Un premier article proposé par Lucie Maillard, diplômée notaire. Lucie intègre l’équipe leblogpatrimoine et nous proposera un article par semaine autour des questions successorales et plus généralement du droit patrimonial de la famille.


Quand la vie fait les choses à l’envers, et qu’un enfant décède avant ses parents, ces derniers ne sont pas forcément héritiers. Dans ce cas, il est utile de savoir que la loi a prévu un droit de retour des biens donnés au défunt. Ces dispositions concernent également les sommes d’argent.

Faisons le tour de la question pour comprendre ce qu’il est utile de prévoir dès maintenant si vous souhaitez consentir une donation de somme d’argent à votre enfant.

Quel droit de retour pour les parents en cas de prédécès du donataire d’une somme d’argent ?

Qu’est-ce que le droit de retour ?

Le droit de retour peut être défini comme le droit en vertu duquel un donateur (celui qui donne) récupère les biens qu’il avait donnés en cas de prédécès du donataire (celui qui reçoit).

Dans ce cas précis, la donation ne dure que tant que vit le donataire. En bref, donner, c’est donner. Reprendre, c’est exercer son droit de retour.

Le Code civil prévoit deux types de droit de retour concernant les père et mère : 

  • l’article 738-2 du Code civil institue un droit de retour légal ;
  • l’article 951 du même Code offre quant à lui la possibilité pour le donateur de se réserver un droit de retour conventionnel.

Le droit de retour légal des parents de l’article 738-2 du Code civil

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a prévu l’existence d’un droit de retour légal au profit des père et mère. 

Ce droit est présenté comme un substitut à la réserve des ascendants supprimée par la même loi. Et oui, avant 2006, dans certains cas les parents étaient des héritiers réservataires (c’est-à-dire qu’on ne pouvait pas les déshériter) !

À cette fin, l’article 738-2 du Code civil précise que « Lorsque les père et mère ou l’un d’eux survivent au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour, à concurrence des quotes-parts fixées au premier alinéa de l’article 738, sur les biens que le défunt avait reçus d’eux par donation.

La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s’impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.

Lorsque le droit de retour ne peut s’exercer en nature, il s’exécute en valeur, dans la limite de l’actif successoral. ».

Ainsi, le droit de retour légal des père et mère a vocation à s’appliquer :

  • en présence d’une donation faite par le père ou la mère ou les deux avant le décès,
  • en l’absence de droit de retour conventionnel,
  • en cas de prédécès du donataire sans postérité ( = sans enfant et/ou descendant).

En revanche, peu importe que le bien se retrouve en nature dans la succession ou non.

Le droit de retour conventionnel de l’article 951 du Code civil

L’article 951 du Code civil prévoit que « Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.

Ce droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul. »

Il est donc d’une nature différente du droit de retour légal. Si ce dernier a une nature successorale, le droit de retour conventionnel est lié à la notion de condition.

La stipulation d’une telle clause place la donation sous la condition résolutoire du prédécès du donataire. C’est-à-dire que si la condition prévue se réalise (l’enfant décède avant son parent) la donation est purement et simplement anéantie.

Une clause prévoyant un droit de retour conventionnel dans une donation de somme d’argent est ainsi valable si 3 conditions sont réunies : 

Les spécificités en cas de donation d’une somme d’argent

De l’intérêt de prévoir une clause de retour conventionnel

Même si vous bénéficiez théoriquement d’un droit d’un retour légal en cas de donation d’une somme d’argent, en pratique, il est rare que cette disposition soit appliquée.

En effet, sa mise en œuvre est largement limitée.

Les limites du droit de retour légal

  1. Le droit de retour légal de l’article 738-2 ne s’applique qu’en cas de décès sans postérité.

Prenons un exemple concret.

En 2023, M. et Mme A donnent à leur fils une somme de 50 000,00 euros.

Ce dernier décède en 2024 laissant pour lui succéder son épouse Mme B et leurs 2 enfants mineurs.

En présence de descendants, le droit de retour légal n’a pas vocation à s’appliquer.

Mme B opte pour l’usufruit de la totalité de la succession. On retrouve dans l’actif successoral le compte bancaire sur lequel les 50 000,00 euros donnés par M. et Mme A ont été déposés. Par l’effet de l’usufruit devenu quasi-usufruit, Mme B a désormais la possibilité de disposer entièrement de cette somme, et les enfants mineurs ne recevront que ce qu’il en reste au décès de Mme B.

Cette situation peut ne pas correspondre à l’intention initiale de M. et Mme A.

Pour aller plus loin sur cette question : Succession : Comment se partager l’argent et les placements au décès d’un parent ?

  1. La restitution du bien donné est limitée à un quart (¼) de la succession du donataire.

Là encore, étudions un exemple concret.

M. X donne 30 000,00 euros à sa fille. Cette dernière décède sans postérité après avoir institué son partenaire pacsé comme légataire universel.

