– Un article rédigé par Arnaud SYLVAIN, Conseiller financier indépendant, qui propose une gestion conseillée de vos assurance-vie ou PER –
Le mois dernier, je vous ai présenté une allocation d’actifs très simple surperformant non seulement le défi 6 % mais aussi son allocation cible.
Ce portefeuille, composé à 55 % d’un ETF MSCI World et à 45 % d’un fonds en euros (« Portefeuille 55/45 » par la suite) affiche depuis mi-2018 une performance annuelle de +10 % pour une volatilité de 10 %. Impressionnant.
Le portefeuille 55/45 terrasse le Défi 6 %
Des performances tirées par une bulle boursière ?
Il se pourrait néanmoins que ces bonnes performances soient en grande partie à l’envolée des GAFAM (auxquelles il convient d’ajouter également TESLA) et à la politique monétaire ultra-accommodante de la Reserve Federal, de nature à créer une bulle sur les marchés boursiers étasuniens. Les GAFAM pèsent ainsi près de 10 % de l’indice MSCI World et les États-Unis, près de 70 %.
Par conséquent, ces performances supérieures à l’allocation cible ne seraient-elles pas plus ponctuelles que structurelles ? L’indice MSCI World ne serait-il pas insuffisamment diversifié, ce qui pourrait constituer un vrai risque en cas de retournement des marchés ?
source : MSCI, octobre 2021
source : MSCI, octobre 2021
Quelles performances sur 15 ans ?
Les performances du portefeuille 55/45 n’ont pour l’instant été évaluées que depuis mi-2018, date de création su défi 6 %. C’est peu.
Pour en savoir plus sur le comportement de ce portefeuille 55/45, il a été répliqué sur les 15 dernières années (du 1er décembre 2006 au 30 novembre 2021).
Précisions méthodologiques
Comme le fonds en euros Suravenir Rendement n’existait pas en 2006, il a été remplacé (sur toute la période) par le fonds en euros générique de Quantalys.
Ces fonds sont logés au sein d’un contrat d’assurance vie fictif, dont les frais de gestion s’établissent à 0,6 % par an (prélèvement mensuel). En 2006, il n’y avait pas non plus de contrat d’assurance vie à frais réduits et riches en unités de compte… Ou alors pas pour nous, investisseurs lambda.
Sur la période étudiée, le rendement annuel moyen du fonds en euros est de 2,62 %. L’ETF MSCI World affiche quant à lui un rendement annuel de 8,12 % et une volatilité de 17,1 %.
Portefeuille 55/45 – Les forces en présence
4 000 euros ont été versés en début de période, le 1er décembre 2006, puis 500 euros par trimestre (1er mars, 1er juin, 1er septembre, 1er décembre) jusqu’au 30 novembre 2021. Chaque versement (initial et trimestriel) est composé de 45 % de fonds en euros et de 55 % d’ETF MSCI World.
Sur 15 ans, des résultats conformes au Défi 6 %
Selon cette méthode, le portefeuille 55/45 affiche un rendement annuel moyen de 6 % et une volatilité de 10 % sur les 15 dernières années. Si la volatilité du portefeuille est confirmée (10 %), le rendement annuel moyen diminue et s’établit à 6 %.
Une volatilité de 10 % et un rendement de 6 %… très exactement l’objectif du défi 6 %.
Cependant, malgré les versements trimestriels qui contribuent à maintenir la répartition initiale, la structure du portefeuille s’est considérablement modifiée au fil des ans. Ainsi en fin de période, l’ETF MSCI World pèse 72 % du portefeuille tandis que le fonds en euros n’en représente que 27 %. Or, plus la part de l’ETF MSCI World dans le portefeuille est importante, plus le risque est élevé (le rendement également). Par ailleurs, l’objectif annoncé dans le cadre du défi 6 % est de coller à la cible.
Afin d’évaluer l’impact de cette déformation, un autre portefeuille a donc été construit en imposant un rééquilibrage annuel (chaque 2 décembre, après le quatrième versement trimestriel).
