Attaquons-nous aujourd’hui au mythe de la Société Civile Immobilière (SCI), un outil patrimonial d’une efficacité redoutable pour celui qui sait s’en servir, mais surtout, d’une inutilité tout aussi redoutable pour la grande majorité d’entre vous qui créez une SCI sans en connaître véritablement l’intérêt.
Créer une SCI, c’est simple et relativement peu onéreux si vous le faites-vous même et que vous vous investissez dans la rédaction des statuts comme nous vous le présentons dans cet article « Rédiger les statuts d’une SCI : Télécharger un modèle gratuit et l’adapter à ses besoins patrimoniaux », dans lequel nous vous proposons un modèle de statuts commentés.
Pour les autres, vous devrez faire confiance à un professionnel du droit (notaire, avocat), ou du chiffre (expert-comptable) pour créer votre société et vos statuts (qui seront au final très proche des modèles standards que vous auriez pu télécharger gratuitement ailleurs, mais ça, c’est un autre sujet). Il vous en coutera entre 1000€ et 2000€ selon le professionnel et le niveau de ces honoraires.
Vendre de la « création de SCI » est un business comme un autre. Lorsque vous consultez un professionnel du droit ou du chiffre pour créer une SCI, il est rare qu’il vous conseille sur l’intérêt ou non d’une telle création. Les professionnels qui refusent un client sont rares d’autant plus qu’ils ne sont pas payés s’ils vous suggèrent de ne pas faire :
Lorsque vous consultez un courtier en crédit immobilier, il est rare qu’il vous conseille de ne pas faire un crédit immobilier ;
Lorsque vous consultez un agent immobilier, il est rare qu’il vous conseille de ne pas investir dans l’immobilier ;
Lorsque vous consultez un expert-comptable, il est rare qu’il vous conseille de ne pas créer une nouvelle société ;
Lorsque vous consultez un notaire, il est rare qu’il vous conseille de ne pas faire un acte.
 
Ainsi, rares sont ceux qui s’interrogent véritablement sur l’intérêt de créer une SCI car la grande majorité d’entre vous restez sur des idées reçues, des certitudes, des légendes urbaines qui veulent qu’avoir sa SCI est formidable !
Pourtant, je puis vous assurer qu’il n’en n’est rien. Dans la grande majorité des cas, la SCI ne sert à rien ! Ou du moins, elle est insuffisamment optimisée pour pouvoir être véritablement utile dans la gestion du patrimoine des associés. Bref, vous êtes des milliers à avoir une SCI parce que votre expert-comptable vous l’a conseillé, sans véritablement savoir qu’elle en est l’intérêt autre que celui de payer 500€ à 1000€ chaque année en frais de comptabilité.
Faisons donc le point sur le mythe de la SCI est essayant de faire la liste des avantages et inconvénients.
 

Quels sont les avantages de la SCI dans la gestion d’un patrimoine immobilier ?

Une Société Civile peut être Immobilière, mais aussi patrimoniale.

Pour soucis de facilité, nous utilisons principalement le terme de SCI (Société Civile Immobilière) lorsque l’on évoque la question large des Sociétés Civiles. Il s’agit en réalité d’un abus de langage et nous devrions préférer le terme de Société Civile Patrimoniale tant l’objet social peut être large et non limité aux seuls investissements immobiliers.
Il est tout à fait possible de gérer un portefeuille titre, des actions, ou tout autre activité civile dans une société civile comme nous l’évoquions déjà dans cet article « Constituer une Société Civile Patrimoniale (SC Pat) plutôt qu’une Société Civile Immobilière (SCI) ?« .
 

Une société civile permet d’éviter l’inconvénient d’une gestion en indivision.

Créer une société civile lorsque l’on gère un patrimoine immobilier dont la propriété est indivise permet d’éviter l’inconvénient de l’indivision et sa lourdeur administrative. En effet, au terme des articles 815-2 et 815-3 du code civil, si en principe tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence et peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers, il faudra la majorité des 2/3 pour :
1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
 
Bref, gérer une indivision, c’est courir en permanence après les signatures et consentement des membres de l’indivision. Une gestion administrative qui peut devenir lourde, même si un mandat large et une convention d’indivision pourront régler une partie des problèmes attachés aux actes de gestion du quotidien.
Créer une SCI est alors une solution pour éviter cette gestion de l’indivision. La nomination d’un gérant au pouvoir large permettra d’atteindre les mêmes objectifs que la convention d’indivision pour un coût supérieur. Mais attention, le gérant devra toujours agir de manière transparente vis à vis des autres associés. Une SCI, ce n’est pas donner le blanc-seing au gérant, c’est simplement lui permettre d’engager la responsabilité de la société… ce qui ne l’empêchera pas d’être responsable de ces actes devant les associés.
L’investissement en indivision est souvent une solution plus simple et tout autant efficace. La SCI ne supprimera jamais une bonne réflexion sur la transmission de votre patrimoine. Posez-vous cette question essentielle : Vos enfants auront ils l’envie de continuer à gérer votre patrimoine ensemble lors que vous ne serez plus là ! Pourquoi leur imposer une gestion collective ? Chacun n’a-t-il pas vocation à gérer personnellement sa part, selon ses projets de vie ? (cf »Faut-il faire une SCI pour investir dans l’immobilier ? Attention, la SCI n’est pas meilleure que l’indivision »)
 

Une société civile, c’est surtout un outil pour optimiser la transmission d’un patrimoine immobilier ou financier.

