Dans la logique patrimoniale couramment partagée par nombre d’entre vous, « on a le droit » de faire des donations à ses enfants dans la limite de 100 000€, tous les 15 ans à laquelle il est possible de faire un don manuel de somme d’argent de 31865€.
Cet abus de langage laisse à croire que vous n’auriez pas le droit de faire une donation pour un montant plus élevé. Non seulement c’est faux, mais surtout c’est souvent une excellente stratégie patrimoniale et fiscale de réaliser une donation pour une valeur supérieure à ces fameux 100 000€ tous les 15 ans.
En réalité, comme nous vous le détaillons dans notre livre « Succession« , vous êtes totalement libre de faire une donation pour le montant de votre choix. Vous êtes en aucun cas limité à 100 000€ tous les 15 ans.
En revanche, lorsque la donation sera supérieure à 100 000€, elle fera l’objet d’une taxation au droit de mutation à titre gratuit ( =droit de succession), selon le barème ci-dessous applicable aux donations réalisées entre parents et enfants :

Comme vous pouvez le constater, le taux des droits de succession est rapidement de 20% du montant transmis au-delà de l’abattement de 100 000€ dont bénéficie chacun des parents au profit de chacun de ses enfants.
Les droits de succession ou droits de donation, car dans les faits, ce sont deux appellations pour une seule taxation que sont les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) devront en théorie être payés par le donataire ( = l’enfant qui reçoit la donation), mais qui pourront être pris en charge par le donateur ( = le parent qui effectue la donation) sans que cela ne constitue une donation supplémentaire taxable aux droits de succession.
Avec d’autres mots, vous pouvez payer les droits de donation qui devraient être payés par vos enfants, c’est à dire augmenter le montant réel de la donation sans imposition supplémentaire.
Prenons un exemple pour mieux comprendre cette stratégie simple, mais terriblement efficace pour réduire les droits de succession.
Monsieur DUPONT, veuf, un enfant possède un patrimoine de 2 millions d’euros.
Âgé de 75 ans, il effectue une donation de 100 000€ à son fils unique.
Il décède à l’âge de 89 ans, soit 14 ans après la donation avec un patrimoine de 3 000 000€ car son patrimoine investi en actif immobilier et en actions s’est naturellement valorisé avec le temps et la dynamique économique (taux de revalorisation du patrimoine 3.30% / an pendant 14 ans).
A l’occasion de son décès, son fils devra payer des droits de succession pour un montant d’environ 1100000€, soit un taux moyen d’imposition supérieur à 30%. Pour estimer le montant des droits de succession, vous pouvez utiliser un simulateur mis à disposition sur le site du service public : Simulateur droits de succession
La donation de 100 000€ aura été à l’origine d’une réduction des droits de succession de 45 000€, c’est une belle somme d’argent, mais finalement très faible au regard de la totalité de l’impôt à payer.
Maintenant, quelques situations alternatives.
Madame DUPONT, veuve, un enfant possède un patrimoine de 2 millions d’euros.
Âgé de 75 ans, elle effectue une donation de 1 000 000€ à sa fille unique (elle lui donne la pleine propriété d’un patrimoine immobilier ou d’action au choix).
Pour effectuer cette donation, Mme DUPONT devra payer des droits de succession pour un montant d’environ 212 000€. Mme DUPONT s’acquittera de ces droits de succession en lieu et place de sa fille.

Elle décède à l’âge de 89 ans, soit 14 ans après la donation avec un patrimoine de 1 500 000€ car son patrimoine investi en actif immobilier et en actions s’est naturellement valorisé avec le temps et la dynamique économique (taux de revalorisation du patrimoine 3.30% / an pendant 14 ans).
2 000 000 (patrimoine de Mme DUPONT) – 1 000 000 (donation ) = 1 000 000 € revalorisé au taux de 3.30% / année pendant 14 ans = 1 500 000€.
A l’occasion de son décès, sa fille fils devra payer des droits de succession pour un montant d’environ 842 000€, y compris les -+ 200 000€ payés lors de la donation en N-14.

Au total, une économie de droits de succession d’environ 250 000€.
C’est déjà pas mal, mais on peut faire encore beaucoup mieux.
Premier levier : Avoir la bonne idée de décéder plus de 15 ans après la donation.
Il n’est pas toujours facile de jouer sur ce facteur pourtant déterminant pour réduire les droits de succession. En effet, dans l’hypothèse d’un décès plus de 15 années après la donation, l’héritier pourra profiter :
- D’un nouvel abattement de 100 000€ ;
- et surtout, de la remise à zéro du barème des droits de succession.
C’est le principe du rappel fiscal des donations de moins de 15 ans telle que nous vous l’expliquons dans notre livre « Succession« .
