La pandémie touchant à sa fin, l’économie devrait progressivement revenir à son fonctionnement «normal». Devrait, mais comme rien n’est simple, ce n’est pas certain du tout.
Depuis quelques semaines, les taux longs montent de manière spectaculaires tant nous n’y étions plus habitués, et les «spreads 10ans» c’est à dire les écarts de taux longs entre les différents États ont tendance à s’accentuer.
Je ne parle pas ici des taux courts de base, fixés autoritairement par les banques centrales qui sont autour de zéro ou un peu en dessous, que ce soit en zone euro ou dollar, même si BCE et FED pensent à les augmenter un peu en 2022.
Les taux des obligations d’États 10 ans sont en principe fixés par le marché, la loi de l’offre et de la demande, selon la confiance qu’il accorde à chacun des pays, (du monde) en fonction de divers facteurs économiques, ou même se stabilité politique.
Les champions toutes catégories en la matière sont les pays «européens du nord» à commencer par les allemands. Les pays du sud, dont nous faisons partie, auxquels on accorde une confiance moindre, parce que leur commerce extérieur est déficitaire, et leur économie plus faible, voient le coût de leurs emprunts monter plus vite.
Aujourd’hui 14/02/2022
- Allemagne : 0,20 %
- Pays Bas : 0,37 %
- France : 0,69 %
- Italie : 1,90 %
- Grèce : 2,59 %
- Pour mémoire taux 10 ans US : 1,94 %
L’Affaire n’est pas nouvelle, et à l’époque des monnaies nationales, les taux des monnaies faibles montaient , et les États étaient obligés de dévaluer leurs monnaies, de manière à redonner une vérité à leurs cours en même temps qu’un regain de compétitivité aux pays concernés.
Depuis l’euro, les écarts de spreads sont toujours là, mais comme on ne peut plus dévaluer, d’autres mécanismes doivent être mis en œuvre, tant que l’on souhaitera conserver la cohésion de l’euro.
Ce fut le fameux « whatever it takes » de Draghi. Et les QE, pour «payer les marchés»
Avec la pandémie, ce mécanisme de mise à dispositions de liquidités aux États s’est encore accentué, avec le Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP), programme d’achat exceptionnel que nous connaissons depuis deux ans.
Il s’agit d’une possibilité d’achat d’obligations sans limites ni contraintes de la part de la BCE pour quelques États de la zone euro.
Ce programme, est différent du programme en vigueur depuis 2014, et prolongé sans limite depuis, le Asset Purchase Programme (APP) programme de rachat d’actifs présentant plusieurs contraintes par rapport au PEPP, surtout le fait que les rachats soient proportionnés au capital détenu par les banques centrales nationales dans celui de la BCE, ce qui évidemment change la donne pour les pays du sud.
Or le passage du PEPP au APP approche, il serait normalement prévu pour la fin du 1er trimestre 2022.
Les rachats d’actifs avaient à l’origine deux objectifs :
- Maintenir la cohésion européenne en finançant les déficit des États les plus fragiles.
- Augmenter l’inflation, qui rappelons le était trop faible pour essayer d’arriver à l’objectif de la BCE : 2 %
Parallèlement, les banques centrales étant un acteur essentiel et concurrent déloyal du marché sur les achats obligataires, cette politique avait pour effet de peser sur les taux puisque les rachats se font aux conditions des banques centrales, plus basses que celles des marchés, et bien sûr avec le Covid, cela maintenait les taux à zéro.
Tous les programmes de financiarisation de l’économie par cette voie, se trouvent par conséquent entraîner deux effets contradictoires :
- En agissant positivement sur l’activité économique, la politique monétaire doit permettre d’augmenter l’inflation ;
- Faire baisser les taux.
( alors que la base de la lutte contre l’inflation est l‘augmentation des taux comme ce fut le cas de 1980 à 2000)
Nous voyons bien le dilemme de la BCE :
- -Soit elle veut lutter contre une inflation qui pourrait devenir hors de contrôle, elle limite alors les rachats d’actifs en revenant à l’APP, et c’est ce qui inquiète les marchés, fait augmenter les taux, et accentue les spreads en ce moment. Compte tenu des montants déversés jusqu’ici, cela pourrait fragiliser aussi les marchés obligataires et actions, et peut être toute la zone euro. ==> C’est ce qu’il explique la baisse des cours de bourse ce matin.
- -Soit elle continue la politique de financiarisation, et alimente l’inflation…et à terme les taux au risque de perdre le contrôle de la hausse des prix.
