Le démembrement de propriété est une technique traditionnelle qui est utilisée par la majorité d’entre vous pour organiser la transmission de votre patrimoine à vos enfants.
Le démembrement de propriété, c’est une forme de partage de la propriété dans le temps entre :
- Un usufruitier, qui pourra utiliser le bien immobilier objet du démembrement comme s’il était pleinement propriétaire, et ce pendant toute sa vie et/ou jusqu’au terme fixé en cas d’usufruit temporaire d’une durée limitée à X années par exemple. Il pourra l’occuper, le mettre en location, faire des travaux d’entretien, de réparation et de rénovation, mais ne pourra en aucun cas affecter la substance du bien sans l’accord du nu-propriétaire. Il devra donc lui demander son accord à l’occasion d’une demande de permis de construire, pour vendre et pour engager les gros travaux qui modifieraient la structure de l’immeuble (fondation, mur porteur, charpente, …).
- Le nu-propriétaire n’a aucun droit pendant toute la durée du démembrement autre que celui d’attendre le décès de l’usufruitier (ou le terme de l’usufruit temporaire) pour retrouver la pleine propriété de l’immeuble et en jouir à son tour.
La question est alors de savoir qui paye quoi pendant toute la durée de ce partage de la propriété entre usufruit et nue-propriété.
Qui doit payer pour les travaux de rénovation, d’entretien, d’amélioration de l’immeuble démembré ?
C’est l’usufruitier qui doit payer la quasi-totalité des travaux. L’article 606 du code civil précise néanmoins que :
- Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu (article 605 du code civil) ;
- L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien (Article 605 du code civil)
- Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien (Article 606 du code civil).
Bref, c’est l’usufruitier qui doit payer la quasi-totalité des travaux sauf ceux qui concernent la réparation des murs porteurs, le rétablissement des couvertures entières et les clôtures entières.
Comme nous vous l’expliquions déjà dans cet article « Immobilier locatif : L’achat en démembrement (usufruit / nue propriété) avec déficit foncier ! », on peut même construire une stratégie d’investissement immobilier redoutable autour de cette répartition des travaux entre usufruitier et nu-propriétaire.
Les travaux réalisés par l’usufruitier sont non seulement déductibles de son revenu foncier (lorsque l’immeuble est mis en location) en application de la règle classique des déficits fonciers, mais surtout, ils permettent de valoriser le patrimoine immobilier déjà propriété des enfants nus propriétaires.
C’est là une stratégie très efficace pour défiscaliser, investir dans l’immobilier locatif et transmettre !
Qui doit payer la taxe foncière lorsque l’immeuble est démembré ?
A nouveau, c’est l’usufruitier qui doit payer la taxe foncière.
La doctrine fiscale explique :
L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance (code civil [C. civ.], art. 578).
En cas d’usufruit, les droits du propriétaire sur les fruits et revenus sont annihilés temporairement et sans compensation ultérieure.
C’est donc l’usufruitier qui jouit des revenus de l’immeuble et qui, en conséquence, doit être imposé à la taxe foncière (CGI, art. 1400, II).
Le nom de l’usufruitier doit figurer au rôle de la taxe foncière à la suite de celui du nu-propriétaire.
Toutefois, l’indication du nom du nu-propriétaire sur le rôle n’a pas pour effet de rendre ce dernier solidaire de l’usufruitier pour le paiement de l’impôt.
Source : BOI-IF-TFB-10-20-20
Qui doit payer l’IFI sur un immeuble en démembrement de propriété ?
Plus compliqué. En principe, c’est l’usufruitier qui doit payer l’IFI sur la valeur en pleine propriété de l’immeuble, sauf si :
- Le démembrement de propriété a sa source directe dans la loi et notamment dans le règlement d’une succession, sans donation entre époux.
- Le démembrement résulte d’une vente de la nue-propriété à une personne autre qu’un présomptif héritier ou descendants d’eux du vendeur
- Le démembrement de propriété résulte d’une donation ou d’un legs fait à l’État ou à certaines personnes morales
Le démembrement de propriété a sa source directe dans la loi et notamment dans le règlement d’une succession, sans donation entre époux.