En reprenant, cette seconde hypothèse (Mme DUPONT avec donation de 1 000 000€ et décès +15 ans après la donation).
Dans ce cas, les droits de succession à payer au décès de Mme DUPONT seront limités à :

Soit un total de 624 000€ en ajoutant les -+ 212 000€ de droits de donation payé lors de la donation.
Au total, il s’agit donc d’une économie totale de droits de succession de 476000€ (1100 000 – 612 000 = 476 000€).
C’est encore mieux, mais on peut faire encore beaucoup plus.
Second levier, procéder à une donation avec réserve d’usufruit (et non une donation en pleine propriété).
Au lieu d’effectuer une donation en pleine propriété de 1 000 000€, Mme DUPONT va effectuer une donation avec réserve d’usufruit pour ce même montant de 1 000 000€.
Compte tenu de son âge (75 ans) et donc de la valeur de l’usufruit à 75 ans, la donation portera sur un actif en pleine propriété valorisé : 1 000 000 / 0.70 = 1 428 000€.
Cette donation de 1 000 000€ sera le fait générateur des droits de donation à hauteur de 212 000€, exactement comme la donation en pleine propriété :

Au décès de Mme DUPONT, plus de 15 ans après la donation, le montant de la succession taxable aux droits de succession sera de 2 000 000 – 1 428 000 = 572 000€ * 1.033^15 = 930 000€ = patrimoine net après donation de 1 428 000, revalorisé au taux de 3.30% pendant 15 ans.
Les droits de succession à payer seront d’environ 192 000€

Au total ce seront donc 192 000 + 212 000€ qui devront être payés, soit 404 000€ et une économie totale de 696 000€ par rapport à la situation initiale au terme de laquelle M DUPONT se contentait d’une donation de 100 000€ à 75 ans.
C’est encore mieux, mais on peut faire encore beaucoup plus.
Troisième levier : Faire une donation avec réserve d’usufruit avant 61 ans pour maximiser la valeur de l’usufruit
Cette troisième stratégie permet d’effectuer une donation avec réserve d’usufruit avec une valeur d’usufruit estimée à 50% de la valeur en pleine propriété.
En effectuant une donation plus jeune, Mme DUPONT pourra effectuer une donation plus important grâce à une valeur d’usufruit plus élevée ; De surcroît, il sera statistiquement plus facile de vivre au moins 15 ans après la donation.
Mme DUPONT effectue donc une donation de l’intégralité de son patrimoine pour un montant de droits de succession estimé à 212 000€.
A son décès, il n’y aura donc plus aucun droit de succession à payer.
De surcroît, en réalisant une donation à 60 ans (et non à 75 ans) la valeur du patrimoine transmis sera plus faible puisque nous devons retirer 15 années de valorisation de l’immobilier et des actions.
Bref, au final le niveau des droits de succession sera d’environ 7% du patrimoine. C’est toujours trop, mais nettement plus supportable que les 30% initiaux.
Et, on peut même faire encore beaucoup mieux.
Nous n’avons même pas utilisé le levier de l’assurance-vie, de la SCI, et des nombreux autres outils à notre disposition !
A suivre.
J’ajoute qu’il y a une autre consideration à faire, sur l’avantage de donner plus (quitte à payer des impôts) avant plutôt que attendre la succession.
Le fait que c’est très probable que le taux d’imposition ne vont pas rester les memes au fils des année…
Bonjour GF.
1) Il me semble qu’il manque quelques mots dans le premier paragraphe.
2) » Second levier, procéder à une donation avec réserve d’usufruit (et non une donation avec réserve d’usufruit). »
Je suppose que vous vouliez écrire : « Second levier, procéder à une donation avec réserve d’usufruit (et non une donation simple). »
Erreur aussi je pense dans le cas de Mme DUPONT, 1ère simulation :
Vous commencez avec une donation de 1 000 000€ puis dans vos calculs vous prenez un abattement de 100 000€.
Merci cependant pour tous ces rappels.
Dans les clauses de la donation, vous devriez aussi rappeler l’intérêt de mettre une clause de retour (en tenant compte de l’existence ou pas des petits enfants) ; de faire une donation-partage entre tous les enfants (et avec les conséquences si ce n’est pas fait) ; de prévenir les enfants de la possibilité de renoncer au reste de la succession pour les petits enfants et d’expliquer l’intérêt ; de ne pas oublier de rappeler dans la donation partage toutes les anciennes donations pour faire une donation partage qui ne puisse pas être dénoncer par un enfant à la succession ;
Et peut-être le plus important : De faire signer et accepter cette donation partage par tous les enfants pour éviter tout problèmes au moment de la succession.
Merci pour cet article très très intéressant.
