L’édito de Julien Bonnetouche.

Doit-on s’inquiéter de l’expansion de la dette mondiale, ou au contraire considérer que cet endettement est une chance pour les investisseurs ?

Nous le savons bien, surtout ici sur le blogpatrimoine, notre pays est très endetté : 3000 milliards d’euros.

Nous savons aussi que nous ne pourrons jamais la rembourser, ce qui en son temps a fait dire à François Fillon alors premier ministre, que nous étions un État en faillite. Mais, et ce n’est pas forcément rassurant, nous sommes loin d’être les seuls.

300.000 milliards de dollars, c’est la dette mondiale, soit 350% du PIB mondial, dont un peu moins de la moitié serait des dettes des États (soit -+ 150 000 milliards de dollars).

Notre part est donc 1 % de l’endettement mondial, tout comme nous sommes à l’origine de 1 % du CO2 mondial. Je ne sais s’il y a une corrélation, mais finalement ce n’est pas beaucoup, et nous ne sommes pas le centre du monde de la dette.

Aux USA, tout est toujours plus grand, et la dette totale représente environ 30000 milliards de dollars. Eux non plus ne rembourseront jamais, mais comme chacun le sait, ils fabriquent les dollars, tout comme la BCE fabrique les euros depuis moins longtemps.

Si l’on regarde les choses avec un peu de recul, la société occidentale moderne (le bloc Amérique -Europe) a réussi pour le moment ce que John Law avait essayé de faire sans succès sous la Régence : Émettre du papier monnaie pour une valeur supérieure à sa garantie possible par le trésor tout en conservant la confiance des intervenants du marché.

On doit rappeler que dans le passé encore récent (avant l’euro) il y avait toujours des éléments de comparaison quand un État gérait mal ses finances : il s’agissait des monnaies des États voisins, l’Amérique, l’Allemagne, la Suisse… Autrefois l’Angleterre. Et sous la pression, on dévaluait.

De nos jours, on n’en parle pas assez souvent, mais nombre de monnaies voient leurs cours dévaluer fréquemment, le rouble, la livre turque par exemple, mais aussi celles d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie. Certains d’entre eux sont même sous tutelle du FMI.

Et nous, nous empruntons à tire-Larigot sans que rien ne se passe sur le niveau de change de l’euro ; seulement contre le Franc Suisse et qui est tombé à 0,98FS contre 1,10FS il y a 2 ans.

Comme la Suisse, c’est petit, personne ne fait attention…

En tout cas pas d’attaque en règle contre l’euro, comme la dernière en date qui fut celle de Georges Soros contre la banque d’Angleterre en 1992. Le morceau est aujourd’hui trop gros.

On ne voit même pas d’où cela pourrait venir, bien que certains Cassandre prédisent un effondrement imminent, mais toujours repoussé plus loin, du système monétaire international.

La Chine bien entendu aurait la taille critique suffisante, mais comme le yuan n’est pas une devise échangeable, il n’y a pas de risque. Et comme la Chine est une dictature, les dictateurs étant jaloux de leur pouvoir, et qu’on ne sait jamais, ce n’est pas près de changer.

Malgré tout, des signes d’inquiétudes apparaissent.

Cette année, le remboursement des intérêts de la dette française est de 50 milliards d’euros environ en nette augmentation, (l’équivalent du budget de l’éducation nationale) ce qui conjointement avec les troubles sociaux nous vaut une dégradation de notre note, de la part des agences de notation.

Le président Macron en a bien pris conscience maintenant, la réforme des retraites et son engagement personnel dans un processus de « réindustrialisation » du pays en témoignent.

(on nous a expliqué que la part de l’industrie dans le PIB n’était plus que de 10 % alors qu’elle est le double en Allemagne.)

Malheureusement, tout cela prend du temps, et surtout risque d’être insuffisant au regard des besoins de financement futurs :

  • la transition écologique qui coûtera beaucoup et ne rapportera que peu.
  • les dépenses militaires en forte croissance.
  • le vieillissement de la population, qui coûte cher en retraites et en soins.
  • la baisse de natalité quasi générale y compris en Chine, mais pas en Afrique, avec son impact sur le dynamisme économique et les migrations.
  • La révolution des nouvelles technologies et de l’IA qui vont impacter durablement beaucoup emplois.
  • Sans compter la faiblesse des dirigeants politiques devant la pression populaire qui n’a pas envie de faire plus d’efforts.

On peut se dire que la course à l’endettement va donc continuer. Et elle va continuer dans la quasi-totalité du monde, car ailleurs, c’est souvent pire que chez nous.

À ce stade du raisonnement, les épargnants soucieux de préserver leur patrimoine doivent se demander comment s’y prendre devant ce nouveau monde monétaire, dans lequel nous sommes entrés progressivement depuis 2008.

Les dévaluations et les guerres ont joué leur rôle dans l’Histoire, créant des chocs psychologiques aussi bien que des dynamiques efficaces de reprise dans la reconstruction des champs de ruines. C’étaient des repères identifiables.