Rajoutons à cela que les pays du nord et ceux du sud n’ont pas exactement les mêmes intérêts ( en dehors de leurs taux respectifs !!!), et qu’une fois le virus éliminé, les élections françaises passées, quelques discussions sérieuses auront certainement lieu entre cigales et fourmis.
On peut se poser la question : dort on bien à la BCE ? Le diable de Charles Trenet ( celui de la java du diable) vient-il chatouiller les pieds de Mme Lagarde la nuit ?
Rappelons nous en effet, qu’au début de la mandature de la nouvelle présidente, lorsque celle ci avait dit dans une conférence de presse qu’elle n’était pas là pour surveiller les écarts de spread, les marchés avaient vacillé, au point qu’un correctif fut immédiatement apporté.
Le plus probable serait que l’on trouve une solution de moyen terme entre APP et PEPP, d’autant plus que la financement de la conversion énergétique sera un gouffre financier.
Il semble nécessaire qu’une politique définitive soit décidée sur ce point, pour que la marche en avant des marchés reprenne sereinement, à moins bien sur que le conflit ukrainien passe au stade militaire, ce qui changerait un peu la donne pour l’immédiat, ( sans modifier le fond du problème) en ouvrant peut être une fenêtre pour des opportunités d’achats.
Ce matin avec une baisse de 3 %, les marchés semblent prendre acte de cette dernière possibilité, les taux d’emprunts des pays du nord baissent légèrement, leurs obligations servant de valeur refuge, et les spreads avec les pays du sud augmentent un peu plus.
« Whatever it takes » plutôt, non ? 😉
Merci. Problème de copier/coller
il est certain qu’il faut savoir ce que l’on veut, à la fin… On veut une économie de marché, ou une économie planifiée, type soviétique ?
Pour le coup, ces taux négatifs de ces derniers temps n’avaient rien de logique, dans une économie de marché, c’était même un non sens. On était plutôt dans une économie subventionnée par les Etats, depuis au minimum 2008. Mais comme une croissance du PIB sans endettement massif de l’Etat est impossible, tout le monde est coincé. Personne n’ose voir la réalité en face, à savoir qu’une croissance continue est impossible, dans un monde qui n’est pas extensible, surtout avec la contrainte liée au climat. Alors, on triche, mais pendant combien de temps ?
Faut-il craindre une nouvelle crise financière ?
Les crises financières surviennent au terme d’une période durant laquelle trois types de dérèglements se cumulent :
des dérèglements macroéconomiques (taux d’intérêt anormalement bas, excès de distribution de crédit) ;
des dérèglements réglementaires (acceptation de produits financiers trop risqués, mauvaise qualité de l’information sur ces produits financiers, libéralisation excessive des marchés financiers) ;
des dérèglements comportementaux (apparition de croyances qui deviennent consensuelles et qui sont infondées).
Ces trois types de dérèglements sont-ils présents aujourd’hui, ce qui devrait faire craindre le déclenchement d’une nouvelle crise financière ?
Les dérèglements macroéconomiques sont certainement présents, avec le niveau anormalement bas des taux d’intérêt maintenu par les Banques Centrales et l’extrême abondance de la liquidité ;
la réglementation des banques, des assureurs, des fonds de pension, des marchés financiers est très stricte ; pourtant on voit que les primes de risque fournies par certains actifs financiers sont anormalement faibles par rapport à la réalité du risque ;
on a aussi observé des hausses violentes des prix de certains actifs financiers (actions des sociétés technologiques, matières premières liées à la transition énergétique, cryptomonnaies) liées à l’apparition de la croyance que les prix de ces actifs allaient continuer à augmenter.
Les trois dérèglements nécessaires à l’apparition d’une crise financière dans le futur sont donc bien présents aujourd’hui.
https://www.research.natixis.com/Site/en/publication/0lVOJllLo4IRxBA8PXmBFX3Y09lZIpJ3Fpc1knloH_k%3D?from=email
« Les crises financières surviennent au terme d’une période durant laquelle trois types de dérèglements se cumulent »
Ne pensez vous pas que vous oubliez un facteur déterminant….le prix de l’énergie ! (Pétrol a 96%$)Et là aujourd’hui je ne le vois que monter! Les dégâts vont êtres déstabilisants.
Ce n’est que mon point de vue mais je pourrais parier gros sur le résultat.
Et le pétrole ne peut que continuer à monter, quoiqu’il arrive ( il y aura sans doute toujours des soubresauts à la baisse, mais à long terme, la tendance ne peut que être à la hausse, comme l’explique très bien l’ingénieur énergéticien Jancovici). C’est effectivement le pétrole qui est à la base de tout dans nos économies modernes. Il est sidérant de voir que NAtixis n’y fait pas mention , ils n’ont plus aucune conscience des réalités ???? .