Pour ceux qui envisagent de donner rapidement plus de 131865 euros à leur enfant, il serait toutefois préférable de le différer à septembre car les abattements pourraient augmenter prochainement.
Le président ayant envisager de relever l’abattement de 100 à 150ke.
Et surtout il promet un abattement de 100ke pour les petits-enfants, neveux ect… Pour ce type de donation, il est donc urgent d’attendre un peu.
Evidemment !
Bonjour Guillaume Fonteneau,
Vous évoquez ici les transmissions à titre gratuit qui relèvent des LIBERALITES taxables aux droits d’enregistrement , et divers moyens d’en réduire l’assiette et le taux, dont la donation avec réserve d’usufruit ( de préférence réversif au profit du conjoint survivant dans le cas de 2 époux ) .
1/ Je vous signale une solution inspirée d’un arrêt de la cour de cassation (ref ?)
Des parents disposant d’un terrain à bâtir, donnent la nue-propriété de ce terrain à leur enfants et font construire un immeuble (ou maison) à usage locatif leur assurant des revenus complémentaires.
A leur décès les enfants recouvrent la pleine propriété sans droits d’enregistrement puisque selon le code civil (art. ???) les améliorations apportées par l’usufruitier ne donnent pas droit à récompense, de sorte qu’il n’y a pas donation (déguisée) .
Le même principe s’applique à des travaux (amélioration, agrandissement ) réalisés par les parents usufruitier sur un bien démembré de la même façon.
2/ Avec le régime LMP en SARL de famille , le PACTE DUTREIL faisait merveille, j’en ai profité , mais hélas, trois fois hélas c’est fini !
3/ Je suppose que vous évoquerez dans un autre article les techniques de transmissions qui s’apparentent par leur finalité à des transmissions à titre gratuit mais qui ne relèvent pas des LIBERALITES et donc de taxation aux droits d’enregistrement, et qui font appel aux techniques sociétaires corrélées au démembrement de propriété.
Il y a à ma connaissance au moins trois techniques particulièrement intéressantes . A suivre donc comme annoncé !
Le fait d’attendre changera quelque chose ou pas ?
Il est fort probable que si les conditions changent, les donations précédentes seront prises en compte pour faire une nouvelle donation aux nouvelles conditions pour le reste des droits à donner. Vous ne croyez pas ?
Très juste de rappeler cela
&Patrick
Je suis tout à fait d’accord. Il est possible que le montant de l’abattement évolue mais je ne pense pas que les taux évoluent. Dans ces conditions autant commencer rapidement, ça nous permettra de mourir six mois plus tôt, après avoir fait la seconde donation…
@Guillaume
Je me demandais si votre article aujourd’hui faisait suite à ma petite remarque lors de la conférence vendredi dernier… ? Ça me faisait plaisir de participer un peu !
« Je me demandais si votre article aujourd’hui faisait suite à ma petite remarque lors de la conférence vendredi dernier… ? »
Évidemment. Mes articles sont directement inspirés des réflexions, remarques, conseils que je capte lors de mes consultations, et maintenant visio 😉
Donc : Merci.
Vous pourrez vous vanter d’avoir eu une idée d’un avocat gratuitement !! 😉
Bonjour
SVP pourquoi, dans le paragraphe du 2ème levier, la valeur de la donation est-elle réactualisée à sa valeur au jour du décès?
Est-ce parce que c’est une donation au lieu d’une donation partage?
Autrement dit, est-il conseillé de faire une donation simple d’actifs dont on sait que la valeur va augmenter, quand c’est possible (un seul donateur, un seul donataire)?
Merci d’avance pour les éléments de réponse
Bonjour,
J’ai entendu dire que la valeur du bien fait en donation plus tôt était revalorisée au jour du décès et coûtait des frais de succession supplémentaires.
Vous confirmez ?
Merci par avance de votre réponse.
Non, je ne confirme pas. C’est faux.
Ne peut-on pas faire évoluer la valeur de sa donation en fonction de l’indice du coût de la construction ?
Et si ce bien reçu en donation a été vendu, qu’elle est la valeur déduite lors du partage ? La valeur lors de la donation, ou la valeur lors de la vente ?
fiscalement NON.
Il ne faut pas confondre fiscal et civil
Ok merci.
@ Dimo
Je crois que si la donation n’est pas faite en « donation-partage », elle va être réévaluée au jour du décès. Pas pour payer des frais de succession supplémentaires, mais pour opposer cette valeur à ce qu’on reçu les autres enfants. Et là, cela peut devenir la foire d’empoigne. 2 donations de 100.000 € chacune peuvent se révéler valoir 40.000 € pour l’une et 200.000 € pour l’autre. On prends le total et on divise par deux : 200.000 + 40.000 = 240.000 € puis on divise par 2 pour savoir combien chaque enfant doit avoir : 240.000 / 2 = 120.000 €. Et un enfant va donc devoir donner à l’autre enfant une compensation de : 120.000 – 40.000 = 80.000 € !!