Il ne faut pas se mentir, l’intérêt principal de la SCI c’est la transmission du patrimoine. Mais attention derrière cette belle idée largement répandue, il est essentiel de clarifier le propos : Ce n’est pas vrai dans tous les cas. Créer une SCI, ne suffit pas à transmettre un patrimoine sans droits de succession ; Il faut accompagner la SCI d’une gestion comptable rigoureuse et d’une véritable stratégie.
Comme nous vous l’expliquions dans cet article « SCI : Faut-il tenir une comptabilité ? L’expert-comptable est-il obligatoire ou recommandé ?« , c’est l’absence de tenue d’une comptabilité associé à la création de la SCI qui permet aux associés de SCI de transmettre un capital sans droit de succession ; La SCI permet une forme de « fraude fiscale » qui trouve son origine dans la non prise en compte du compte courant d’associé dans la déclaration de succession.
Bref, oui, la SCI peut permettre de transmettre un capital en franchise de droits de succession, mais cela ne va pas de soi ; Il faut mettre en place une véritable stratégie autour de la SCI comme nous vous l’expliquons dans nos livres « Investir dans l’immobilier » ou « Succession« .
 

Investir via une Société Civile, c’est pouvoir choisir l’impôt sur les sociétés.

Mais pouvons-nous vraiment parler d’un avantage ? La SCI à l’IS est un mythe qu’il faut combattre. L’intérêt est minime et réservé à de très rares situations comme nous l’évoquons dans cet article « Immobilier locatif : La SCI à l’impôt sur les sociétés (SCI à l’IS) est-elle une option fiscale intéressante ? ».
 
 

Quels sont les inconvénients de la SCI pour investir dans l’immobilier ?

Investir via une SCI, c’est s’interdire de faire de la location meublée !

S’il est théoriquement possible de faire de la location meublée via une société civile puisqu’il s’agit d’une activité civile, sa qualification commerciale au plan fiscal aura des conséquences peu heureuses pour les associés. Ainsi, faire de la location meublée dans une SCI, c’est perdre la semi-transparence fiscale au profit d’une imposition à l’impôt sur les sociétés. Vous ne pourrez donc pas bénéficier du régime fiscal de la location meublée en investissant via une SCI comme nous vous l’expliquions dans cet article « Location meublée et SCI, c’est prendre le risque d’une imposition à l’impôt sur les sociétés (IS)« .
 

Investir via une SCI, c’est parfois se compliquer la vie pour un intérêt minime.

Savoir gérer son patrimoine, c’est aussi savoir gérer le temps que l’on y consacre. Quel est l’intérêt de créer une société civile, de payer 1000€ / an de frais de comptabilité, si l’intérêt est faible et minime ; Cumulés sur la vie de la SCI, ces frais de comptabilité et autres contraintes de gestion peuvent s’avérer très onéreux.
L’objectif de transmission devra alors être parfaitement travaillé pour justifier de payer ces frais annuels, sauf cas de « fraude » évoqué ci-avant ;-(
 
 

Investir via une SCI, c’est prendre le risque d’une double imposition de la plus-value immobilière.

Il s’agit là d’un argument rarement évoqué, mais il est pourtant majeur. Dans le cadre d’un investissement en SCI, il y a n risque de double imposition de la plus-value immobilière puisque la succession ou la donation des parts ne purge pas l’impôt sur la plus-value immobilière qui sera constaté lors de la vente de l’immeuble.
Ainsi, lorsque les parents font une donation des parts de la SCI à leurs enfants, ce sont leurs enfants donataires qui devront supporter le paiement de l’impôt sur la plus-value immobilière calculée depuis l’origine de la détention de l’immeuble par la SCI.
Prenons un exemple pour comprendre.
Monsieur X possède une SCI. Cette dernière est propriétaire d’un immeuble locatif acheté 100 000€ en N-1 et dans lequel Monsieur X a fait des travaux, générateur de déficits fonciers. Les travaux valorisent l’immeuble.
Monsieur X fait une donation des parts de la SCI pour une valeur vénale de 200 000€ (valeur des parts de la SCI au jour de la donation).
15 ans plus tard. L’immeuble détenu par la SCI vaut 300000€. La SCI vend l’immeuble pour 300 000€. La plus-value immobilière sera calculée par différence entre le prix de cession de l’immeuble (300 000€) et le prix d’acquisition de l’immeuble par la SCI (100 000€), soit 200 000€ de plus-value immobilière taxable alors même que les enfants propriétaires des parts auront reçu les parts pour une valeur de 200 000€.
Dans cette hypothèse très précise, la SCI présente un coût fiscal non négligeable qui n’aurait pas été supporté par les associés s’ils étaient restés en indivision (cf »SCI : le piège de la plus-value immobilière. »).
 

Enfin, et contrairement aux idées reçues, la SCI ne permet pas de réduire l’impôt sur le revenu !

Jamais !