Sans pétrole pour mettre dans les machines, comment extraire, transporter les matières premières, puis comment les transformer, les distribuer, ect… Comment fabriquer des panneaux solaires , des éloiennes, ou même des pneus sans pétrole ? La production de pétrole conventionnel n’augmente plus depuis plusieurs années, la production de pétrole non conventionnel ( qui lui a augmenté ces dernières années, principalement aux USA et Canada) revient très cher et est lui même trés consommateur d’énergies fossiles…. ( sans compter les dégats environementaux, c’est c’est une autre histoire… )
La seule chose qui peut nous sauver d’une catastrophe annoncée(mais non prévue par nos hommes politiques-qui ne semblent avoir aujourd’hui aucune analyse et vision à long terme) serait de trouver un moyen de stocker l’électricité……ou bien d’arrêter de consommer!!!
Manu convaincra-t-il Olaf de dépenser toujours plus ? Olaf acceptera-t-il de garantir les dettes de Manu ? Christine arrivera-t-elle à faire oublier Mario ?
La suite dans la prochaine saison de Plus belle l’Europe.
Brrrrr !!!
L’article de Natixix est nettement plus pessimiste que le mien !!
je ne suis pas sur que la locution « crise financière » soit vraiment adaptée, bien que je sois tout a fait d’accord sur les raisons évoquées.
Je dirais plutôt que le marché a besoin d’une purge, en particulier dans les domaines ou des excès ont été commis.
Et qu’il faut pour cela un élément déclencheur.
On sent quand même que les mouvements tectoniques se rapprochent.
Pour tous les optimistes qui déliraient sur les fabuleuses perspectives d’une relance éco(il)logique et hypertechnologique, bienvenue dans la réalité économique et financière.
Pouvez vous parler de chute, car une baisse, une correction , de 3% après des gains très très importants (+40% en 5ans), le CAC40 demeurant à 6800, cela mériterait donc d’être qualifié plus raisonnablement.
Bonsoir LE SAOUT, et tous,
Le titre de l’article est une « accroche ».
Nous essayons sur le blogpatrimoine, de vous donner un certain nombre d’éléments pour vous permettre de gérer le mieux possible votre portefeuille.
Il s’agit essentiellement de comprendre ce qui se passe, en temps réel , d’analyser les risques, et si possible avec un peu d’avance.
Cet article est en lien avec un précédent, sur l’inflation, que je vous recommande de (re)lire :
https://www.leblogpatrimoine.com/bourse/edito-linflation-et-les-taux-negatifs-une-opportunite.html
Depuis la rentrée 2021, le contexte n’est plus aussi porteur qu’il ne l’a été dans la période post crise de mars 2020, et nous avons des secousses qui semblent se rapprocher.
Le marché du CAC 40 perd environ 3% aujourd’hui, (demain il remontera peut être) et depuis ses plus hauts à 7300, cela ne fait que 8% environ. Et comme vous le dites, comparé à la hausse précédente ce n’est pas beaucoup.
Il semble logique de dire qu’une correction plus importante serait bienvenue si l’on veut repartir du bon pied.
Vous voyez, il s’agit d’un ensemble de facteurs aussi bien techniques, que de fond qui animent notre réflexion.
Si vous suivez bien tout cela , vous en déduirez que les marchés sont actuellement progressivement pris par le doute, et qu’une étincelle peut y mettre le feu.
On pense à L’Ukraine bien entendu, mais la plupart du temps ce ne sont pas les événements attendus qui sont les pires.
D’ailleurs en réalité les marchés n’y croient pas vraiment ( qui sait peut être à tort)
Personne n’irait se battre pour l’Ukraine !!!
Malgré tout, cela créerait de sérieux problème de coût de l’énergie, (quid de l’approvisionnement en gaz) et renforcerait l’inflation, en même temps qu’une rechute de la croissance. Pas bon…
Il y a donc déjà quelques temps que les marchés se cherchent, et si ce n’est pas l’Ukraine, il y aura surement autre chose en 2022.
De mon point de vue, la sortie de crise est un passage délicat à piloter, mais on ne peut l’éviter.
Le marché action recule peu pour le moment, il reste le seul qui peut se valoriser en période d’inflation et de hausse des taux (à condition d’être sélectif sur les entreprises avec ‘price power’). Mais il va continuer à subir régulièrement des décrochages soudains comme depuis le début de l’année. Il va donc falloir une gestion active permanente, et jongler entre le cash sur livrets, les obligations (qui baissent temporairement à chaque choc boursier), et les actions. Bonne chance !
Bonjour