Papa, Maman, Belle-maman, Beau-papa, j’espère que vous allez lire cet article avec beaucoup d’attention. Alors que vous ne savez plus quel cadeau nous offrir tant nos besoins sont satisfaits, je vous laisse apprécier la suite de cet article. Peut-être y trouverez-vous quelques idées 😉
Au-delà de la plaisanterie, voici une question importante que vous êtes très nombreux à vous poser en ces périodes de fin d’année : Combien puis je donner à mes enfants à noël sans prendre le risque d’une requalification fiscale ?
Essayons d’y apporter une réponse pratique.
Je suis à chaque fois étonné de la puissance supposée de l’administration fiscale. Vous êtes nombreux à hésiter à faire des cadeaux à vos enfants, ou même petit-enfants de peur de ne pas avoir le droit et donc d’un éventuel redressement fiscal
Que les choses soient dites : Vous faites ce que vous voulez de votre argent ! (et encore heureux). Vous avez le droit de faire ce que vous voulez. Vous avez (encore) le droit d’être généreux.
En revanche, il est vrai qu’un cadeau trop important pourrait être qualifié de donation manuelle.
Ce don manuel devra alors être déclaré ou enregistré par le donataire ou ses représentants dans le délai d’un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l’administration fiscale (Article 635 A du Code général des impôts).
Comme nous l’expliquions déjà dans cet article « Succession : Quel risque fiscal si on oublie de déclarer un don manuel ?« , l’obligation de déclaration d’un mois est liée à la révélation du don à l’administration fiscale, et non au transfert des capitaux au profit des enfants et petit-enfants.
Ainsi, l’article 757 du CGI, précise que « les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit. Ces droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou sur sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel (et non seulement au jour de la donation). La même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale. »
Enfin, la théorie du nominalisme monétaire permet une non indexation du montant du don manuel de somme d’argent en cas de révélation ultérieure (article 1343 du code civil que nous avons développé dans cet article « Donation d’argent, les risques civils du don manuel. »)
Bref, vous avez le droit de faire un chèque à vos enfants ; Peu importe le montant, vous faites ce que vous voulez. En revanche, en fonction du montant du cadeau, vos enfants ou petit-enfants devront peut être considérer ce cadeau de noël comme une donation manuelle et ils devront alors le révéler à l’administration fiscale au plus tard au jour de votre décès.
Comme vous pouvez le constater, nous avons là un facteur de souplesse non négligeable tant sur l’appréciation de la différence entre don manuel et cadeaux de noël (=présent d’usage pour faire plus intelligent)… mais aussi sur le moment de la déclaration dudit don manuel puisque la révélation peut être ultérieure.
C’est assez rare pour le souligner ! Il faut donc en profiter.
Quelle est la différence entre un cadeau et une donation manuelle ?
Toute la question est alors de faire la différence entre un cadeau de noël et une donation manuelle.
Malheureusement, ceux qui attendent une définition précise vont être déçus. La loi ne donne pas de chiffres ; c’est en réalité une question personnelle au regard de vos revenus et globalement de votre patrimoine.
En revanche, nous avons une définition précise de la donation. Comme nous l’expliquons dans cet article « Comment réaliser une donation ? Les différentes manières de donner à ses enfants.« , la donation se définit comme : « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte« . La donation suppose donc :
- Le dépouillement du donateur ; (définition de dépouillement : « Action de dépouiller quelqu’un, un groupe de ce qu’ils possèdent ; état qui en résulte, pauvreté. » ). On doit pouvoir y lire une forme d’appauvrissement du donateur.
- L’irrévocabilité de ce dépouillement ;
- l’acceptation de ce dépouillement irrévocable de la part du donateur, c’est à dire celui qui reçoit le don.
- Et surtout, l’intention libérale, c’est à dire la volonté de gratifier ; Contrairement au présent d’usage, la donation a pour conséquence une forme de privation du donateur ; Gratifier, c’est réaliser un cadeau généreux ! C’est l’appréciation de ce niveau de générosité qui permet de faire la différence entre donation et présent d’usage. Un cadeau est un présent d’usage non taxable aux droits de succession, mais un cadeau généreux est une donation taxable. La générosité est une notion personnelle propre à chacun et au niveau de son patrimoine.
La nuance est délicate mais elle existe. la donation est irrévocable et entraîne un appauvrissement définitif du donateur, alors que le cadeau n’est pas source d’appauvrissement, mais simplement une dépense (qui peut être importante) mais qui ne remet pas en cause de train de vie de donateur.
Prenons quelques exemple.
Imaginons M et Mme X, 60 ans, dont le patrimoine approche les 2 000 000€ et dont le revenu imposable à l’impôt sur le revenu est d’environ 100 000€.
Imaginons qu’ils ont un train de vie relativement modeste au regard de leurs revenus et qu’ils épargnent 30 000€ chaque année.
Est ce qu’un cadeau de noël d’un montant de 15 000€ serait source d’un appauvrissement définitif ? Je n’est pas certain.
