52 839. C’est le nombre de syndics bénévoles en France en 2024. Rapporté au nombre de copropriétés (immatriculées), aux alentours des 542 000, cela équivaut à un peu moins de 10 %.
Par souci d’économies, les syndics non professionnels sont souvent présents dans les petites copropriétés. Ils ont quasiment les mêmes obligations que les professionnels et surtout la même responsabilité.
Est-ce une bonne ou une mauvaise idée d’opter pour la forme bénévole du syndic ?
Le syndic professionnel est-il dispensé du cadre rigide de la réglementation des copropriétés ?
La notion de syndic bénévole
Le syndic, qu’il soit bénévole ou professionnel, assure la gestion financière et administrative d’une copropriété. Même si leurs missions sont les mêmes, la principale différence se situe dans le fait que la condition pour occuper la fonction de syndic bénévole est d’être propriétaire en titre. Par exemple, le gérant d’une SCI ne peut occuper ce poste puisque c’est la SCI qui est propriétaire d’un lot. Par la même, le conjoint d’un copropriétaire ne peut pas être syndic bénévole.
Cette condition est essentielle (et malgré tout parfois oubliée). Cela signifie qu’en cas de vente de votre appartement, vous ne pouvez plus être syndic bénévole. En cas de décès du syndic bénévole, ce ne sont pas ses héritiers qui récupèrent le titre. L’Assemblée générale des copropriétaires doit se réunir pour élire un nouveau syndic.
Au-delà du fait d’avoir à remplir les mêmes missions qu’un syndic professionnel, le syndic bénévole a les mêmes obligations. Il est notamment tenu de se faire élire en AG, sur la base d’un contrat type identique à celui qui est utilisé par les professionnels.
Bénévole ne signifie pas forcément que les missions sont exercées à titre gratuit. En sus des remboursements des frais qu’il avance, le syndic bénévole peut percevoir une rémunération pour le temps qu’il consacre à ses fonctions. C’est l’AG qui en fixe le montant, sur la base soit d’un forfait annuel, soit d’un coût horaire, soit d’une autre possibilité fixée par les parties. Dans tous les cas, le contrat doit préciser les modalités de rémunération.
Quid du syndicat coopératif
Une copropriété a la possibilité d’adopter la forme coopérative. Il s’agit d’une gestion partagée où les fonctions de syndic sont réparties entre plusieurs copropriétaires, sans recours à un syndic professionnel ou bénévole. L’élection d’un Conseil syndical est alors nécessaire. Mais attention, la responsabilité du syndicat pèse toujours sur une seule et même personne, en général le Président du Conseil syndical.
Ce fonctionnement correspond à l’une des offres proposées par la start-up Matera. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette société n’est pas un syndic et ne dispose pas de la carte professionnelle lui permettant d’exercer ce métier. Il s’agit d’un prestataire de services qui propose une assistance aux syndics bénévoles et aux syndicats coopératifs. Malin.
Même si leurs principaux arguments sont la soi-disant mauvaise gestion des syndics professionnels et les charges trop chères, on se rend vite compte que les tarifs pratiqués ne sont pas forcément moins chers que chez les pros.
Le problème est que les copropriétaires qui souscrivent à ce type de contrat n’ont pas toujours conscience que les responsabilités sont conservées par la copropriété, et pèsent sur la tête du Président du Conseil syndical.
Matera a été condamné en janvier 2022 sur assignation de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) pour pratiques commerciales déloyales et trompeuses. À la suite d’une campagne de publicité pour le moins douteuse (je vous laisse chercher « campagne de publicité Matera » sur Google).
Ils ont aussi réussi à s’attirer les foudres de l’Association des responsables de copropriétés (ARC) qui appelle à la plus grande vigilance face aux prestations proposées par Matera. Contrat illégal, procès verbaux litigieux, etc. Prudence donc.
L’équilibre périlleux entre avantages et inconvénients de choisir la forme bénévole
Les faux bénéfices pour les copropriétaires
Les charges de copropriétés paraissent toujours trop chères. Et surtout, beaucoup de personnes confondent charges de copropriétés et honoraires de syndic. C’est pour cette raison qu’une petite copropriété peut être tentée de se tourner vers la forme bénévole. Mais, nous le verrons ci-après, l’économie réalisée à court terme peut s’avérer onéreuse à long terme.
La réactivité est sans doute l’autre grande critique adressée aux syndics professionnels. C’est surtout le cas pour la gestion des urgences. Le syndic bénévole étant souvent sur place, il apparaît être la solution idéale pour réduire les temps d’attente en cas de pépin. Même s’il est tout à fait possible que la proximité de gestion soit un atout, croyez-vous vraiment qu’un copropriétaire isolé aura plus de poids qu’un professionnel pour solliciter un délai raisonnable d’intervention auprès des artisans ?
Les risques juridiques pour la copropriété
Être syndic bénévole suppose d’avoir du temps (beaucoup de temps), mais surtout de détenir de multiples compétences techniques et juridiques. C’est un métier à part entière, au cœur de réformes incessantes. Les professionnels sont formés pour l’exercer et ainsi décrocher leur carte S. En bref, cela ne s’improvise pas.
Un exemple simple : combien de syndics bénévoles savent réellement remplir le dossier à fournir au notaire pour la vente d’un appartement en copropriété ? Des ventes bloquées pour cette raison, il y en a des tas…
Est-ce que les économies réalisées en valent la peine ? Je ne crois pas. Surtout lorsqu’on met en face les nombreux risques de condamnation du syndicat des copropriétaires. Le syndic professionnel garantit de son côté une certaine forme de sécurité (il a des assurances solides).
Il y a aussi des risques pour le syndic bénévole lui-même, qui porte seul la responsabilité des actes qu’il réalise pour la copropriété. De nombreux litiges aboutissent à une condamnation, avec parfois des sommes importantes à verser.
Par exemple, en 2018, la Cour d’appel de Rennes a retenu la responsabilité d’un syndic bénévole pour ne pas avoir réalisé une réception de travaux en bonne et due forme. Il avait été mis en cause par un copropriétaire lésé et a été condamné à verser 2754 € de dommages et intérêts.
Aussi, un syndic bénévole a été déclaré solidairement responsable avec la copropriété pour n’avoir intenté aucune action contre des copropriétaires qui encombraient les parties communes et portaient ainsi atteinte à la propreté de l’immeuble.
Si vous êtes syndic bénévole ou envisagez d’embrasser cette fonction, souscrivez au minimum à une assurance de protection juridique.
Sources :
- Service Public. Syndic de copropriété [en ligne]. Consulté le 11/04/2024.
- Service Public. Comment est rémunéré le syndic de copropriété ? [en ligne]. Consulté le 11/04/2024.
- Maître Christian Finalteri. Copropriété : la responsabilité civile du syndic bénévole de copropriété (Cour d’appel de Rennes, Chambre 4, 15 mars 2018, RG N° 14/09583) [en ligne]. Consulté le 11/04/2024.
- ANIL. Responsabilité du syndic [en ligne]. Consulté le 11/04/2024.