M. X n’est pas héritier de sa fille dans ce cas, mais le droit de retour légal peut jouer.

L’actif successoral est composé de liquidités à hauteur de 40 000,00 euros. Le droit de retour légal permet à M. X de recevoir 10 000,00 euros.

  1. En cas de don manuel, la preuve de la donation peut être difficile à rapporter.

Dans le cas d’une donation de somme d’argent, il est fréquent qu’elle soit réalisée « de la main à la main » et ne soit pas formalisée chez un notaire.

Au-delà de l’absence de conseils reçus lors d’un don manuel (voir l’article Don manuel : Faut-il passer par un notaire pour déclarer la donation ? ou encore Donation d’argent, les risques civils du don manuel), la difficulté réside également dans le fait de ne pas pouvoir prouver efficacement qu’une somme d’argent a été donnée.

En effet, un virement bancaire par exemple ne constitue pas la preuve d’une libéralité. Ce versement peut constituer un prêt.

Et il est malheureusement fréquent en pratique qu’une somme d’argent donnée ne soit pas déclarée au service des impôts (formalité pourtant obligatoire, sauf en cas de présent d’usage).

Dans ce cas, il n’y a absolument aucune preuve fiable de la donation, et bien entendu le droit de retour légal ne joue pas.

Les avantages de prévoir une clause de retour conventionnel

  1. Le droit de retour conventionnel prévu à l’article 951 du Code civil peut s’appliquer même en présence de descendants.

Reprenons notre exemple de M. et Mme A qui ont donné 50 000,00 euros à leur fils.

S’il a été prévu ainsi, même en présence de descendants, le droit de retour conventionnel a vocation à s’appliquer.

Nous l’avons expliqué plus haut, la mise en œuvre de ce retour anéantit la donation. C’est comme si elle n’avait jamais existé.

M. et Mme A récupèrent donc les 50 000,00 euros donnés. Libre ensuite à eux de les redonner plus tard à leurs petits-enfants s’ils le souhaitent.

Précision étant ici faite que les droits de mutation à titre gratuit payés auprès des impôts lors de la donation initiale peuvent faire l’objet d’une demande de restitution.

  1. L’assiette du droit de retour conventionnel n’est pas limitée et le donateur reprend la totalité du bien donné.

Ainsi, revenons sur le cas de M. X.

Il n’est toujours pas héritier de sa fille, mais le droit de retour conventionnel peut jouer et M. X récupère la totalité de la somme donnée, soit 30 000,00 euros.

L’actif successoral n’est alors plus composé que de liquidités à hauteur de 10 000,00 euros. 

  1. La clause peut englober les emplois futurs réalisés par le donataire, de sorte que le droit de retour s’exerce sur le bien acquis au moyen de la somme d’argent donnée.

Par principe, dans le cas d’une donation d’argent, le droit de retour conventionnel s’applique en valeur sur la somme nominale donnée.

Cependant, il est possible de prévoir de tenir compte des emplois futurs éventuels réalisés par le donataire.

Dans ce cas, le droit de retour s’exerce directement sur le bien acquis grâce à la donation.

Par exemple, si vous donnez une somme d’argent à votre enfant pour l’acquisition d’un terrain, le droit de retour pourra s’exercer directement sur le terrain.

Comment prévoir une clause de retour conventionnel lorsque l’on donne de l’argent à ses enfants ?

Nous avons évoqué précédemment la difficulté de prouver un don manuel en l’absence de déclaration ou d’acte notarié.

Ce problème de preuve ne se pose pas dans le cas d’un retour conventionnel, celui-ci devant être logiquement prévu par écrit !

La clause instituant ce droit de retour conventionnel doit alors être insérée dans l’acte de donation. 

Dans le cas d’un don manuel et en l’absence d’un acte notarié, elle pourra être prévue dans un pacte adjoint.

La clause de retour conventionnel Peut-elle être ajoutée dans un acte a posteriori ?

La réponse est oui.

Comme c’est le cas dans cet arrêt de la Cour de cassation : Cass.civ .1 ère 14 mars 2018, n° 17-15-589.

En l’espèce, des parents donnent une somme d’argent à leur fils en 1989 afin qu’il puisse acquérir un terrain.

En 1993, ils régularisent une donation-partage à leurs 2 enfants, dans laquelle est incorporé le don manuel de 1989 et prévoyant un droit de retour conventionnel.

Suite au prédécès du fils en l’état d’un testament instituant son ex-épouse légataire du terrain acquis en remploi des sommes données, un litige survient.

La question était donc de savoir si la clause de retour conventionnel insérée a posteriori dans l’acte de donation-partage était applicable.

La Cour de cassation répond par l’affirmative.

Ainsi, lors d’une donation de somme d’argent, ou plus tard si vous le pouvez, pensez à intégrer un droit de retour conventionnel. 

Qui peut le plus peut le moins, et vous pourrez toujours y renoncer le moment venu s’il ne correspond plus à votre souhait (par exemple si l’argent donné revient directement à vos petits-enfants).

À suivre.

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