S’il existe un sujet à la mode dans le monde de la gestion de patrimoine (et surtout chez les clients des gestionnaires de patrimoine) c’est bien la question de l’expatriation : Comment ne plus payer ses impôts en France ? Comment devenir « non résident fiscal Français » ?
Nous allons donc détailler les modalités pour s’expatrier hors de France.
C’est le code général des impôts, et plus spécifiquement l’article 4, qui nous donne toutes les clefs de l’expatriation :
Article 4 a du CGI : » Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. »
Article 4b du CGI :
1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. »
Ainsi, de manière assez simple, il suffit de satisfaire au moins UNE des conditions exprimées ci dessus POUR PAYER SES IMPÔTS EN FRANCE :
Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal sont imposables en France.
Deux notions doivent peuvent donc être rencontrées : La notion de Foyer ou la notion de lieu de séjour principal
Les contribuables qui ont leur foyer en France
D’une manière générale, le foyer s’entend du lieu où les intéressés habitent normalement, c’est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent.
Cette résidence demeure le foyer du contribuable même s’il est amené, en raison des nécessités de sa profession, à séjourner ailleurs temporairement ou pendant la plus grande partie de l’année, dès lors que, normalement, la famille continue d’y habiter et que tous ses membres s’y retrouvent (CE, arrêt du 23 avril 1958, n° 37792). Ainsi, les salariés détachés provisoirement à l’étranger par leur entreprise sont normalement considérés comme fiscalement domiciliés en France s’ils ont laissé leur famille dans notre pays.
Les contribuables qui ont en France le lieu de séjour principal
En règle générale, doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d’une année donnée.
Ainsi, ont été considérés comme imposables en France :
- un contribuable qui avait séjourné à l’hôtel, en France du 10 mai N au 7 février N + 1 (CE, arrêt du 17 juin 1946, n° 59353) ;
- un contribuable qui, au cours de l’année considérée, avait résidé pendant trois cent deux jours dans une chambre d’hôtel (CE, arrêt du 5 juillet 1961, n° 37182) ;
- un étranger qui avait effectué durant plusieurs années de fréquents séjours dans notre pays dont la durée au cours d’une même année n’avait jamais été inférieure à six mois (CE, arrêt du 20 février 1961, n° 50475) ;
- un contribuable qui, au cours des années en cause, avait habité à Paris à deux adresses successives et n’avait effectué que quelques voyages à l’étranger (CE, arrêt du 23 février 1966, n° 62460) ;
- un contribuable ressortissant des États-Unis d’Amérique et salarié dans une société américaine dont il représentait les intérêts dans les pays d’Europe autres que la France, et dans les pays du Moyen-Orient. Ce contribuable disposait depuis plusieurs années d’un appartement à Paris où sa famille résidait en permanence ainsi que lui-même, sauf lorsque ses obligations professionnelles le conduisaient à voyager à l’étranger (il ne faisait pas à l’étranger de séjour durable et il n’alléguait pas y avoir eu une résidence) [Conseil d’État, 8 / 9 SSR, arrêt du 16 juillet 1976, n° 94488] ;
- un étudiant étranger qui a résidé en France de manière permanente d’octobre N à octobre N + 4 et n’a été admis à poursuivre ses études à l’université d’Alger qu’à compter du 6 décembre N + 4. Il a pu ainsi être regardé comme ayant eu au cours des années N + 3 et N + 4 le lieu de son séjour principal en France (Conseil d’État, 9 / 7 SSR, arrêt du 4 juillet 1984, n° 33800) ;
- une personne de nationalité étrangère dont les enfants sont scolarisés en France et qui utilise régulièrement l’appartement dont elle est propriétaire dans ce pays -ainsi que l’atteste le montant des communications téléphoniques acquitté au titre de cette résidence. Elle doit être considérée comme ayant en France son foyer et le lieu de son séjour principal et, conséquemment, son domicile fiscal (Conseil d’État, 7 / 8 SSR, arrêt du 10 février 1989, n° 58873).
Les contribuables qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire sont imposables en France.
En vertu du b du 1 de l’article 4 B du CGI, doivent être également considérées comme ayant leur domicile en France les personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire.
Pour les salariés, le domicile est fonction du lieu où ils exercent effectivement et régulièrement leur activité professionnelle.
Pour les mandataires sociaux d’une société dont le siège social ou le siège de direction effective est situé en France, cette situation implique, en principe, l’exercice en France du mandat social. Ainsi, pour qu’un chef d’entreprise soit considéré comme non résident fiscal Français, il ne faut pas que le siège de l’entreprise soit en France.
Pour les personnes exerçant une profession non commerciale ou tirant leurs revenus d’exploitations industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles, il convient de rechercher si elles ont en France un point d’attache fixe, un établissement stable ou une exploitation et si la majeure partie de leurs profits s’y rattachent.
Lorsque le contribuable exerce simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, l’intéressé est considéré comme domicilié en France s’il y exerce son activité principale.
L’activité principale s’entend de celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l’essentiel de ses revenus. Dans l’hypothèse où un tel critère ne peut être appliqué, il convient de considérer que l’activité principale est celle qui procure à l’intéressé, directement ou indirectement, la plus grande part de ses « revenus mondiaux ».
Les contribuables qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques sont imposables en France.
Les contribuables qui ont le centre de leurs intérêts économiques en France sont imposés en France.
Il s’agit du lieu où les contribuables ont effectué leurs principaux investissements, où ils possèdent le siège de leurs affaires, d’où ils administrent leurs biens. Ce peut être également le lieu où les contribuables ont le centre de leurs activités professionnelles ou d’où ils tirent, directement ou indirectement, la majeure partie de leurs revenus. (cf »Quelles conditions pour s’expatrier lorsque l’on est retraité Français ?« )
Pour les titulaires de mandats sociaux au sein de plusieurs sociétés dont les sièges sociaux ou de direction effective respectifs sont situés dans différents pays, le centre des intérêts économiques est recherché, selon les circonstances propres à chaque espèce, en tenant compte des liens entre les mandats sociaux exercés.
SYNTHESE : S’expatrier mode d’emploi
Ainsi, s’expatrier, même s’il s’agit d’un sujet à la mode, est finalement particulièrement complexe à mettre en œuvre. Il s’agit bien évidemment de quitter physiquement la France (avec sa femme et enfant) et de résider définitivement hors de France.
Les enfants devront changer d’école et vivre définitivement dans ce nouveau pays de résidence.
La famille devra également s’expatrier « Professionnellement ». La famille ne pourra plus tirer ses revenus professionnels de France. Les chefs d’entreprises devront également déménager le siège social de leur entreprise, déplacer l’usine … Bref, seuls les retraités peuvent prétendre satisfaire ce critère professionnel (et encore, deux arrêts marquants confirment que la perception d’une pension retraite Française, qui représente au moins 75% des ressources, permet de satisfaire le critère de centre des intérêts économiques, oblige donc ce jeune retraité expatrié à devoir déclarer ses revenus en France et appliquer les conventions fiscales permettant de lutter contre les doubles impositions. cf « Quelles conditions pour s’expatrier lorsque l’on est retraité Français ? »).
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Enfin, l’expatriation devra également être « Financière » et « Patrimoniale ». La famille devra sortir de France l’ensemble de ces investissements et autres centres des intérêts économiques. Il faudra donc vendre le parc de bien immobilier locatif, transférer les comptes titres et racheter les contrats d’assurance vie afin de les domicilier hors de France.
Bref, pour ne plus être « résident fiscal Français », il faut quitter la France, sans y conserver aucun lien….
Au delà de l’effet de mode, il s’agit d’une opération rare et peu fréquente…