Le quasi-usufruit apparaît souvent comme un paradis fiscal et patrimonial pour beaucoup qui aiment à penser qu’il serait possible de donner sans donner.

Une stratégie patrimoniale qui permettrait d’utiliser les abattements fiscaux favorables à la transmission à titre gratuit d’une somme d’argent tout en conservant l’usage et le pouvoir sur ladite somme d’argent.

Un quasi-usufruit qui pourra être obtenu au terme d’une donation ou la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par exemple.

Pourtant, l’adage notarial « Donner et retenir ne vaut » que j’aime à traduire par « Donner c’est donner, reprendre c’est voler » est toujours applicable, y compris dans le cadre d’un quasi-usufruit.

C’est au terme de l’article 894 du code civil que cet adage prend racine :

« La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte »

Article 894 du code civil

Une donation suppose : l’intention de libérale, c’est-à-dire l’envie, l’intention de transmettre son patrimoine à un tiers ; Une intention libérale qui suppose un « dépouillement », un appauvrissement « actuel » et « irrévocable » du donateur au profit du donataire.

Faire une donation, c’est accepter de perdre le pouvoir et la propriété de la chose donnée. Une perte de pouvoir immédiate et irrévocable.

Ces mots sont essentiels. Ils conditionnent tous les actes de donation, y compris lorsqu’elle porte sur une somme d’argent.

Si vous n’êtes pas disposé à définitivement perdre le pouvoir sur la chose donnée, il ne faut pas faire la donation ! (cf. « Succession : Quand faire une donation à ses enfants ? Quelles conditions pour ne pas le regretter ?« ).

La possibilité d’un quasi-usufruit ne fait pas exception.

Contrairement à une certaine pratique, un quasi-usufruit ce n’est pas une stratégie pour donner sans s’appauvrir immédiatement et de manière irrévocable.

Le quasi-usufruitier perd le pouvoir sur la chose donnée. Il pourrait ne pas pouvoir disposer librement de la somme d’argent si les nus propriétaires l’en empêchaient.

L’article 587 du code civil dispose que l’usufruitier d’une somme d’argent, devenu quasi-usufruitier, supporte la charge de rendre au nu-propriétaire, à la fin de l’usufruit, c’est-à-dire, au décès de l’usufruitier, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution (article 587 du code civil).

Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

Article 587 du code civil.

Une charge forte pour le quasi-usufruitier qui ne sera en réalité pas totalement libre de disposer de l’argent. Il en va de la remise en cause de la libéralité et des droits des nus propriétaires.

N’oubliez pas : Donner et retenir ne vaut – Donner c’est donner, reprendre c’est voler.

Le quasi-usufruit pourrait donc se voir imposer une gestion conservatrice du quasi-usufruit s’il ne veut pas être contraint et forcé par un nu propriétaire aidé du juge.

En réalité, le quasi-usufruitier n’est pas totalement libre de dépenser la somme soumise au quasi-usufruit. Cette liberté de dépenser librement la somme soumise au quasi-usufruit est soumise à l’accord, à minima tacite, des nus propriétaires.

Ce sont les articles 600 à 603 du Code Civil qui encadre les devoirs de l’usufruitier.

L’usufruitier prend les choses dans l’état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l’usufruit.

Article 600 du code civil

Il donne caution de jouir raisonnablement, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution.

Article 601 du code civil

Si l’usufruitier ne trouve pas de caution, les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre ; Les sommes comprises dans l’usufruit sont placées ;

Les denrées sont vendues et le prix en provenant est pareillement placé ;

Les intérêts de ces sommes et les prix des fermes appartiennent, dans ce cas, à l’usufruitier.

Article 602 du code civil

A défaut d’une caution de la part de l’usufruitier, le propriétaire peut exiger que les meubles qui dépérissent par l’usage soient vendus, pour le prix en être placé comme celui des denrées ; et alors l’usufruitier jouit de l’intérêt pendant son usufruit : cependant l’usufruitier pourra demander, et les juges pourront ordonner, suivant les circonstances, qu’une partie des meubles nécessaires pour son usage lui soit délaissée, sous sa simple caution juratoire, et à la charge de les représenter à l’extinction de l’usufruit.

Article 603 du code civil

Si ces articles ne sont pas d’ordre public, ce n’est pas pour autant que le quasi-usufruitier pourra disposer librement et sans contrainte des sommes soumises au quasi-usufruit : Il en va de la remise en question de la donation pour fictivité.

D’autant plus que l’article 1094-1 du code civil est lui d’ordre public. Cela signifie qu’il ne peut pas être écarté par la volonté des parties via une clause dans l’acte de donation ou dans la clause bénéficiaire démembrée du contrat d’assurance-vie) :

Les enfants ou descendants pourront, nonobstant [NDLR= en dépit de, malgré] toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant aux biens soumis à l’usufruit, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu’état des immeubles, qu’il soit fait emploi des sommes et que les titres au porteur soient, au choix de l’usufruitier, convertis en titres nominatifs ou déposés chez un dépositaire agréé.

Article 1094-3 du code civil

Bref, même sous quasi-usufruit, le quasi-usufruit ne peut pas faire ce qu’il veut de l’argent soumis au démembrement ! Il faut l’accord, même tacite, des nus propriétaires qui acceptent l’usage des capitaux.

L’abus de jouissance de l’usufruitier ou l’arme du nu propriétaire pour faire valoir ses droits.

Toujours la même histoire. Donner c’est donner, reprendre c’est voler.

La non fictivité de la donation repose sur le dépouillement actuel et irrévocable du donateur en sus de l’intention libérale.

Le donateur devenu quasi-usufruitier perd le pouvoir et la propriété sur la chose donnée. Il n’est plus propriétaire et ne pourra donc plus se comporter comme tel.

La sanction de l’abus de jouissance de l’usufruitier est clairement indiqué à l’article 618 du code civil :

L’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien.

Les créanciers de l’usufruitier peuvent intervenir dans les contestations pour la conservation de leurs droits ; ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises et des garanties pour l’avenir.

Les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances, ou prononcer l’extinction absolue de l’usufruit, ou n’ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l’objet qui en est grevé, que sous la charge de payer annuellement à l’usufruitier, ou à ses ayants cause, une somme déterminée, jusqu’à l’instant où l’usufruit aurait dû cesser.

Article 618 du code civil

Au final, si le quasi-usufruit reste une excellente stratégie patrimoniale, attention aux excès. Donner, c’est donner !

Le donateur, même soumis au quasi-usufruit, doit être prêt à perdre le pouvoir et la propriété de la chose donnée.

A suivre.

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