PACS sera prélevé sur la quotité disponible.

 

Testament + Délégation bénéficiaire de l’assurance décès de l’emprunt immobilier : le duo gagnant ?

Pour autant, lorsque l’acquisition de la résidence principale est faîtes à l’aide d’un emprunt immobilier, il est possible de limiter le coût de la transmission au concubin.
Lorsque de la mise en œuvre de l’emprunt immobilier, votre banquier exigera une assurance décès qui aura pour objet de rembourser le crédit immobilier en cas de décès de l’un des concubins.
En pratique, dans l’hypothèse du décès de l’un des concubins, l’assureur verse un capital à la banque afin de rembourser la dette du concubin décédé : ce remboursement augmente donc de manière sensible le patrimoine du concubin décédé.
Exemple : Valeur de la maison 100 000€ ; Crédit restant au jour du décès : 75 000€.
Quelques jours avant de décéder, le patrimoine du concubin était de 25 000€ (100000-750000) mais au jour de son décès, le crédit étant rembourser par l’assurance décès, son patrimoine augmente pour atteindre 100 000€.
L’héritage ne s’ouvre donc pas pour 25 000€ mais pour 100 000€ et les droits de succession augmentent donc de 25000€*60%= 15000€ à 100000€*60%= 60000€ lorsque l’héritier est le concubin.
La solution idéale pour protéger le concubin survivant et lui éviter de payer trop de droits de succession réside peut être dans le maintient de la dette entre les mains des héritiers et donc dans la mise en œuvre de l’assurance de prêt.
En effet, il est envisageable de modifier le bénéficiaire de l’assurance décès afin de désigner, non pas la banque afin de rembourser le crédit immobilier, mais les héritiers de l’emprunteur, c’est à dire le concubin dans notre stratégie, à charge pour lui de continuer à rembourser le bien.
Pour la banque, le concubin, héritier de la résidence principale devient le seul emprunteur de continuera à rembourser le capital emprunter.
Pour reprendre notre exemple précédent, la succession du pré décédé s’ouvre pour une valeur de 25 000€ car le crédit n’est pas remboursé par l’assurance décès. (100 000€ – 75000€).
Par contre, le conjoint survivant perçoit le capital décès en profitant de la fiscalité avantageuse de l’assurance vie. Les bénéficiaires peuvent recevoir la capital en franchise de droits de succession dès lors que la cotisation d’assurance versé la dernière année est inférieure à 152500€. Au delà, le concubin sera taxé au taux de 20%.
 
Avec la délégation bénéficiaire du contrat d’assurance décès et le testament, la transmission est réellement optimisée car le concubin pourra profiter de la résidence principale avec des droits de succession faibles. 
Malheureusement, ces cas sont trop souvent refusés par le banquier.
 

La SCI (Société Civile Immobilière) peut être une solution intéressante.

Au delà d’une stratégie de transmission reposant sur la mise en place d’un testament, l’acquisition de la résidence par l’intermédiaire d’une SCI peut s’avérer pertinente. Je ne reviens pas sur le principe même de la SCI mais simplement sur la mise en œuvre d’un montage d’optimisation.Pour vous expliquer le montage, nous allons procéder par étapes :
 

1- Constitution de la Société Civile Immobilière.

Les concubins créent ensemble une SCI au capital faible de 1500€ :
  • Monsieur est propriétaire des parts de 1 à 500
  • Madame est propriétaire des parts de 500 à 1000
  • La société civile immobilière a pour objet la gestion d’un patrimoine immobilier …(PS : Je peux vous transmettre les statuts sur demande aux coordonnées ci dessous).
  • Le gérant est nommé dans les statuts : se sont successivement les conjoints.

 

2- Le Couple procède à un échange de parts

Monsieur échange l’usufruit des parts numérotés 1 à 500 contre l’usufruit des Parts de Madame numérotés 500 à 1000. Au terme de cet échange,  la répartition du capital social de la Société Civile est :
  • Monsieur est Usufruitier des parts de 501 à 1000 et Nu propriétaire des parts de 1 à 500
  • Madame est Usufruitière des parts de 1 à 500 et Nue propriétaire des parts de 501 à 1000.

 

 

3- La Société Civile Immobilière souscrit un emprunt pour acquérir la résidence principale.

Les critères pour obtenir un emprunt via une SCI sont identiques aux critères indispensables pour une personnes physiques.
  1. La SCI acquiert l’immeuble.

Le cœur de la stratégie réside dans le démembrement croisé des parts de la Société Civile Immobilière présenté au point 2.
Le code civil définit l’usufruit comme étant le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété (la nue propriété), comme le propriétaire lui même, mais à la charge d’en conserver la substance. Dans notre volonté de protéger le conjoint survivant, nous allons lui conférer l’usufruit des parts sociales de la SCI. L’usufruit des parts lui permettra de profiter de sa résidence principale, et de gérer la SCI en toute liberté.
Ainsi durant la vie du couple, rien de change puisque chacun administre ses droits de propriété à la manière d’un
associé (droit de vote, partage des bénéfices et pertes … ).
Le jour ou l’un des concubins disparaît, le survivant se trouve protégé dans son droit de profiter de sa résidence principale :

  • Le survivant est Usufruitier de 100% des parts de la SCI e(ce qui lui permet de profiter pleinement de la maison) et Nu propriétaire de l’autre moitié des parts ou, pour être plus clair : le survivant, après l’échange redevient plein propriétaire de ses parts (le décès entraîne l’extinction de l’usufruit et la nue propriété devient pleine propriété) et le survivant conserve l’usufruit des parts de son conjoint décédé.
  • La nue propriété des parts du conjoint décédé est transmise par voie successorale aux héritiers du conjoint (enfants ou parents … ).

 
Cette transmission de la jouissance de la résidence principale est réalisée en franchise totale de droits de succession et présente l’avantage de ne pas changer l’ordre légal des successions. Les héritiers du concubin pré décédé recevront leur héritage à l’extinction de l’usufruit du conjoint survivant. (la nu propriété transmises aux héritiers du conjoint décédé, assurera la transmission de ce patrimoine vers la famille du pré décédé).
 
C’est cette dernière solution qui est la plus efficace surtout pour les concubins qui sont réfractaires aux mariages ou au PACS et doit s’envisager dans les familles recomposées pour lesquelles il est important de distinguer le droit de jouissance laissé au conjoint et le droit de propriété de l’immeuble doit doit rester dans la branche familiale.
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Car bien évidemment, la solution la plus simple pour se protéger reste le Mariage ou le PACS mais il s’agit d’une toute autre histoire … (cf : « Mariage ou PACS : Quelle meilleure protection de la famille ?)