Dans la tête de Jérome Powell, ou les lendemains de Jackson Hole

Vendredi dernier, tout le monde attendait de Jérôme Powell qu’il ne dise rien, et il n’a rien dit de plus que ce que l’on savait déjà : « Un jour la FED réduira ses achats d’actifs, (le fameux tapering) bientôt peut être, ou un peu plus tard, très progressivement de toutes façons ».

Quant à la remontée des taux,  ce n’est pas à l’ordre du jour.

Logiquement, les marchés devraient continuer de monter, et c’est certainement ce qui va se produire jusqu’au jour ou un évènement inattendu mettra fin à cette belle hausse des cours. C’est toujours comme ça en bourse.

Pourtant l’euphorie n’est pas de mise, car le moral des investisseurs est une résultante de nombreux facteurs, dont politiques, mais aussi psychologiques et techniques, comme l’attentisme de la rentrée.

La mauvaise gestion du retrait des forces militaires d’Afghanistan, et les conséquences humanitaires d’un retour de l’islamisme radical, et son impact vis à vis des femmes en particulier, doit singulièrement être vécu comme une défaite ( de plus) de l’armée américaine au pays du «wokisme»

Et puis il y a la Chine.

Il n’y pas un mois, leblogpatrimoine publiait un article sur l’avenir comparé des GAFAM et des BATX (Cf. « Chine Vs États-Unis. Un durcissement de ton qui profitera aux occidentaux ?« ) , à la suite des mesures «antitrust» prises par le PC chinois depuis quelques temps déjà.

Le «scénario chinois» s’est depuis assez nettement dégradé, avec une reprise en main énergique touchant aussi bien  des patrons que des populations, chaque jour apportant son nouveau lot de nouvelles  restrictions, de nouveaux interdits.

Tout y passe, à commencer par les réseaux sociaux, maintenant les influenceurs et les jeux vidéos,  et tout ce qui est susceptible de distraire l’esprit humain, du dogme communiste. Mais en résumant  et pour synthétiser :

– Les riches doivent partager les richesses (sans doute mal acquises)

-Les écoliers et étudiants devront apprendre les «pensées de Tsi Jinping» rappelant en cela sans équivoque, le petit livre rouge de Mao.

Tout cela, sur un fond de variant Delta, vis à vis duquel le vaccin chinois sinovac semble moins efficace que le Pfizer selon une récente étude de Hong Kong (alors même que la population Chinois est peu vaccinée).

Dans un article, Christophe Barraud, publie un article passionnant sous le titre « Chinese Growth Hit The Brakes » (la croissance Chinoise met les freins).

Extrait :

« Les derniers indicateurs suggèrent que la croissance chinoise a freiné depuis le début du troisième trimestre. Ce fort ralentissement économique peut s’expliquer principalement par un pic de cas de Covid-19, qui a poussé les autorités à mettre en œuvre des restrictions qui incluent des blocages locaux. Entre-temps, les conditions météorologiques défavorables, la répression de la spéculation immobilière, la pénurie de puces, les prix élevés des matières premières et les nouvelles politiques environnementales ont également ajouté une pression à la baisse sur l’activité économique chinoise.

Les autorités chinoises ont multiplié les mesures restrictives pour contenir l’épidémie de Delta

L’épidémie de variante delta, signalée pour la première fois le 20 juillet à Nanjing , la capitale de la province orientale du Jiangsu, s’est rapidement propagée à au moins 17 provinces . Cette résurgence a contraint les autorités à fermer des sites touristiques, à annuler des événements culturels et des vols pendant la haute saison des vacances.

Bien que le nombre absolu de cas soit faible par rapport à d’autres pays, les autorités chinoises ont également mis en place une autre série de blocages locaux, des restrictions de transport (métro, bus, etc.) couplées à des tests de masse à travers le pays ( Wuhan , Zhangjiajie , etc.). Par conséquent, malgré la vaccination de plus de la moitié de sa population , la Chine a maintenu sa politique de tolérance zéro.

