Dans le prolongement de cet article « Dividendes : Faut il choisir l’option PFU à 30% ou préférer l’imposition à la tranche marginale ? » détaillant les modalités d’imposition 2018 des dividendes, analysons les modalités d’imposition des plus-values de cession d’entreprise en 2018.
Il s’agit des plus-values enregistrées par le chef d’entreprise qui vend son entreprise en 2018, mais également de l’épargnant qui investi une partie de son épargne en action sur les marchés financiers via son compte titre.
Dans son interview au journal les Echos, Bruno LEMAIRE explique » Bruno Le Maire : « Le PFU a vocation à être simple et lisible. On ne va pas recréer des usines à gaz et freiner la réalisation d’opérations économiques pour de mauvaises raisons fiscales ! Le PFU s’appliquera aux intérêts, aux dividendes et aux plus-values de cession de valeurs mobilières. Enfin, les contribuables pourront toujours choisir l’imposition au barème, si c’est plus avantageux pour eux. »
Toute la question réside alors dans l’interprétation de la dernière phrase « les contribuables pourront toujours choisir l’imposition au barème, si c’est plus avantageux pour eux » :
Est ce qu’il faut comprendre :
1- Que le contribuable aura le choix entre le PFU à 30% et la tranche marginale d’imposition de l’impôt sur le revenu (0% ; 14% ; 30% ; 41% ; 45%) + prélèvements sociaux à 17.20% (mais aussi le bénéfice de la CSG déductible). Dès lors, tous les contribuables dont la tranche marginale d’imposition est supérieure ou égale à 14% pourront trouver un intérêt à opter pour le PFU.
2- Que deux systèmes d’imposition coexisteront : Le système actuel d’imposition après abattement pour durée de détention et sur option le PFU à 30%. Le système actuel qui permet une imposition à la tranche marginale d’imposition après un abattement pour durée de détention puis les prélèvements sociaux et le nouveau système du prélèvement forfaitaire unique à 30%.
N’est il pas contraire à l’esprit de la réforme fiscale que de laisser coexister les deux systèmes d’imposition ? L’option 1 qui induit la suppression des abattements pour durée de détention n’est elle pas plus simple ? Mais attention, si cette première option est plus simple, elle a pour conséquence une augmentation de l’impôt sur les plus-values de cession d’entreprise ou d’action !
Le projet de loi de finance pour 2018 confirme l’option 1 : Les abattements pour durée de détention sont supprimés pour tous les titres acquis après le 01/01/2018. Le chef d’entreprise aura donc le choix entre :
- Une taxation de sa plus-value au prélèvement forfaitaire unique de 30% ;
- Une taxation de sa plus-value au taux de sa tranche marginale d’imposition, sans abattement pour durée de détention.
Seul l’abattement de 500 000€ pour le chef d’entreprise qui part à la retraite à l’occasion de la cession de son entreprise est maintenu jusqu’en 2022.
Une clause de sauvegarde permettra de conserver le bénéfice des abattements pour durée de détention pour les titres acquis avant le 01/01/2018.
Actuellement, les plus-values de cession d’entreprise sont imposées à la tranche marginale d’imposition (TMI) après abattement pour durée de détention.
Dans le système actuel d’imposition des plus-values de cession d’entreprise, la plus-value est imposable à la tranche marginale d’imposition du contribuable après un abattement pour durée de détention qui varie entre 50% à 85%, puis aux prélèvements sociaux au taux de 17.20%.
Enfin, sur les 17.20% de prélèvements sociaux, 6.80%, c’est à dire -+ 39% du montant total des prélèvements sociaux, sont déductibles des revenus imposables l’année suivante (faut il encore que les revenus du contribuable soient suffisant pour absorber cette charges déductible).
Mais attention à l’apparente évidence, le taux réel d’imposition est nettement inférieur à la tranche marginale d’imposition du contribuable grâce aux abattements pour durée de détention.
Demain, si le PFU devait être mis en place avec pour corrolaire la suppression des abattements pour durée de détention, le taux d’imposition de plus value de cession d’entreprise augmenterait fortement ! et surtout pour les chef d’entreprise qui vendent leur outil de travail.
Le chef d’entreprise qui cède son entreprise à l’occasion de son départ à la retraite est actuellement taxé à un taux moyen proche de 20%… demain, si le PFU et la suppression des abattements pour durée de détention devait être confirmés, ce taux d’imposition passerait à 30% !