Vous pouvez imaginer l’ambiance ensuite entre les enfants ..
Alors cela coûte plus cher mais je vous conseille de faire des donations partages qui fixent les valeurs au jour de la donation. Plus toutes les clauses que j’ai citée dans mon 1er commentaire.
Certains notaires vous diront (à juste titre d’ailleurs) que si vous faites une donation d’immobilier à deux enfants ou plus, il ne peut y avoir de donation partage car il n’y a pas de partage mais indivision.
Pour contourner cela, ce que nous faisons c’est qu’en plus de l’immobilier, le donateur donne, ne serait-ce que 5000 €, à chacun des donataires. À partir de là, il devient conceptuellement possible d’organiser une donation partage, en n’oubliant surtout pas toutes les clauses préconisées par PATRICK.
On peut faire une donation partage de biens immobiliers en donnant des parts de SCI plutôt que les biens directement.
Maintenant si on donne la moitié du bien immobilier à 2 enfants en indivision, il n’y aura pas de problèmes entre eux plus tard puisque les valeurs resteront identiques au moment du décès.
Par contre, je me demande si la donation qui n’aurait pas été faite en « partage » ne devrait pas avoir à la succession le montant du partage à payer de toute façon ?
Si quelqu’un peut répondre ?
Je ne suis pas certain.
Le problème de la donation « partage », c’est qu’il faut « partager ». L’indivision me semble contraire à cette nécessité de partager.
Est-ce qu’il y a un notaire dans la salle pour donner son avis ?
Indivision ou partage doivent revenir à l’identique dans les faits. La question est de savoir s’il y aura plus de frais à payer à la succession si le partage n’a pas été déjà payé à la donation. Non ?
Bonjour,
En tant que notaire « dans la salle », je confirme :
– une donation en indivision obligera les donataires à payer un droit de partage de 2,5% sur la totalité du bien (réévalué au décès…), si l’un des donataires veut récupérer seul le bien par la suite. En revanche, en cas de vente par les donataires indivis, la répartition du prix ne sera pas soumise à ce droit de partage (tolérance administrative, pourvu que ça dure…)
– à l’inverse, la donation-partage permettra toujours d’éviter ce droit de partage de 2,5 % (sauf le cas particulier d’une réincorporation d’une donation antérieure dans une nouvelle donation-partage). Bref, parfois de sacrées économies à la clé en fonction des montants donnés et partagés.
– attention toutefois : la Jurisprudence de la Cour de Cassation oblige les donataires à ne pas laisser de bien indivis dans une donation-partage. En cas de biens donnés mixtes (biens partagés d’un côté et biens indivis de l’autre), il faut donc faire deux actes (solution sécurisée mais il est vrai légèrement plus chers pour nos clients…).
Merci Guillaume pour vos articles, toujours percutants.
Grand merci pour ces précisions.
Mais il me semblait qu’en cas de donation-partage, il y avait des frais de partage à payer, qui ont je crois augmenter dernièrement.
Je me trompe ?
Avec plaisir.
Non, pas à ma connaissance. Les frais de donation-partage n’ont pas augmenté depuis longtemps :
– La fiscalité des droits de donation est alignée sur celle des donations classiques
– Les émoluments des notaires (rémunérations fixées par l’Etat) n’ont pas bougés depuis bien longtemps
– Seul le droit de partage a fortement augmenté mais c’était en 2012 ! (1,1 % vers 2,5%, pour finalement revenir à 1,1 % en 2022 mais uniquement pour les couples qui se séparent). Donc, maintenus à 2,5% dans notre cas depuis 2012. Mais comme indiqué au-dessus, cet impôt ne concerne que la réintégration d’anciennes donations dans une nouvelle donation-partage (ou des biens issus de la succession du premier parent décédé). Ainsi, les biens nouvellement donnés et partagés échappent donc à cette taxe (contrairement aux biens reçus par héritage…).
En espérant ne pas être trop confus ou technique…
A votre disposition pour toute précision !
Merci Mr Taveneau
C’est bien de ces frais autrefois à 1,1 % passés à 2,5 % que je parlais. Mais je n’ai pas bien compris un point de votre réponse :
Pour une donation partage sans ramener d’anciennes donations, il y a actuellement des frais de 2,5 % à payer, sur le montant donné, ou pas ?
Quand je vais sur internet, j’ai les renseignements suivants :
Part des biens concernés par la donation-partage Pourcentage (hors TVA)
De 0 à 6 500 € 4,837%
De 6 500 à 17 000 € 1,995%
De 17 000 à 60 000 € 1,330%
Plus de 60 000 € 0,998%