Nous poursuivons aujourd’hui notre analyse de la réponse ministérielle CIOT et de ses conséquences patrimoniales inespérées. La réponse ministérielle CIOT, c’est la nouvelle doctrine fiscale applicable aux contrats d’assurance vie souscrit par le conjoint survivant depuis le 01 Janvier 2016 (cf »C’est officiel : L’assurance vie du conjoint survivant est exonérée de droit de succession pour moitié.« ).
C’est un sujet que nous analysons de manière exhaustive dans notre livre « Assurance vie et gestion de patrimoine » avec des exemples concrets qui vous permettront de profiter pleinement de la puissance juridique et fiscale de l’assurance vie.
Au terme de la réponse ministérielle CIOT, le notaire doit réaliser une double déclaration de succession, l’une civile, l’autre fiscale :

Civilement, conformément à l’article 1401 du code civil, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat, fait partie de l’actif de communauté. Cela signifie que le contrat d’assurance vie, non dénoué au décès du premier des époux car souscrit par le survivant des époux, devra faire partie de l’actif de succession pour moitié. La part héréditaire des héritiers devra être calculée y compris sur la valeur de rachat dudit contrat d’assurance vie. 

Fiscalement, malgré cette qualification civile et ce partage entre les héritiers du contrat d’assurance vie souscrit par le conjoint survivant, le contrat d’assurance vie ne sera pas imposable aux droits de succession. Les héritiers se verront donc attribuer, net d’impôt et de droit de succession, la moitié de la valeur de rachat du contrat d’assurance vie souscrit par leur parent survivant (et c’est la raison pour laquelle, il est indispensable d’informer le notaire sur l’existence des contrats d’assurance vie – cf « Assurance vie : Faut il les déclarer au notaire lors d’une succession ?« ).

 
Une fois posée cette nouvelle doctrine, poursuivons avec une autre disposition civile : Le droit à récompense né de la souscription par un seul des époux d’un contrat d’assurance vie à son profit personnel (c’est à dire en désignant un tiers comme bénéficiaire). Ce droit à récompense (que nous avions largement développé dans cet article « Assurance vie et récompense au profit de la communauté : lorsque le décès fait naître une récompense …« ) prend ses origines dans l’article L132-16 du code des assurances. 

Le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint, constitue un propre pour celui-ci.

 Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle, sauf dans les cas spécifiés dans l’article L. 132-13, deuxième alinéa.

 
 

L’assurance vie fait naître une récompense lorsque le bénéficiaire du contrat n’est le conjoint survivant.

L’histoire est assez simple à comprendre. La notion de récompense est une notion du code civil qui se définie dans les termes suivants :

Toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.
 

Imaginez la situation suivante : Monsieur utilise un bien commun (épargne sur un PEL) pour financer l’acquisition d’une maison qu’il achète en tant que bien propre.
Nous sommes bien d’accord que Monsieur a pris sur la communauté une somme pour en tirer un profit personnel. Il a utilisé de l’argent « commun » pour financer l’acquisition d’un « bien propre ». Il en doit récompense et doit « rembourser » la communauté de cette somme.
Le raisonnement est relativement intuitif lorsque l’on évoque un investissement immobilier. Il doit l’être tout autant lorsqu’il s’agit d’un contrat d’assurance vie : Lorsqu’un époux souscrit nominativement un contrat d’assurance vie avec de l’argent du couple (l’absence de clause de remploi suffit à caractériser le contrat comme étant un bien commun – Assurance vie sans clause de remploi, bien propre ou commun ? – ), et que le bénéficiaire désigné n’est pas le conjoint, il en doit récompense à la communauté à hauteur des primes versées.
Le bénéficiaire peuvent être les enfants par exemple.
 
 

Prenons un exemple pour comprendre l’articulation entre assurance vie, récompense et réponse ministérielle CIOT.

Monsieur et Madame Dupont, mariés sous le régime de la communauté, un enfant, sont propriétaires de leur résidence principale d’une valeur de 300 000€.
Monsieur a souscrit un contrat d’assurance vie à son nom à hauteur de 250 000€. La contrat fait aujourd’hui 400 000€.  Le bénéficiaire désigné dudit contrat est l’enfant commun du couple. Cela signifie qu’au décès de Monsieur, l’enfant du couple recevra le capital hors succession.
Madame a souscrit un contrat d’assurance vie à son nom à hauteur de 250 000€. Le contrat fait aujourd’hui 400 000€. Le bénéficiaire est également l’enfant du couple. A son décès, l’enfant du couple recevra le capital du contrat d’assurance vie hors succession.
 