En revanche, reprenons cette même situation » M et Mme X, dont le patrimoine approche les 2 000 000€ et dont le revenu imposable à l’impôt sur le revenu est d’environ 100 000€ « , mais avec un train de vie bien supérieur puisque le couple n’épargne pas et consomme l’intégralité de ces 100 000€ annuels ».
Monsieur et Madame X, 60 ans, vont donc retirer 15 000€ d’un contrat d’assurance-vie pour effectuer le cadeau de noël. Pour le coup, il s’agit d’un appauvrissement définitif qui doit être qualifié de don manuel.
Dans ce dernier cas, les enfants ne devront pas oublier de le déclarer à l’administration fiscale au plus tard au décès de leur parent donateur dans 30 ans (sic!) ou avant si l’administration fiscale leur demande (mais comment pourrait elle être au courant ?).
Conclusion.
Faites plaisir à vos enfants ou petit-enfants et arrêtez d’avoir peur de l’administration fiscale. C’est votre argent, vous en faites ce que vous voulez ! Vous êtes libre d’être généreux. (Vous êtes également libre de vouloir garder votre argent pour financer vos vieux jours)
Dans le pire des cas, le cadeau sera considéré comme une donation manuelle et vos enfants ne devront pas oublier de le déclarer à l’administration fiscale… un jour.
A suivre.
Bonjour,
Merci pour cette tentative de précision sur un texte très imprécis, c’est un exercice assez périeux.
Voici la réponse ministérielle numéro 22066 publiée le 31 décembre 2019 :
« L’acceptation expresse d’une donation, notamment d’un don manuel, par le donataire entraîne en principe la soumission de la transmission aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), quel que soit son montant. Il est toutefois admis que les présents d’usage n’ont pas à être soumis aux DMTG (§250 du BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10). Cette solution pragmatique permet de tenir compte de l’usage consistant à offrir, à l’occasion de certains événements usuels, un présent d’un montant modique dans le cadre des relations affectives familiales ou amicales. Elle découle de la règle établie par l’article 852 du code civil, aux termes duquel les présents d’usage ne sont pas rapportables à la succession du disposant, sauf volonté contraire de sa part, le caractère de présent d’usage s’appréciant à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. La Cour de cassation, dans l’interprétation de ces règles, n’a établi aucun seuil maximal, que ce soit en pourcentage ou en valeur absolue, permettant de distinguer présent d’usage et autres donations. La jurisprudence rappelle en revanche de manière constante que la qualification de présent d’usage résulte d’un examen circonstancié de chaque situation de fait, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond. C’est également la position retenue par l’administration fiscale qui ne fixe pas de montant fixe ou de pourcentage de la fortune du donateur en-deçà duquel il y aurait lieu de retenir systématiquement la qualification de présent d’usage, mais qui rappelle que la nature de la transmission doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas (rescrit 2013/05 du 3 avril 2013 repris au BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10). Cette position tire les conséquences du fait que le présent d’usage est une notion éminemment factuelle, un don n’étant pas modeste ou important dans l’absolu mais uniquement par rapport à la fortune du donateur, ce qui la rend incompatible avec l’application de critères normatifs prédéfinis, qui pourraient au surplus être source d’inégalité entre les contribuables. »
En gros, c’est à la tête du client et plus vous êtes riches et moins on vous embetera.
Et comment se passe une contestation par le fisc ? Est-ce que c’est la banque qui l’en informe (si c’est une somme d’argent virée sur un compte bancaire) ? Normalement elles sont obligées de transmettre à Tracfin les informations suivantes (disponibles sur le site de Tracfin) :
« Les lois n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et n° 2013-672 du 26 juillet 2013 (loi de séparation et de régulation des activités bancaires) ont créé pour les établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique une obligation de communication systématique d’informations (COSI) à TRACFIN relative à certaines opérations identifiées
par décret comme présentant un risque élevé de blanchiment ou de financement du terrorisme en raison du pays,
de l’origine ou de la destination des fonds. Les premières opérations ciblées étaient les opérations de transmission de fonds effectuées à partir d’un versement espèces ou au moyen de monnaie électronique dépassant 1 000 euros ou 2 000 euros cumulés, par client, sur un mois calendaire.
Un décret du 25 mars 2015, issu de la loi bancaire de juillet 2013, a introduit une nouvelle obligation pour
les banques et établissements de crédit : les opérations de dépôts et de retraits d’espèces sur les comptes de
dépôts et de retraits supérieures à 10 000 euros cumulés sur un mois font également l’objet d’une information
systématique des banques à TRACFIN. »
Elles ne sont donc pas succeptibles de déclarer un montant reçu par un virement, surtout s’agissant d’un établissement bancaire situé en europe.
J’ai l’impression que c’est les ‘autres’ héritiers qui peuvent être à l’origine de la vérification du fisc. Eventuellement un notaire lors de l’achat d’un bien immobilier. Mais je ne vois pas qui d’autre pourrait être au courant.