Synthèse du taux d’imposition des plus-values de cession d’entreprise actuel (avant réforme du PFU)
Plus value de cession d’actions ou d’entreprise | 0% | 14% | 30% | 41% | 45% |
Prélèvements sociaux (17.20% | 17,20% | 17,20% | 17,20% | 17,20% | 17,20% |
CSG déductible en N+1 (6.80%) | 0,00% | -0,95% | -2,04% | -2,79% | -3,06% |
Taux d’imposition sur le revenu | |||||
Moins de 2 ans (abattement 0%) | 0,00% | 14,00% | 30,00% | 41,00% | 45,00% |
Entre 2 ans et 8 ans de détention (50% abattement | 0,00% | 7,00% | 15,00% | 20,50% | 22,50% |
Plus de 8 ans de détention (65% d’abattement) | 0,00% | 4,90% | 10,50% | 14,35% | 15,75% |
Créateur d’entreprise, départ en retraite du dirigeant (85% abattement) | 0,00% | 2,10% | 4,50% | 6,15% | 6,75% |
Taux d’imposition global en 2017 | |||||
Moins de 2 ans de détention (abattement 0%) | 17,20% | 30,25% | 45,16% | 55,41% | 59,14% |
Entre 2 ans et 8 ans de détention (50% abattement | 17,20% | 23,25% | 30,16% | 34,91% | 36,64% |
Plus de 8 ans de détention (65% d’abattement) | 17,20% | 21,15% | 25,66% | 28,76% | 29,89% |
Créateur d’entreprise, départ en retraite du dirigeant (85% abattement) | 17,20% | 18,35% | 19,66% | 20,56% | 20,89% |
2018 : Taux d’impôt après réforme PFU et suppression abattement pour durée de détention | 17,20% | 30,00% | 30,00% | 30,00% | 30,00% |
NB : Pour le chef d’entreprise qui cède son entreprise -+ 24 mois avant ou après son départ à la retraite, sa plus-value imposable sera la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition. Le chef d’entreprise bénéficiera en outre d’un abattement forfaitaire de 500 000€ qui viendra réduire le montant de cette plus-value, avant application de l’abattement de 85% pour durée de détention.
Dès lors, le taux d’imposition de 20.89% ne sera pas le taux effectif de l’impôt sur la plus-value, mais le taux d’impôt pour la plus-value de cession d’entreprise qui excède 500 000€. Dans l’esprit, la doctrine fiscale devra confirmer si le contribuable peut continuer de prétendre à cet abattement forfaitaire de 500 000€ dans le cadre d’une imposition au prélèvement forfaitaire unique de 30%. L’esprit des texte milite pour le maintient de cet abattement, mais … la logique fiscale est parfois un vaste sujet…
Un exemple pour comprendre :
Un contribuable a cédé le 1er juillet N des actions d’une PME européenne acquises le 1er août N-9. Les conditions d’application du dispositif prévu à l’article 150-0 D ter du CGI sont remplies. Par ailleurs, le contribuable ne dispose d’aucune moins-value imputable.
La durée de détention est d’au moins 8 ans (du 1er août N-9 au 1er juillet N), soit un abattement proportionnel pour durée de détention de 85 %.
1er cas : gain net de cession réalisé : plus-value brute de 650 000 €.
Ce gain est réduit de l’abattement fixe de 500 000 €, soit un gain après application de l’abattement de 150 000 €.
Montant de l’abattement proportionnel pour durée de détention renforcé : 150 000 x 85 % = 127 500 €.
Le gain net imposable, après application de ces abattements fixe et proportionnel, est donc de 22 500 €.
Les prélèvements sociaux sont calculés sur une assiette de 650 000 € (plus-value avant application des abattements).
Un taux d’imposition réel des plus values de cession d’entreprise et d’actions inférieur au taux du PFU de 30%.
Demain, avec le PFU et son corollaire la suppression des abattements pour durée de détention, un taux unique de 30% s’appliquerait pour tous, sauf option pour le tranche marginale d’imposition + prélèvements sociaux.
0% | 14% | 30% | 41% | 45% | |
PFU | 30% | 30% | 30% | 30% | 30% |
Tranche marginale + Prélèvements sociaux | 17,20% | 30,25% | 45,16% | 55,41% | 59,14% |
Taux d’imposition du contribuable (+faible des deux) | 17,20% | 30,00% | 30,00% | 30,00% | 30,00% |
En 2018, un contribuable à la tranche marginale paiera 30% de PFU lors de la cession de son entreprise alors qu’il n’est imposable à un taux inférieur actuellement.
On s’aperçoit rapidement que la très grande majorité des contribuables est imposée à un taux d’imposition inférieur à 30%. L’instauration du PFU et son corrolaire la suppression des abattements pour durée de détention aurait pour conséquence une forte augmentation d’impôt sur la plus-value pour tous, sauf celles réalisés à très court terme pour les contribuables aux tranches marginales les plus élevées (41% ou 45%).
En effet, Seules les plus-values sur des plus-values de court terme inférieures à 2 ans par des contribuables dont la tranche marginale d’imposition est de 30% 41% ou 45% trouveront un intérêt fort pour l’option PFU. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le compte titre pourrait retrouver de la vigueur lors de comparaison avec l’assurance (dont la fiscalité est plus faible, mais les frais nettement plus élevés -cf » Le retour du compte titre Vs Assurance vie grâce à une fiscalité plus douce à partir de 2017 / 2018 ?« ).
Les plus-values de cession d’actions détenues entre 2 ans et 8 ans bénéficieront également d’un régime de faveur avec le PFU pour les seuls contribuables dont le taux d’imposition est de 41% ou 45%, et dans dans proportions limitées. %
De surcroît, le choix pour le prélèvement forfaitaire unique aurait pour conséquence indirecte d’interdire l’optimisation fiscale et toutes les stratégies fiscales de réduction du revenu imposable couramment utilisées par le chef d’entreprise pour minorer le montant de son impôt. Il n’est même pas certain que l’utilisation de dispositif fiscaux de réduction d’impôt soit possible avec le PFU.
A suivre …