D’autres facteurs ont également ajouté une pression à la baisse sur la croissance chinoise

La Chine a également été confrontée à des conditions météorologiques défavorables avec  des précipitations record dans la province du Henan le  mois dernier, provoquant des inondations qui ont fait plus de 300 morts. La semaine dernière, Reuters a rapporté que « cinq villes de la province centrale du Hubei en Chine ont déclaré des « alertes rouges » après que des pluies torrentielles ont fait 21 morts et forcé l’évacuation de près de 6 000 personnes ». En outre, « l’Administration météorologique chinoise a averti que les fortes pluies torrentielles allaient probablement se poursuivre jusqu’à cette semaine, les régions le long du fleuve Yangtze étant vulnérables aux inondations. « 

La répression de la spéculation immobilière est également devenue un obstacle pour le logement et le financement des collectivités locales. Hier, Bloomberg a souligné que « la Chine étend les freins à la flambée des prix des maisons dans le pays en arrêtant temporairement les ventes aux enchères de terrains dans certaines grandes villes ». L’article ajoutait : « Les régulateurs redoublent d’efforts pour maîtriser les prix des terrains et des maisons qui ont alimenté l’industrie immobilière chinoise en fuite. Leurs mesures les plus récentes ont consisté à  empêcher les fonds  de capital-investissement de lever des fonds pour investir dans des développements immobiliers résidentiels. 

Pourtant, les ventes de terrains ont généré plus de 1 000 milliards de dollars de revenus pour les gouvernements locaux l’année dernière, créant un équilibre délicat pour Pékin. ” Un jour plus tôt, Nikkeia révélé que la Chine durcissait la réglementation concernant les transactions de copropriété. Il a souligné que « Parmi les mesures prises par les autorités figurent l’introduction de règles d’éligibilité pour les achats immobiliers et l’intervention sur le marché de l’occasion dans les grandes villes pour éviter l’inflation des prix. « 

Un autre frein à la croissance chinoise a émergé du secteur automobile. La production automobile est fortement tributaire des semi-conducteurs et souffre d’une pénurie depuis quelques mois. Selon une étude de  Susquehanna Financial Group , les délais de livraison des puces, l’écart entre la commande d’un semi-conducteur et la réception de la livraison, sont passés à 20,2 semaines en juillet (le plus long depuis que la société a commencé à suivre les données en 2017).

La hausse des prix des matières premières a également accru la pression sur les petites et moyennes entreprises qui sont moins en mesure de répercuter les récentes hausses des coûts des matières premières sur les acheteurs. Pour rappel, l’inflation départ usine a augmenté de 9% en GA en juillet alors que l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 1% en GA.

Enfin, de nouvelles politiques environnementales , destinées à limiter les émissions de carbone, impliquent une baisse de la production d’acier dès le 2S21.

Les données officielles de juillet et les indicateurs à haute fréquence d’août indiquent un net ralentissement économique

La croissance chinoise a ralenti plus que prévu en juillet. Lundi, les chiffres publiés par NBS ont montré que les ventes au détail ont augmenté de 8,5% en glissement annuel en juillet, inférieure aux 10,9% prévus par les économistes. Dans l’intervalle, la production industrielle a augmenté de 6,4% en glissement annuel par rapport à l’estimation médiane de 7,9%, tandis que les investissements en immobilisations ont augmenté de 10,3% en glissement annuel au cours des sept premiers mois de l’année, contre une prévision de 11,3%.

Les restrictions sociales plus strictes de la Chine pour lutter contre la récente épidémie de Covid-19 ont principalement touché le secteur des services, en particulier les voyages. Selon la société de données aéronautiques OAG., la capacité aérienne globale de la Chine a chuté de 31,9% au cours de la première semaine d’août, la plus forte baisse depuis février 2020. Ces résultats semblent cohérents avec les données d’ Airportia , qui indiquaient une baisse jusqu’au 14 août. Le crash des transports a déjà eu des répercussions sur les raffineurs de pétrole. Bloomberg a rapporté que « La société d’ État China Petroleum & Chemical Corp., communément connue sous le nom de Sinopec, réduit les taux de production de certaines usines de 5% à 10% ce mois-ci par rapport aux niveaux de juillet. « 

La politique zéro covid de la Chine a également affecté le transport maritime. 