 

Au décès de Monsieur, une récompense est due à la communauté

Au décès de Monsieur, le contrat d’assurance vie à son nom est dénoué et les capitaux directement versés au bénéficiaire, c’est à dire à l’enfant du couple.
Pour la dévolution successorale, il convient de reconstituer la communauté :
– Résidence principale : 300 000€ ;
– Valeur de rachat du contrat d’assurance vie souscrit par Madame avec des fonds communs (réponse CIOT) : 400 000€
– Récompense à la communauté à hauteur des primes versées par Monsieur sur son contrat d’assurance vie. Monsieur doit récompense à hauteur du profit personnel qu’il a tiré de la communauté,soit 250 000€.
 
Au total la masse à partager est de 300 000€ + 400 000€ = 700 000€. La succession de Monsieur portant sur 1/2 de la communauté – 1/2 récompense, elle est de 350 000€-125 000€ = 225 000€.
La succession devra récompense à la communauté, soit 125 000€. L’actif de succession = 350 000 – 125000 = 350 000€. Cette valeur, c’est la base de calcul des droits héréditaire des héritiers.
La liquidation de la communauté permettra d’attribuer 475000€ d’actif à Madame DUPONT.
Au terme du mécanisme de la récompense, les deux époux sont rétablis dans leurs droits initiaux. Au terme du partage de la communauté, Madame DUPONT récupérera 475 000€ et l’actif de succession à partager entre les héritiers sera de 225 000€. 
 
 

La déclaration fiscale de succession.

Fiscalement, depuis la réponse ministérielle CIOT la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux pré-décédé.
 
Le conjoint fait le choix de devenir héritier pour 100% en usufruit.
 
Fiscalement, les droits de succession devront être calculés sur une masse de 225000€ – 400000€/2 = 25 000€. La moitié de la valeur de rachat du contrat du conjoint survivant ne sera intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé.
 
Le conjoint sera exonéré et l’enfant nu-propriétaire devra payer des droits de succession sur la valeur de la nue propriété reçue selon l’âge de l’usufruitier et après un abattement de 100 000€. 
 
 

La déclaration civile de succession

Civilement, ce sont 225000€ d’actif de succession qui devront être partagés :

– 100% en usufruit au conjoint survivant ;

– 100% en nue propriété à l’enfant du couple.

Les actifs disponibles pour matérialiser les droits héréditaires de chacun sont :
– La résidence principale d’une valeur de 300 000€
– Le contrat d’assurance vie d’une valeur de 400 000€.
 
Au terme du partage de la succession, il pourra être décidé d’attribuer :

– Au conjoint : l’usufruit de la résidence principale à hauteur de 75% (225 000 / 300 000)

– Le conjoint restera plein propriétaire des 400 000€ qui resteront investis dans son contrat d’assurance vie ainsi que des 25% de la résidence principale.

 
Au décès de Madame DUPONT, conjoint survivant, l’enfant unique sera l’unique bénéficiaire du solde du contrat d’assurance vie (soit 400000€) taxable après application de la fiscalité dérogatoire de l’assurance vie.
L’enfant du couple sera également héritier de 25% de la maison. Cette transmission sera taxable aux droits de succession (contrairement au 75% autres qui lui auront été transmis en nue-propriété au premier décès).
 
 

Que retenir de l’articulation entre récompense et réponse ministérielle CIOT

– Que l’application du mécanisme de la récompense à la communauté permet une meilleur protection du conjoint survivant en réduisant l’actif de succession au premier décès ; Le mécanisme de la récompense compense partiellement les conséquences civiles de la réponse ministérielle CIOT en cas de contrat d’assurance vie miroirs (monsieur et madame souscripteur nominatif de contrat d’assurance vie pour des montants proches) :

– La réponse ministérielle CIOT augmente la valeur de la succession civile à hauteur de la moitié de la valeur de rachat du contrat d’assurance vie (et augmente le droit des enfants sur la valeur du contrat d’assurance vie du conjoint survivant) ;

– La récompense diminue la valeur de l’actif de succession à hauteur des primes versées sur le contrat d’assurance vie (et réduit le droit des enfants sur la sur la valeur du contrat d’assurance vie du conjoint survivant) ;

La compensation n’est que partielle puisque l’on évoque d’un côté les primes versées et de l’autre la valeur de rachat ;

– Qu’il est possible de faire échec à la récompense en réalisant une co-souscription dénouement premier décès des contrats d’assurance vie qui auront vocation à être transmis aux enfants ; Cette co-souscription dénouement premier décès couplée avec une co-souscription dénouement second décès pourrait permettre de bénéficier de toute la puissance de l’assurance vie.
 
– Que tout cela est de la belle théorie qui repose sur le fait que le notaire ait connaissance des contrats d’assurance vie souscrits par le défunt et surtout du nom des bénéficiaires ! Et ça c’est une autre histoire !

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