Depuis quelques jours, de nombreux articles de presse reprennent le communiqué de presse du très sérieux think-thank COE-REXECODE. Les analyses et les articles sont unanimes : « La France meurt de la sur-taxation du capital et ce sont les ménages Français qui ont le plus vus augmenter cette taxation abominablement confiscatoire ».
L’article publié par les Echos est illustré par ce graphique effrayant : Le lecteur néophyte pourrait comprendre qu’en 2016, la taxation du capital représente 68% des revenus.
Après la lecture de tels articles, vous n’avez qu’une envie : Quitter la France et s’installer dans un pays bienveillant pour votre argent et votre patrimoine.
Pourtant, la réalité est bien différente. Il est faux de dire que le capital est surtaxé en France. Le graphique ci-dessus est probablement réel mais aucunement représentatif de la réalité.
Le graphique représente le ratio entre :
– L’imposition du capital, c’est la dire la somme des impôts qu’un contribuable français doit payer sur la détention de son patrimoine (impôt sur les revenus générés ; ISF ; droit de succession principalement)
– Les revenus générés par ledit patrimoine.
Ainsi, une augmentation du ratio peut venir :
– Soit d’une forte augmentation du montant de l’impôt (et c’est la conclusion à laquelle on arrive après une lecture rapide du communiqué de presse de COE-REXECODE et des différents articles publiés
– Soit une baisse drastique du revenu généré par ledit patrimoine. En analysant la courbe d’évolution des taux d’intérêt, il ne fait aucun doute que c’est la raison principale de l’explosion du ratio.
Oui, la taxation du capital au regard du montant des revenus générés explose mais ce n’est pas nécessairement du fait de l’augmentation incroyable des impôts, mais simplement de la très forte baisse des revenus tirés dudit patrimoine.
Comment est-il possible d’apporter une information aussi peut révélatrice de la réalité ? Pourquoi ? Quel est l’objectif poursuivi par COE-REXECODE et les journalistes qui reproduisent l’information sans contre analyse ?
Il est faux de dire que le capital est surtaxé en France
Il faut faire la différence entre la théorie qui veut que « l’imposition des revenus du capital soit alignée sur l’imposition des revenus du travail ». Une telle théorie, si elle était appliquée pourrait conduire à une imposition théorique de l’imposition des revenus du capital selon la tranche marginale d’imposition du contribuable.
Taux applicables aux revenus 2015 (impôt 2016) – Revenu imposable par part | |
jusqu’à 9 700€ | 0 % |
de 9 700 € à 26 791 € | 14 % |
de 26 791 € à 71 826 € | 30 % |
de 71 826 € à 152 108 € | 41 % |
plus de 152 108 € | 45 % |
Alors OUI, selon cette théorie, l’imposition des revenus du capital peut atteindre 45% (pour les contribuables aux revenus les plus élevés) + 15.5% de CSG/CRDS = 60% (sans compter l’ISF)
Néanmoins, il convient de nuancer cette forte imposition. En effet derrière la théorie et les effets d’annonce politique, la pratique et la réalité est nettement plus favorable à l’investisseur et l’épargnant.
La plus-value immobilière sur la vente de la résidence principale est exonérée d’impôt
Le premier actif patrimonial, et parfois le seul, des Français est bien souvent la résidence principale. -+- 58% des Français détiennent leur résidence principale.
Détenir sa résidence principale, c’est détenir un capital dont la valeur s’est valorisée de manière considérable depuis 25 ans. De très nombreux Français disposent aujourd’hui d’un patrimoine nettement plus important que les revenus de leur travail leur auraient permis d’atteindre.
La richesse des Français est le plus souvent liée à la détention de leur résidence principale.
La plus-value immobilière éventuellement réalisée sur la vente de la résidence principale est totalement exonérée d’impôt et de prélèvements sociaux. Il s’agit là d’un avantage fiscal considérable. L’enrichissement patrimonial net d’impôt est considérable depuis 25 ans grâce à l’évolution de la valeur de la résidence principale.
L’épargne financière n’est presque pas imposable grâce à l’assurance vie, aux PEA / PEA PME et autres PERCO ou PEE et même PEL et Livret A
Enfin, si la théorie veut que les revenus et les plus-values de l’épargne soient imposables à l’impôt sur le revenu selon la tranche marginale d’imposition du contribuable, la réalité est différente : Plus personne ne détient d’épargne dans un compte titre.
L’épargne est aujourd’hui très majoritairement investie au sein d’enveloppes fiscales défiscalisées et accessibles à tous, riches comme pauvres :
– Que pensez-vous du PEL dont les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu pendant 10 ans ;
– Que pensez-vous du LIVRET A dont les intérêts ne sont pas imposables
– Que pensez-vous de l’assurance vie dont les plus-values bénéficient d’un régime fiscal particulièrement attrayant 8 ans après l’ouverture du contrat d’assurance vie ;
– Que pensez-vous du PEA et du PEA-PME qui permettent de bénéficier d’une exonération totale sur les plus-values et dividendes des actions cotées et non cotées après 5 ans de détention ;
– Que pensez-vous du PEE qui autorise une exonération d’impôt sur la plus-value après 5 ans et sur le revenu lors de sa distribution – Le revenu versé par l’employeur et directement versé sur le PEE ne supporte pas l’impôt sur le revenu
Et pour tous les autres placements (livret, Compte à terme, …), les revenus ne seront taxables à la Tranche Marginale d’Imposition (TMI) qu’au-delà de 2000€ d’intérêt dans l’année.
Considérant un taux d’intérêt proche de 1.50%, cela représente un capital de 140 000€ (en plus des livret A, PEL, LDD, Assurance vie, PEE, PEA, PEA PME, PERCO, … )
Bref, en France et en 2016, il faut presque le vouloir pour payer des impôts sur les revenus et sur les plus-values de son épargne.
La détention d’une entreprise bénéficie d’un cadre fiscal particulièrement attrayant.
Entre :
– Le pacte DUTREIL qui autorise une réduction de 75% de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit (droit de donation ou de succession),
– Les abattements (entre 50% et 85%) sur les plus-values applicables aux cessions d’entreprises,
– La possibilité de détenir les parts de l’entreprise dont on détient moins de 25% dans un PEA ;
– Le régime du report d’imposition en cas d’apport de son entreprise à un holding ;
– L’exonération de son outil de travail au titre des biens professionnels à l’ISF ;
– …
La détention d’une entreprise est encouragée et l’impôt sur ce capital n’est pas un frein rationnel justifiant le non investissement.
L’ISF, au-delà de l’idéologie de cet impôt, le problème est le taux d’imposition au regard du niveau de rendement des patrimoines en 2016.
Payer un impôt de 1% sur le capital lorsque ce dernier vous rapporte 8% ne doit pas être un problème insurmontable.
Par contre, payer 1%, lorsque votre patrimoine baisse du fait de la baisse des prix de l’immobilier, ou ne vous rapport que 2%, cela devient difficile à accepter. Beaucoup peuvent avoir le sentiment d’une spoliation de leurs revenus… à raison.
Le problème n’est-il pas plutôt lié aux différentes légendes urbaines qui laissent croire que la France est un enfer fiscal pour les détenteurs de patrimoine ?
Au final, j’ai le sentiment que nombreux sont ceux qui parlent sans connaître leur sujet.
En France, en 2016, il ne me semble pas honnête d’affirmer que la taxation abominable du capital est un frein à l’investissement, et il ne me semble pas raisonnable d’entretenir de telles légendes urbaines.