Le port de Ningbo-Zhoushan a été partiellement fermé la semaine dernière, perturbant le commerce à un moment où les entreprises se multiplient pour la saison des achats de Noël. Selon Reuters , « mardi, plus de 50 porte-conteneurs faisaient la queue au port de Ningbo, le deuxième plus grand centre maritime de Chine, selon les données de Refinitiv, contre 28 le 10 août lorsqu’un cas de COVID-19 a été signalé dans l’un de ses terminaux. « 

Conclusion

L’un des principaux risques à la baisse pour la croissance chinoise, à savoir l’épidémie de delta, s’est matérialisé. Le choc a été amplifié par d’autres facteurs et affectera probablement d’autres économies asiatiques, déjà confrontées à une situation économique difficile. 

En fait, la part de la population vaccinée est faible par rapport aux pays occidentaux tandis que la politique zéro Covid reste en place dans plusieurs domaines, ce qui entraîne des restrictions sévères et coûteuses

Dans ce contexte, les mauvaises surprises devraient se poursuivre à court terme, poussant les économistes à revoir à la baisse leurs prévisions 2021 tant pour les Chinois et le PIB mondial. 

A ce stade, il est complexe de donner une estimation précise car cela dépend de la rapidité avec laquelle l’épidémie sera maîtrisée en Chine et ailleurs. De plus, étant donné que la politique de tolérance zéro de la Chine devrait persister au moins jusqu’aux Jeux olympiques d’hiver de février 2022, cela implique que le biais de la PBoC devrait rester orienté vers le côté accommodant à court terme. »

https://www.christophe-barraud.com/chinese-growth-hit-the-brakes/

Les conséquences se voient déjà :

La capitalisation boursière des valeurs de la tech chinoise s’est effondrée, les confinements reprennent, et la croissance chinoise faiblit, en tous cas elle est inférieure aux prévisions, alors que partout dans le monde occidental elle tient son rythme.

Le pari de  Tsi Jinping était  sans doute le suivant :

Le moment est choisi pour resserrer l’étau autour des libertés de façon à ne pas être  débordé  par les évènements,  et prendre  le risque de voir le nouvel empereur se laisser déposséder de son pouvoir à plus ou moins long terme.

Il devait compter pour cela sur le dynamisme de son marché intérieur, ainsi recettes dues aux  exportations nécessaires au monde qui continueront, et d’un acquis technologique suffisant pour voler de ses propres ailes, car fortement appris des occidentaux au départ.

Mais même chez les chinois, le moral est un élément déterminant.

N’oublions pas que ce sont des commerçants dans l’âme, le tiroir caisse, c’est important ! et si l’ambiance  est au retour au communisme pur et dur, l’initiative individuelle risque bien de se retrouver freinée.

L’impact de la croissance chinoise sur la croissance mondiale est importante, environ 1/3.

Et personne ne peut douter que cet élément nouveau de la politique chinoise trotte dans la tête des dirigeants américains, puisque la Chine est l’un des premier acheteur de bons du trésor américain d’une part, et que toute baisse de la croissance mondiale aurait un impact négatif  sur les économies occidentales.

En outre, le durcissement  de l’idéologie communiste chinoise, oblige, s’il en était besoin, au redéveloppent d’un certain nombre d’industries vitales sur les territoires du monde libre, ( comme les semi-conducteurs ou la pharmacie par exemple) toutes choses déjà conscientes à l’esprit des occidentaux avec la crise.  Il faut de l’argent. Beaucoup.

Les conséquences de ces nuages économiques (gris pour le moment) iront sans doute dans le sens de la facilité monétaire et budgétaire, d’une manière encore plus durable que par le seul fait de la pandémie. Cela y compris en Europe, puisque notre cycle économique est toujours en retard d’un ou deux ans sur celui des USA.

Même la Chine sera sûrement obligée de continuer à financiariser son économie.

Et puis les politiques adorent l’argent facile à dépenser.

La liquidité restant le moteur principal de la hausse boursière, pour le moment, il n’ y a donc  pas de raisons de changer de stratégie d’investissement actions long terme.

Les 7000 sur le CAC sont peut être pour bientôt, mais les nuages commencent à s’accumuler sur la croissance Chinoise, et donc mondiale.

L’évènement inattendu qui provoquera la fin du cycle de hausse des cours de bourse viendra t’il du côté de la croissance chinoise ?

A suivre.

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