Sur la question de l’anticipation de l’évolution des taux de crédit immobilier, nous passons d’une certitude à un autre.
En 2018, nous étions certains que les taux allaient augmenter en 2019 ; Résultat, les taux de crédit immobilier ont chuté pour atteindre des records de faiblesse au début de l’été 2019.
Au milieu de l’année 2019, nous étions certains que les taux de crédit immobilier ne pouvaient pas augmenter grâce à l’interventionnisme massif des banques centrales ; Résultat, à la fin de l’année 2019 et dans 2 premiers mois de l’année 2020, les taux ont légèrement augmentés sous la pression des mêmes banques centrales et devant la nécessité pour les banques d’augmenter leur niveau de marge.
Bref, le retournement de veste est un art particulièrement bien pratiqué par les prévisionnistes de taux de crédit immobilier, dont je fais partie. Globalement, on en sait rien. On peut essayer de comprendre, d’anticiper… mais l’humilité est une qualité qui peut probablement être améliorée sur cette question (et sur tant d’autres).
Et c’est donc en toute humilité, que nous devons aborder cet article. Il ne s’agit pas d’affirmer quoi que ce soit, mais simplement d’essayer de comprendre pour anticiper l’évolution future des taux de crédit immobilier tant il est certain que la crise du coronavirus modifie toutes les analyses et prospectives pour les mois et peut être même les années à venir. Essayons de réfléchir ensemble.
Pour nous aider à réfléchir, aidons nous d’une récente analyse de Natixis Research et de Patrick Artus parue sous le titre « Vers une pentification des courbes des taux d’intérêt des pays de l’OCDE après le coronavirus« . Dans cette analyse, La recherche économique de Natixis croit pouvoir mettre en avant deux conséquences de la crise du coronavirus qui auront une influence sur le niveau des taux d’intérêt long terme et donc des taux de crédit immobilier :

  • Les politiques budgétaires très expansionnistes mises en place dans tous les pays pendant la crise, sur le même modèle qu’en 2008-2009 vont conduire à un taux d’endettement public plus élevé que celui qui était anticipé, à une dégradation de la qualité de crédit des États déjà visible, donc à une pression à la hausse sur les taux d’intérêt à long terme déjà visible.

Il s’agit là d’un mouvement qui semble déjà engagé. Il suffit de regarder la hausse du niveau du taux d’emprunt de l’état Français qui est passé de -0.31% le 2 mars à +0.14% hier, le 24 Mars, même si le mouvement n’est pas encore spectaculaire au regard de l’extrême faiblesse des taux avant la crise.

 

 
 

  • La crise du coronavirus va conduire au retour à des chaînes de valeur régionales, avec une production, dans chaque région, plus proche de l’acheteur final des biens, la fragilité des chaînes de valeur mondiales ayant été une fois de plus démontrée.

Ceci va ramener vers les pays de l’OCDE des productions qui étaient auparavant réalisées dans des pays émergents aux coûts salariaux faibles, ce qui est inflationniste, et pousse donc vers le haut les taux d’intérêt à long terme.

Il s’agit là d’une tendance engagée depuis de longs mois, et qui pourrait connaître une accélération dans le monde post coronavirus. Plus que jamais, les consommateurs pourraient imposer une modification de leur manière de consommer au profit d’une consommation profitable à chacun et au développement durable de l’économie. C’est là l’un des sujets que nous développons depuis des années et qui est même au cœur de notre stratégie d’investissement 2020 : « La grève du consommateur va t’elle accélérer la mutation du capitalisme ? Who is John Galt ? ».

Que de chemin parcouru depuis quelques mois. Ces discours autour d’une remise en cause de la mondialisation était marginaux et iconoclastes il y a encore quelques mois. Aujourd’hui, ils sont repris partout comme une évidence. Je me souviens encore le jour ou j’ai écrit cet article « [Réflexion] Et si TRUMP avait raison ? Le protectionnisme est il une solution ?« . A l’époque, je me suis senti obligé d’écrire [réflexion] en début d’article par peur de totalement assumer le propos d’une nécessaire remise en cause de la mondialisation.

Pourtant, aujourd’hui, en le relisant, il me semble d’une évidence telle que je me demande pourquoi j’ai craint de vous faire part de cette opinion. Ceux d’entre vous qui voudraient approfondir ces questions pourront lire « Les champignons de la fin du monde« , ouvrage dans lequel on comprend mieux ce que signifie « chaîne de production mondialisée » et autre supply chain.

 
 

Au final, je crois qu’il est important de revoir nos certitudes. L’idée de taux d’intérêt éternellement bas n’est elle pas une illusion ?

Une hausse de taux de crédit immobilier n’est pas une hypothèse farfelue pour les prochains mois.
A suivre …