La doctrine fiscale précise que dans cette hypothèse et à condition que l’usufruit ainsi constitué ne soit ni vendu ni cédé à titre gratuit par son titulaire, les actifs imposables dont la propriété est démembrée sont compris respectivement dans les patrimoines de l’usufruitier et du nu-propriétaire suivant les règles fixées par l’article 669 du CGI.
Le 1° de l’article 968 du CGI, prévoyant une imposition partagée entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, s’applique si le démembrement de propriété résulte de l’application des dispositions suivantes (usufruits légaux issus des règles du code civil) :
- l’article 757 du code civil relatif à l’usufruit du conjoint survivant lorsque l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants ;
- l’article 767 ancien du code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant certaines dispositions de droit successoral) relatif à l’usufruit du conjoint survivant non divorcé et non séparé de corps qui ne bénéficie d’aucun legs ou donation ;
- l’article 1094 ancien du code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités) relatif à la nue-propriété attribuée au conjoint survivant après réduction de la part réservataire des ascendants à l’usufruit de ladite part ;
- l’article 1098 du code civil relatif à l’usufruit forcé du conjoint survivant en présence d’enfants d’un premier lit.
En d’autres mots, lorsque le démembrement résulte du règlement d’une succession, sans donation entre époux, et sans avantages matrimoniaux du contrat de mariage, usufruit et nu-propriétaire doivent déclarer l’IFI sur la valeur respective de leur usufruit et de leur nue-propriété en application du barème de l’article 669 du CGI.
Dans tous les autres cas, et notamment lorsque le démembrement résulte d’une donation, de l’application d’une donation entre époux ou encore d’un avantage matrimoniaux, c’est l’usufruitier qui doit déclarer l’immeuble démembré à l’IFI pour sa valeur en pleine propriété.
AGE de l’usufruitier | VALEUR de l’usufruit | VALEUR de la nue-propriété |
Moins de : | ||
21 ans révolus | 90 % | 10 % |
31 ans révolus | 80 % | 20 % |
41 ans révolus | 70 % | 30 % |
51 ans révolus | 60 % | 40 % |
61 ans révolus | 50 % | 50 % |
71 ans révolus | 40 % | 60 % |
81 ans révolus | 30 % | 70 % |
91 ans révolus | 20 % | 80 % |
Plus de 91 ans révolus | 10 % | 90 % |
Le démembrement résulte d’une vente de la nue-propriété.
Attention aux fins optimisateurs qui y verraient une opportunité pour contourner la loi. Le texte est très complet et interdit tout espoir.
La règle de l’imposition de l’usufruitier, au titre de l’IFI, sur la valeur de la pleine propriété du bien ne s’applique pas si le démembrement de propriété résulte de la vente d’un bien dont le vendeur s’est réservé l’usufruit, à condition que la nue-propriété ne soit pas cédée à l’une des personnes visées à l’article 751 du CGI.
Aux termes de l’article 751 du CGI, est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu’à preuve contraire, de la succession de l’usufruitier, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit au défunt et, pour la nue-propriété à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants d’eux ou à ses donataires ou légataires ou à des personnes interposées. Sont réputées interposées les personnes désignées au deuxième alinéa de l’article 911 du code civil.
Ainsi, l’imposition sera établie pour la valeur en pleine propriété dans le patrimoine de l’usufruitier, lorsque la cession avec réserve d’usufruit aura été consentie aux personnes suivantes :
- – aux héritiers présomptifs du redevable et à leurs descendants. À cet égard, ont la qualité d’héritiers présomptifs du redevable les personnes qui, au premier jour de la période d’imposition, viendraient à sa succession en vertu de la loi ;
- – à ses donataires, c’est-à-dire à toutes les personnes à qui, dans le passé, le redevable a consenti une donation ;
- – à des personnes réputées interposées entre le redevable et ses héritiers et donataires, et désignées au deuxième alinéa de l’article 911 du code civil. Il s’agit du père, de la mère, des enfants et descendants, et de l’époux de l’héritier ou du donataire, ainsi que, si le redevable est marié, des personnes qui ont pour présomptif héritier l’époux de l’usufruitier.
Bien entendu, il en irait de même s’il apparaissait que l’acte ayant entraîné le démembrement de propriété présenté sous la forme d’une vente, dissimule en fait une donation, par exemple si le prix de vente n’a pas été réellement acquitté ou a fait l’objet d’une restitution.
Source : BOI-PAT-IFI-20-20-30-10
A suivre.