De nos jours, en l’absence de cataclysme mondial pour l’avenir immédiat, il n’y a plus qu’un seul élément directeur : le remboursement des intérêts de la dette. (pas la dette elle-même). Il doit être supportable, et pour y parvenir, il est indispensable que les taux d’intérêt restent faibles et peut-être même négatifs. Des taux de crédit inférieur à l’inflation sont la solution pour réduire mécaniquement la dette.

Disons le fort et clair : il n’y a pas d’autre bonne option, car si les taux devaient rester élevés d’une façon durable, avec des écarts de spread importants entre les pays européens, un éclatement des structures internationales artificielles comme l’euro deviendrait le risque N°1.

En effet, certains pays ( l’Allemagne entre autres) pourraient ne pas accepter très longtemps de payer pour les autres dans une organisation aussi déséquilibrée, et dans laquelle, ils finiraient par perdre plus qu’ils n’y gagnent.

On peut penser, même, que les pays du nord redoutent une telle éventualité, complètement délétère pour tous.

D’ailleurs, nous le voyons bien, les taux réels restent volontairement très négatifs sous l’égide de la BCE, de l’ordre de -3 %, alors qu’en d’autres temps, on aurait monté les taux nominaux nettement plus haut afin de juguler l’inflation naissante.

(Actuellement inflation en Europe 6 % – taux nominaux 3 % = taux réels -3 %)

On doit en prendre conscience, ce qui se joue en ce moment est décisif pour notre avenir financier, et peut-être notre avenir tout court.

Une des questions clefs et sur laquelle les avis des économistes divergent, est celle de la persistance ou non de l’inflation dans le futur et de son impact sur les taux longs.

La position actuelle des marchés, qui ont toujours raison jusqu’à ce qu’il change d’avis, est de voir le verre à moitié plein, c’est-à-dire que les taux doivent rebaisser d’ici … quelque temps.

On pense un an aux USA, ou deux en Europe, sauf à ce qu’il y ait une nouvelle catastrophe, comme une invasion de Taïwan plus proche qu’attendue. (c’est pourquoi Poutine doit personnellement perdre. Tous les moyens nécessaires seront mis en œuvre pour y parvenir, compte tenu des enjeux).

Les marchés anticipent la persistance des taux réels négatifs. Des taux réels négatifs qui permettront de continuer la valorisation des actifs, de sponsoriser la croissance économique, et subventionner la lutte contre le réchauffement climatique…. mais qui continueront d’appauvrir les épargnants en leur proposant des taux de rendement de l’épargne durablement inférieur à l’inflation !

Bien évidemment, la lutte contre le réchauffement climatique qui induit une tarification du carbone via une régionalisation des échanges (les producteurs se rapprochent des consommateurs) et une production automatisées plus respectueuse de l’envirronnement.

Néanmoins, la numérisation, dont l’avènement de l’intelligence artificielle, entraînant des gains de productivité à moindre coût, la baisse de la natalité et le vieillissement des populations, plaident plutôt en faveur pour la poursuite d’un monde déflationniste qui a débuté dans les années 90.

D’autant que la Chine, malgré le repli sur soi naturel chez elle, et d’autres pays d’Asie ont intérêt à continuer à nous vendre leur production bon marché. (Et nous à l’acheter)

De fait, déjà et malgré la poursuite de la guerre, beaucoup d’indicateurs sont revenus aux prix d’avant après 1 an seulement : le blé, le pétrole, le gaz, et même les prix du transit des conteneurs depuis l’Asie.

Restent élevés, le prix de certains métaux plus ou moins rares qui rebaisseront lorsque la Russie reprendra ses exportations.

Les dépenses sociales et militaires et de réduction de CO2 en perspective, elles, devront être partiellement financées par la dette.

Bref, nous nous dirigeons probablement vers une période de taux d’intérêt plus élevés que l’avant covid19 du fait de l’accélération de la décarbonation de l’économie, structurellement inflationniste, tout en restant faible du fait de la structure profondément déflationniste de nos sociétés (baisse natalité, numérisation et gain de productivité, vieillissement) .

Les taux réels pourraient donc rester durablement négatifs ou proche de zéro.

  • Des taux négatifs ou presque qui nous permettront de franchir le mur de la dette sur le dos des épargnants.
  • Des taux négatifs qui permettront de subventionner la croissance économique future tout en finançant une nouvelle économie décarbonée.
  • Des taux réels négatifs qui participeront au maintien à des niveaux élevés des prix de l’immobilier ou du cours des actions.
  • Des taux réels négatifs qui sont un impôt sur les épargnants ! Ce sont les épargnants qui payent la dette. #Merci à eux.

Bref, pas de panique, tout est sous contrôle ou presque. En revanche, les épargnants doivent continuer à se muter en investisseur ! Vous devez transformer votre épargnant en investissant dans l’économie.

À suivre.

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