Le rééquilibrage annuel du portefeuille ne modifie pas significativement les résultats
L’impact du rééquilibrage est plutôt faible puisque si le rendement annuel moyen et la volatilité diminuent comme attendu, les évolutions sont limitées : le rendement annuel moye ase de 6,03 % à 5,67 % et la volatilité diminue de 9,56 % à 9,12 %.
Une décomposition par sous-période ne modifie pas ce constat. L’impact du rééquilibrage est faible, sur le rendement comme sur le risque.
12-2006 à 11-2011 | 12-2011 à 11-2016 | 12-2016 à 11-20121 | Ensemble de la période | |
Portefeuille sans rééquilibrage | ||||
Rendement (%) | 0,15 | 9,35 | 8,84 | 6,03 |
Volatilité (%) | 9,87 | 8,41 | 10,17 | 9,56 |
Portefeuille avec rééquilibrage | ||||
Rendement (%) | 0.42 | 9,19 | 7,62 | 5,67 |
Risque (%) | 10.71 | 7,78 | 8,45 | 9,12 |
Pas de réelle plus-value par rapport à l’allocation cible
Alors que le portefeuille 55/45 affichait des performances flatteuses sur la période du Défi 6 %, celles-ci sont un peu moins bonnes sur les 15 dernières années.
Elles sont néanmoins en ligne avec le couple rendement/risque du Défi 6 %. Dès lors, ne serait-il pas intéressant de remplacer le portefeuille du Défi 6 % par ce portefeuille plus simple à construire et à maintenir ?
Ce portefeuille (avec ou sans rééquilibrage) semble quand même trop peu diversifié. Cette crainte est d’ailleurs renforcée par les outils d’analyse de Quantalys, qui estiment que le portefeuille 55/45 n’est pas efficient :
- Son rendement pourrait être atteint avec une volatilité moindre,
- Alternativement, un rendement supérieur pourrait être atteint avec une volatilité inchangée
Portefeuille 55/45 avec rééquilibrage et frontière efficiente
A contrario, l’allocation cible du Défi 6 % semble bien plus efficiente.
Allocation cible Défi 6 % et frontière efficiente
La théorie moderne du portefeuille et la frontière efficiente
La théorie moderne du portefeuille, développée par Harry Markowitz dans les années 1950, définit le processus de sélection de titres pour déterminer les portefeuilles efficients.
Un portefeuille efficient est celui qui fournit la rentabilité la plus élevée pour un niveau de risque donné. L’ensemble des portefeuilles efficients forme la frontière efficiente. Cette frontière est croissante par construction.
La région au-dessus de la frontière ne peut être atteinte. Les points sous la frontière sont dits sous-optimaux, et n’intéresseront pas un investisseur rationnel.
Le concept de diversification est à la base de la théorie. En effet, Markowitz pense que les différents titres composant un portefeuille ne peuvent être sélectionnés individuellement et doivent au contraire être choisis selon la corrélation de leurs variations à celles du reste des actifs du portefeuille.
Si la théorie moderne du portefeuille reste largement utilisée, elle a néanmoins été l’objet de vives critiques.
Bien qu’il affiche des performances en ligne avec les objectifs du Défi 6 %, le portefeuille 55/45 semble trop risqué pour le rendement qu’il procure (ce que traduit son écart à la frontière efficiente).
Par conséquent, l’allocation cible du Défi 6 % est (pour l’instant) maintenue en l’état. En termes de performances, le portefeuille 55/45 ne semble pas apporter de réelle plus-value par rapport à l’allocation cible.
Plus précisément, je pense que l’avantage du portefeuille 55/45 n’est que ponctuel et que sur le long terme, l’allocation cible est au moins aussi performante.
Le portefeuille 55/45 n’a pas été retenu car il n’est pas efficient. Or, j’ai montré dans un article que la combinaison ETF Monde / fonds en euros pouvait l’être lorsque la part d’ETF est relativement faible. J’envisage donc de vous proposer un portefeuille ETF Monde/fonds en euros efficient dans un prochain article.
Si cette proposition vous intéresse, vous pouvez l’indiquer en commentaire. N’hésitez pas à y mentionner aussi d’autres sujets que vous souhaiteriez voir abordés.
A suivre.