Depuis quelques semaines, une information circule dans les médias autour d’une récente décision de la cour de cassation qui semble légitimer le droit de préemption comme nouvel outil de spoliation des propriétaires immobiliers.
Voici quelques articles alarmistes construits autour de cet arrêt de la cour de cassation :

 
Pour mémoire, souvenez vous que lors de la vente d’un bien immobilier, la commune dispose d’un droit de préemption urbain (DPU) : « Le propriétaire d’un bien situé dans une zone définie par une collectivité (commune ou établissement public de coopération intercommunale) en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement urbain doit, en priorité, proposer la vente du bien à cette collectivité. C’est ce que l’on appelle le droit de préemption. Le propriétaire du bien n’est donc pas libre de vendre son bien à l’acquéreur de son choix.
Pourquoi pas ? La notion de droit de préemption peut se comprendre tant que le droit de propriété n’est pas remis en cause : Au moment d’une vente, le droit de préemption consiste simplement à changer l’acheteur : La commune achète ledit bien à la place de l’acquéreur initial pour satisfaire une projet d’intérêt collectif.
C’est le formulation de « déclaration d’intention d’aliéner (DIA) » qui permet d’interroger la commune sur la volonté de préempter.
 
Après quelques recherches et surtout une lecture attentive de cette décision, je crois nécessaire de vous livrer une lecture nuancée de cet arrêt. Ce n’est pas l’atteinte annoncée au droit de propriété ! Bref, pas de quoi faire le BUZZ !
A mon humble avis, la cour de cassation ne remet pas en cause le droit de propriété via le droit de préemption urbain … mais agit, à raison, contre des contribuables qui ont volontairement fixé un prix de vente hors marché, à l’occasion d’un quasi rachat à soi-même afin de contourner les risques de droit de préemption.
Les contribuables ont voulu mettre en œuvre un schéma classique (que je n’aime pas… tant il s’agit souvent d’une usine à gaz qui enrichit d’abord la banque et le vendeur d’assurance vie).
 
Voici le schéma :
Madame X est propriétaire d’une bien immobilier, bien propre. La valeur de ce bien immobilier est de 85 000€ (acheté 60 000€, une année auparavant).
Madame X souhaite vendre cet immeuble à une SCI dans laquelle elle est associé avec son compagnon. Malheureusement, ledit bien est situé dans une zone de droit de préemption urbain et la commune risque de mettre en œuvre son droit de préemption sur cette vente.
Afin d’éviter le droit de préemption, les époux signe un compromis pour un montant de 150 000€ (prix manifestement hors marché, mais au moins, si la commune préemption à ce prix, ils ne perdront pas d’argent ;-).
Au moment de l’exercice du droit de préemption, la commune conteste le prix de vente et propose une préemption à un prix de 85 000€ en avançant les arguments suivants :

« qu’en effet que si le propriétaire se trouve privé, par l’application des règles impératives en matière d’expropriation d’évaluation du bien, de la plus-value susceptible de résulter pour l’immeuble en cause de l’opération d’aménagement dans laquelle l’exercice du droit de préemption s’inscrit, ce qui s’explique par le souci rappelé précédemment de la bonne utilisation des deniers publics, il reste en mesure de faire fixer par le juge la valeur de ce bien, au jour du jugement, en produisant aux débats des termes de comparaison pertinents de mutations intervenus dans le voisinage et à une époque proche sur des biens comparables »

[…]

« sur le prix que la SCI ne verse aux débats, comme elle aurait pu le faire, aucune référence pertinente de nature à soutenir que le bien en cause vaudrait bien la somme de 150 000 euros, somme mentionnée dans le compromis de vente passé le 23 mai 2014 avec Mme D… B…, dont le nom d’usage est X… selon l’ extrait du registre du commerce et des sociétés et qui se trouve être l’associée de M.X…, gérant de la société en cause »

[…]

« qu’il doit être tenu compte de l’impact sur la valeur du bien de son occupation, qui est substantielle, s’agissant d’un bail régi par la loi de 1948 ; qu’il convient toutefois de limiter l’abattement pratiqué pour occupation à 20 % de la valeur libre, comme le proposait la ville de Paris dans son offre initiale dès lors que le prix du bien, cave incluse, sera fixé à la somme de : 30,10 m2 x 3 466 euros le m2 x 0,8 = 83 461,28 euros, qu’il y a lieu d’arrondir à 85 000 euros, observation faite, à l’instar du commissaire du gouvernement, que cette somme est très supérieure au prix d’achat de 60 000 euros du bien par l’appelante, le 16 janvier 2013, ce qui permet à la propriétaire de dégager une plus-value importante en un bref laps de temps, incompatible avec la spoliation qu’elle dénonce ; en définitive que le jugement doit être confirmé sauf en ce qui concerne le prix d’acquisition » ;

[NDLR : Bien immobilier a donc été acheté 60 000€ le 16/01/2013 et le compromis de revente à la SCI le 23/05/2014 pour une valeur de 150 000€. Le prix de 85 000€ proposé par la commune semble assez cohérent avec le prix de 60 000€ payé en 2013]

 

« qu’il s’ensuit que la mesure d’ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée ; qu’elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l’absence de charge spéciale exorbitante ;

« qu’une privation de propriété implique le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu’une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d’utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien« 

 
Bref, pas de quoi crier aux loup et à la spoliation de la propriété privée ! Même si … certains phrases prises hors contexte peuvent être inquiétantes…

« une privation de propriété implique le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu’une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d’utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien« 

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